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Festival d’Avignon: le modèle économique du off craque

culture

Lien publiée le 24 juillet 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.lamarseillaise.fr/vaucluse/economie/71102-dans-les-coulisses-du-festival-d-avignon-le-modele-economique-du-off-craque

Les 1538 spectacles proposés par le « off » d’Avignon cette année peinent à cacher toutes les difficultés économiques et financières rencontrées par nombre d’artistes et de compagnies présentes. Autour du #balancetonoff, publié par nos confrères de Zibeline, artistes, metteurs en scène et diffuseur détaillent pour La Marseillaise, les limites du modèle économique actuel.

àchaque compagnie et artiste son créneau. La recherche de théâtre, à la bonne jauge et à un horaire avantageux, exige des semaines de négociations avant le festival. Une priorité évidente, qui ne va pourtant pas de soi. Certains lieux ont en effet une propension à augmenter le nombre de créneaux, « ils sont souvent passés de cinq à six créneaux horaires pour un même espace » décrit une comédienne, « avec 6 créneaux dans la journée, cela nous donne à peine 2h-2h15 pour tout faire : pour monter le décors (10 minutes), faire entrer le public, donner la représentation puis démonter (10 minutes), si jamais il y a un petit retard dans la journée tout le monde est dedans ! ». Certains poussent jusqu’à 8 voire 9 créneaux dans la même journée...Quand un « directeur de salle n’hésite pas à nous demander de raccourcir la pièce pour la programmer ! », s’étonne encore un metteur en scène. « Il semble très improbable de présenter au « off » une création de 2 heures, les créneaux donnés par les lieux formatent considérablement les créations » reprend la comédienne. Le dit créneau dans un théâtre, pour les trois semaines de festival, peut aller de 4 à 5000 euros, pour une petite jauge de 30-40 places, à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Un investissement souvent qualifié de « colossal ».

Le off a atteint un point de bascule

D’autant que les compagnies locales et régionales, se retrouvent, de facto, en concurrence directe « avec les producteurs parisiens qui font de la tête d’affiche et investissent beaucoup d’argent » constate le programmateur d’un petit théâtre, « non seulement les créations se retrouvent face aux théâtres spécialisés dans la comédie familiale, dont le nombre a explosé en dix ans, mais aussi au coude-à-coude avec les humoristes, chroniqueurs, stars de la télé et de la radio, venus aussi chercher leur public et nous rencontrer », atteste cet habitué.

« Nous venons cette année avec deux spectacles » présente Philippe Chuyen,comédien et metteur en scène toulonnais, responsable de la compagnie Artscénicum. Un dizaine de personnes font le déplacement à Avignon pour reprendre Les pieds tanqués, qui a reçu le prix du centenaire Jean Vilar, au festival off. Au vu de la profusion des propositions, « cela devient de plus en plus aléatoire que le spectacle soit repéré » confirme-t-il. « Cela demande beaucoup de travail en amont, de communication, pour que nous puissions, à terme, à la fois rentrer dans nos frais, payer l’équipe technique, les comédiens » en faisant vivre la création durant toute l’année.

Car le festival « off » a atteint un point de bascule. « Nous ne comptons pas sur les entrées de salles pendant ces trois semaines pour rentabiliser la création » balance Valérie qui travaille à la diffusion de spectacles. « Le but, en étant ici, n’est pas de faire du chiffre d’affaires, mais d’être vus par des programmateurs », propriétaires ou directeur de théâtres, chargés de services culturels au sein de communes, etc... « Les compagnies ont globalement de moins en moins de moyens, les programmateurs tirent les prix par le bas, conséquences directes de la baisse des aides. C’est terrible  » conclut-elle.

« Le temps où les compagnies repartent avec 50 dates n’existe plus »

L’an passé, le comédien ciotaden Yann Le Corre, est venu jouer sa création Quand je serai grand... je veux être Van Gogh dans la seule et unique salle de quarante places du Théâtre du balancier, dont « le directeur nous a beaucoup aidé » tient-il à préciser. Venu à trois, avec l’équipe de production de César Événements, l’acteur, seul sur scène, a mené ces trois semaines à un train d’enfer. « Je me levais Van Gogh, je dormais Van Gogh, je mangeais Van Gogh » résume-t-il aujourd’hui, alternant les interminables séances de tractage dans les rues d’Avignon et les « 22 représentations » de sa création. Le tout avec un budget de l’ordre de 11000 euros, prenant en charge la location du créneau, le tirage des affiches et flyers, son cachet, l’hébergement et les repas. Outre le fait de rencontrer un public de connaisseurs, l’objectif affiché était d’entrer en contact avec « les 7 ou 8 programmateurs qui ont franchi la porte du théâtre sur la durée du festival pour assister à la représentation ». Avec à la clé des « dates », condition sine qua non pour rentrer dans ses frais.

« Nous avons calculé qu’un spectacle qui arrive à une jauge de 80% [de remplissage], sur les trois semaines, - ce qui est vraiment très satisfaisant - continue à perdre de l’argent ! » déplore David Nathanson, le président de « Les Sentinelles », une fédération de compagnie du spectacle vivant. « Et nous avons même fait le calcul, sans prendre en compte le salaire des comédiens - ce qui est illégal ! - et bien le spectacle continue à perdre de l’argent... Si le nombre de théâtres et de spectacles proposés au « off » augmentent, il n’en est pas de même du nombre de spectacles ni du nombre des programmateurs, et de salles dans lesquelles nous pouvons tourner ensuite » expose le professionnel. « Cette situation ne poserait pas de problème si à la sortie du festival, les compagnies pouvaient aligner 100 à 150 dates ! Mais cela n’existe plus, lorsque celle-ci obtiennent 15 à 20 dates, c’est déjà un très beau résultat ». « Désormais, sans subvention, le modèle économique sur lequel nous sommes est dépassé, il est à revoir ». Et pour cela, « il nous faut tout mettre sur la table, avec les théâtres - qui sont nos partenaires privilégiés -, les compagnies, les diffuseurs, les programmateurs, les administrateurs du off, avec tout le monde ».

Avignon peut être un «  miroir au alouettes », ou un « formidable tremplin » reprend Yann Le Corre, «  pour un artiste de la Région comme moi, il suffit de faire 100 kilomètres et j’ai présenté ma création au monde entier ! », conclut-il, habité par la passion de son métier.

Sylvain Fournier

Festival off d’Avignon, du 6 au 29 juillet