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Réformistes et radicaux s’affrontent à la CGT

CGT

Lien publiée le 1 juillet 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Le texte de JP Page auquel "Le Monde" fait référence peut être lu ici : https://tendanceclaire.org/breve.php?id=28970

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http://social.blog.lemonde.fr/2018/06/28/reformistes-et-radicaux-saffrontent-a-la-cgt/

Ce sont deux textes, que le Monde s’est procurés, qui circulent sous le manteau à la CGT en vue du 52ième congrès confédéral prévu en mars 2019 à Dijon, où Philippe Martinez briguera un nouveau mandat de secrétaire général. Ils présentent deux visions antagonistes du syndicalisme que devrait incarner à leurs yeux la centrale de Montreuil. L’un, collectif et anonyme, « pour des raisons liées à nos mandats électifs » expliquent les signataires, défend brièvement une ligne réformiste. L’autre, signé par le seul Jean-Pierre Page, ancien secrétaire général de l’union départementale de la CGT du Val-de-Marne (19769-1990) et ancien responsable de 1991 à 2000 du département international de la confédération, est un long plaidoyer pour un syndicalisme radical « de classe et de masse ».

Intitulé « la CGT en avant! », le texte des réformistes émane de « dirigeants » et « militants » de l’organisation qui jugent qu’« il est temps que la CGT reprenne l’offensive en ce qui concerne sa nécessaire évolution »« Il ne peut s’agir, écrivent-ils, de  »continuer la CGT » ou de  »défendre la CGT » comme si le paysage n’avait pas évolué » mais de ne pas « rester au milieu du gué des changements nécessaires ».  Habilement, les signataires ne se présentent pas en opposants à Philippe Martinez et se référent même à une déclaration qu’il a faite devant un comité confédéral national (CCN) où il proclamait que la centrale n’incarnait pas « un syndicalisme dogmatique ou idéologique ». Mais ils proposent une orientation qui se démarque en tous points de celle du secrétaire général.

« Oui, écrivent les réformistes, dans cette économie mondialisée le monde du travail a besoin d’un syndicalisme fort parce que moderne et rassemblé, force de proposition et à l’offensive dans les négociations. Plus que jamais nous devons agir pour cette Europe sociale que d’aucuns appellent de leurs voeux sans jamais souligner les pas en avant qui sont faits. On ne fera pas progresser les droits pour les salarié-e-s en campant sur des positions stériles d’opposition ». Ils plaident pour le dialogue social qui peut « permettre des avancées » et ils fustigent la stratégie adoptée  « depuis l’épisode de la loi travail » : « pour quel résultat si ce n’est des journées de grève perdues, un goût amer dans la bouche des militants et au final une loi qui passe quand même. Et on s’apprêterait à reproduire en 2018 ce qui a échoué en 2016 et 2017? »

Les signataires critiquent aussi la participation de la CGT avec La France insoumise à la « marée populaire » du 26 mai : « Quand certains voient la solution dans un alignement sur les partis politiques ou des journées fourre-tout pompeusement appelées  »convergence des luttes », nous pensons avec notre secrétaire général [encore une fois récupéré] que nous devons  »cultiver notre jardin syndical » et nous en tenir à la défense stricte des revendications exprimées sans vouloir faire dire aux luttes ce qu’elles ne disent pas. Nous devons aller plus loin et plutôt que de camper dans un isolement sectaire reprendre le dialogue avec les autres confédérations avec le souci d’aboutir et d’avancer ».

Se posant en défenseurs de la Confédération européenne des syndicats (CES) et des « avancées » qu’elle a obtenues dans l’Union européenne (UE), ils s’en prennent à ceux qui s’en tiennent à la « rhétorique de la lutte des classes » ou qui « rêvent d’un retour en arrière dans une FSM enfermée dans des schémas anciens ». La CGT avait quitté en 1995 cette Fédération syndicale mondiale, l’Internationale syndicale communiste, mais plusieurs fédérations y sont restées (agro-alimentaire), y sont revenues (chimie) ou envisagent d’y retourner (commerce). « Force est de constater aujourd’hui, concluent les réformistes, que la CGT recule quand elle campe sur des positions doctrinaires et qu’au contraire elle progresse quand elle sait être un partenaire social force de propositions réalistes ».

La contribution de 30 pages de Jean-Pierre Page est en totale opposition avec le texte des réformistes. L’ancien responsable du département international de la CGT ne s’est jamais résigné au départ de la FSM et ne cesse de plaider pour un rapprochement avec l’Internationale syndicale communiste. Intitulé « la CGT, l’Europe et l’Union sacrée », son texte qui se situe essentiellement sur le terrain international est un réquisitoire au vitriol contre la direction de la CGT accusée d’« européisme » et contre la CES. Son argumentaire part de l’idée que « ce n’est pas la CGT qui a changé la CES mais c’est bien la CES qui a changé la CGT », cette dernière s’étant « ralliée aux conceptions du syndicalisme réformiste en Europe et ailleurs ». Cette « mise en conformité de la CGT aux normes du syndicalisme réformiste européen, écrit l’ancien dirigeant du Val-de-Marne, permettrait de régler ce qui est perçu comme un obstacle à la réalisation d’une unité durable avec la CFDT, comme à la mainmise définitive du réformisme sur le mouvement ouvrier de notre pays« .

Jean-Pierre Page reproche à la direction de la CGT de fuir le débat sur la présence de la CGT « dans cette galère », à savoir la CES mais aussi la Confédération syndicale internationale  (CSI). Celle-ci a été créée en 2006, avec le concours actif de Bernard Thibault, alors secrétaire général, à la suite de la fusion de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et de la Confédération mondiale du travail (CMT). La CGT en est membre depuis l’origine, avec la CFDT, FO et la CFTC, une hérésie pour Jean-Pierre Page qui y voit le marqueur de la dérive « réformiste » de son syndicat. Un choix qui, à ses yeux, « affecte sa cohésion, son unité et sa crédibilité » et a transformé la confédération en « une coquille vide, laissant aux fédérations le soin de se préoccuper des revendications quotidiennes des travailleurs ».

Pour Jean-Pierre Page, « le carcan européen est devenu insupportable aux peuples du vieux continent. Mais le syndicalisme européen se comporte comme les trois singes de la sagesse chinoise. Il n’entend rien, ne dit rien, ne voit rien ».  S’étendant longuement sur les diverses crises internationale, il juge que la CGT va être enfermée dans une « union sacrée », guidée par « la recherche du compromis », avec la CES et la CSI pour « sauver l’Europe et donc le capitalisme » : « Toute la question pour la CGT est de savoir si elle va faire ce choix ou faire celui d’une autre voie, celui du syndicalisme de classe, démocratique, de masse et indépendant, un syndicalisme de luttes de classe qu’il faut mener jusqu’au bout »« Dans la perspective du prochain congrès de 2019, souligne Jean-Pierre Page, cela implique que les militants de la CGT et les syndiqués se mettent en mouvement pour véritablement peser sur les décisions qui devront être prises. Ils doivent le faire en se réappropriant les valeurs et les principes du syndicalisme de classe qui doit demeurer celui de la CGT ».

Jean-Pierre Page plaide de nouveau pour un rapprochement avec la FSM qui incarne « l’anticapitalisme et l’anti-impérialisme » et déplore la « ségrégation inacceptable » dont elle fait l’objet. Il dénonce au passage la stigmatisation par la CGT des « positions souverainistes qu’elle assimile au racisme, à la xénophobie, à l’extrême droite », allant « même jusqu’à interdire dans les manifestions la présence d’organisations qui contestent l’euro et se prononcent pour une sortie de l’UE ». Il assure que la FSM – qui siège à Athènes et dont le président est un syndicaliste syrien et le secrétaire général un syndicaliste grec, Georges Mavrikos – « se renforce régulièrement » avec « prés de 100 millions d’affiliées pour 125 pays ». Des chiffres donnés au congrès de Damas en 1994 et qui semblent largement surévalués même si elle a connu un regain dans le Tiers Monde après son congrès de 2005 à La Havane. Elle regroupe des organisations de Corée du Nord, du Japon, du Vietnam, d’Afrique du Sud, de Cuba, du Pérou, de Syrie, de Palestine, d’Inde et d’Iran…

La contribution de Jean-Pierre Page se conclue par une adresse aux militants : « Le temps est venu pour tous ceux et toutes celles qui ont conscience du danger que de tels blocages représentent, d’intervenir hardiment dans le débat du congrès pour mettre un coup d’arrêt à cette spirale qui menace l’avenir même de la CGT« . Un thème que l’on retrouve dans l’appel du 20 juin d’une vingtaine de syndicats CGT des Hauts-de-France (dont le syndicat Goodyear) qui reprochent à la confédération de « freiner » les luttes et réclament une orientation « révolutionnaire ». Lors du CCN de mai, Philippe Martinez a réaffirmé « une bonne fois pour toute » l’affiliation de la CGT à la CES et à la CSI. Mais il s’est bien gardé de s’en prendre à ses fédérations ou à ses syndicats qui regardent avec insistance du côté de la FSM… Entre des réformiste bon teint et ceux qui campent sur une ligne « moins révolutionnaire que moi tu meurs », le secrétaire général pourra toujours choisir une voie en apparence médiane pour assurer sa réélection.