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«J’ai fait preuve de franchise envers la France insoumise»
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Lilian Guelfi a été l’un des militants de la France insoumise tirés au sort pour désigner la liste des candidats aux européennes. Dans une interview à Libération, le 4 juillet, cet étudiant orléanais a dénoncé un processus de désignation «aucunement objectif, démocratique et respectueux, humainement parlant». Depuis, il a reçu des « attaques » de son propre camp auxquelles il souhaite répondre.
Suite aux nombreuses réactions après mon interview dans Libération, je me dois d’écrire aux insoumis pour leur expliquer ma démarche.
Je tiens tout d’abord à vous faire part de mon attachement profond à notre mouvement. Alors qu’on me reproche de rouler pour telle ou telle personne, je veux vous dire que je ne roule que pour La France Insoumise (FI) parce que je suis persuadé que nous avons le meilleur programme pour gouverner et pour redonner aux gens le goût du bonheur.
Pour cela je pense que notre mouvement doit être irréprochable. Notre structure est inédite, les dysfonctionnements existent, je souhaite donc que ça change. C’est pour cela que j’ai décidé de prendre publiquement position.
Premièrement, je souhaite aborder la venue de Younous Omarjee, député européen FI, lors d’une réunion du comité. Il nous a parlé des enjeux européens qui sont très importants. Il nous a dit : « Le travail que vous allez accomplir maintenant est décisif. Le rôle d’un député européen est colossal et la tâche est lourde. Même si ce n’est pas forcément facile il faut mettre les amitiés de côté et se demander : qui sera capable d’endosser le rôle de député, de porter notre projet européen et de représenter notre mouvement et surtout le peuple français ? » Cette phrase a résonné en moi et je l’ai gardée à l’esprit pendant notre travail. Peut-être n’était-ce pas le cas pour tous ?
Je souhaite donc répondre aux attaques que j’ai subies.
D’abord, je réponds à Leïla Chaibi que j’ai auditionnée dans le cadre des travaux du comité électoral. Elle s’est dite étonnée de mes propos dans Libération alors que je l’avais défendue en réunion plénière ce qui a permis que sa candidature soit parmi les mieux placées. Je veux lui répondre en disant qu’elle a très bien réussi son audition et que je n’aurais pas pu faire autrement que de la défendre. Je suis resté objectif.
Les auditions sont, pour moi, un bon moyen de se rendre compte des qualités des candidats. Malheureusement, toutes les auditions n’ont pas eu le même poids. Après l’audition de l’une des candidates qui est par ailleurs porte-parole du mouvement, le groupe qui s’en était chargé est revenu enchanté et séduit par les qualités de la candidate et de sa maitrise des questions. Tout de suite, l’hypothèse selon laquelle elle avait eu les questions avant l’audition a été soulevée plutôt que de considérer cette personne comme une candidate de qualité. C’est pour moi un problème.
Je souhaite aussi m’exprimer sur la capture d’écran de mon fil d’actualités qui a été diffusée. J’étais satisfait de la liste non ordonnée, elle a été élaborée dans le consensus et dans la bonne humeur. Le seul bémol pour moi était le nombre assez faible de jeunes candidats. C’est pour ça que, le 5 juin, j’exprimais ma satisfaction. Rien d’autre. Et ma position n’a pas changé, la liste dans son ensemble me convient. Mais très vite, l’ambiance de travail a changé pour tendre vers l’atmosphère tendue que j’ai décrite dans mon interview. Lorsque l’on parle de « personnes à placer », les méthodes changent.
Je parlais précédemment des jeunes candidats, j’ai défendu une de ces candidatures lors de l’ordonnancement en m’appuyant sur le soutien massif que les jeunes insoumis lui apportent. Manuel Bompard a répondu que les jeunes insoumis n’avaient pas de cadre, que ce n’était rien et qu’ils n’existaient pas. Mais ils existent bel et bien, qu’on le veuille ou non, ils l’ont prouvé notamment lors de la mobilisation contre les lois pour la réforme des lycées et de l’enseignement supérieur, mobilisation qui n’est pas terminée. La FI est un beau mouvement parce qu’elle est intergénérationnelle, je suis notamment fier de militer avec des retraités, c’est ce qui fait la beauté de notre mouvement.
Je tiens également à dire à ceux qui mettent en avant ma jeunesse pour dire que je suis influençable et que je ne suis pas assez mûr pour avoir pris seul cette décision de parler, que j’ai agi après une longue réflexion, j’ai pris cette décision en mon âme et conscience sans aucune personne derrière moi. Cette démarche n’est pas anodine, c’est la première fois que je contacte un journaliste et cette décision n’a pas été prise à la légère. Mon jeune âge a aussi joué contre moi lorsque j’ai émis des contestations dans le comité, contrairement à ce qui est mentionné dans le rapport. En effet, j’ai été inaudible par la plupart des membres du comité, la parole de Manuel Bompard, directeur des campagnes de la FI, fait autorité sur celle d’une personne de 20 ans. Je trouve ça assez regrettable.
Au-delà de ces critiques assez minoritaires par rapport à tous les messages que je reçois pour me féliciter, je tiens à remercier chaque personne m’ayant contacté pour me soutenir, qu’il s’agisse d’amis, de militants que je ne connais pas ou de cadres nationaux. Parmi ces gens influents dans la FI, quelqu’un m’a confié qu’il avait reçu la consigne de me flinguer sur les réseaux sociaux pour décrédibiliser ma contestation. Je trouve ces méthodes abjectes. La pression exercée sur certaines personnes est forte, alors je remercie une nouvelle fois mes soutiens, dont certains s’affichent publiquement sur les réseaux sociaux. Je dis aussi à ceux qui ne me manifestent aucun soutien que je les comprends de ne pas vouloir se mouiller.
Je n’avais rien à gagner en dénonçant ces méthodes, mais j’ai décidé de faire preuve de franchise et de loyauté envers les militants qui se battent au quotidien pour notre mouvement. S’ils sont d’accord avec moi, je les appelle à voter contre cette liste pour dénoncer ce fonctionnement et pour que la FI finisse par tendre vers une plus grande implication des militants dans le processus de désignation des candidats comme en Espagne, chez nos partenaires de Podemos. Je souhaite aussi que les instances de notre mouvement soient plus démocratiques et représentatives de nos valeurs, pour cela j’encourage les militants à reprendre en main le destin de notre mouvement.
Je finis en vous rappelant mon attachement au mouvement, c’est dans celui-ci que s’inscrit ma démarche. J’espère que les attaques personnelles sur mon âge ou le fait que je suis mandaté par le PS ou Générations cesseront parce qu’elles sont ridicules et infondées. Je me suis engagé en politique au début de l’année 2017 dans la FI, par conviction et sans avoir milité pour une quelconque autre organisation auparavant. Si des gens veulent exprimer leur désaccord, qu’ils le fassent sur le fond uniquement et qu’ils mettent ma personne de côté.
J’espère que dans le mouvement citoyen que nous sommes la volonté des militants sera prise en compte à l’avenir.
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Militant de La France insoumise (LFI), membre du comité électoral qui vient de dévoiler la liste du mouvement pour les élections européennes, Lilian Guelfi dénonce un «travail malsain», une atmosphère «de suspicion» au sein du comité, pointant la mainmise de Manuel Bompard (secrétaire national du Parti de gauche et directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon) et de ses proches sur les positions éligibles.
Vous faîtes partie du comité électoral de la France insoumise. Quel a été votre rôle?
J’ai été tiré au sort en avril pour participer au comité électoral. Pour la liste aux élections européennes, nous avons examiné plus de 600 candidatures. Soixante-dix noms ont finalement été publiés. Après une phase consacrée aux remarques des militants – on en a reçu plus de 800 –, on a procédé à l’ordonnancement. Ce classement est d’autant plus important que les européennes se font à la proportionnelle, il s’agit donc de nos potentiels élus.
Pourquoi tirez-vous la sonnette d’alarme?
Ma démarche n’est pas de nuire à LFI, je n’ai aucun intérêt à en tirer. Mais j’ai été témoin de méthodes scandaleuses que je dois dénoncer pour le bien de tout le mouvement. Je me dois au nom de la confiance que les militants accordent à LFI de ne pas rester complice d’un processus de désignation aucunement objectif, démocratique et respectueux, humainement parlant.
Que dénoncez-vous?
Une manipulation sciemment orchestrée. Quand j’ai été tiré au sort, j’étais honoré de participer au processus. Mais j’ai très vite déchanté en voyant que tout était en réalité déjà verrouillé par la direction au profit de petits arrangements entre amis et partis qui disposaient à l’avance de positions éligibles. Une liste de noms de membres du Parti de gauche à défendre nous a été transmise par une membre de la direction, une des candidates nous a été imposée en position éligible sans débat, alors qu’elle ne figurait pas sur la liste des 70. Je déplore que Manuel Bompard, le «chef» du mouvement qui ne tient pas vraiment sa légitimité de la base, soit membre du comité électoral et en tienne la barre. Etant lui-même candidat, il est à la fois juge et partie. Cela pose un vrai problème d’indépendance du comité.
Comment cela s'est-il traduit?
Il essayait constamment de placer ses fidèles et d’évincer les gens qu’ils n’appréciait pas ou qu’il voyait comme une potentielle menace. Il a fait en sorte que nous ne tenions pas compte des commentaires positifs sur des candidats largement soutenus par les militants sur la plate-forme, comme Philippe Juraver, Sarah Soilihi, Djordje Kuzmanovic et d’autres. Certaines de ces candidatures n’ont même pas été discutées pour le haut de la liste. J’ai plusieurs fois demandé qu’on débatte de celles-ci, je n’ai pas été écouté. Pour la tête de liste, nous avons voté pour Charlotte Girard, mais pour les hommes, nous n’avons pas pu débattre, les proches de Bompard dans le comité ont gelé d’office sa candidature en tête de liste.
Pourtant, Younous Omarjee avait été largement plébiscité par les militants. Bompard avait une large influence sur le comité, personne n’osait le contredire et il attaquait certaines candidatures sans arguments politiques, en décrétant que celui ou celle-ci «ne méritait pas», comme ce fut le cas pour Sarah Soilihi, oratrice nationale de LFI. Manuel Bompard n’a par exemple pas voulu débattre de sa candidature quand on a parlé des six premières places pour les femmes, il n’a jamais donné d’argument politique. Il ne s’agissait que d’attaques personnelles, humainement déplorables et infondées.
Qu’attendez-vous pour la suite ?
La liste publiée va être soumise au vote des Insoumis, je les appelle donc à voter contre cette liste et j’en appelle à la responsabilité de chacun. Je pense qu’il serait mieux de les faire participer à l’instar de ce que fait Podemos, plutôt que de faire une liste entre soi, où le copinage et les partis politiques priment sur les valeurs humanistes et démocratiques de LFI. Il s’agit de l’avenir de notre mouvement et j’en appelle à la responsabilité de chacun pour que notre liste ne souffre d’aucune contestation.