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Le vélo aime prendre le train, mais la SNCF ne l’y aide pas
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://reporterre.net/Le-velo-aime-prendre-le-train-mais-la-SNCF-ne-l-y-aide-pas
Pour une balade ou un long voyage, le train élargit les possibilités des cyclistes. Pourtant, la SNCF fait peu de cas de ces usagers, même si elle s’en sort mieux que les autres compagnies européennes.
- La Rochelle (Charente-Maritime), correspondance
En ce beau dimanche de juillet, Faouzi, la trentaine, prend le train de La Rochelle à Chatellailon avec son fils. À la descente du petit TER, le fils comme le père porte son vélo. « Je l’emmène se balader sur la côte. Comme il est encore petit, on y va en train, ça raccourcit les distances », explique Faouzi.
Alain et sa femme, eux, sont en vacances à La Rochelle. Aujourd’hui, ils se rendent à Royan : « On prend le train dans un sens pour revenir ensuite à vélo. On a déjà fait ça vers La-Roche-sur-Yon et Niort », et les années passées en Bretagne, Bourgogne ou région parisienne, disent-ils. Pour eux, comme pour beaucoup de cyclotouristes, le train est tout simplement « pratique » : « Ça évite de faire l’aller-retour sur la même route. On part une journée et on fait 80 km pour revenir au point de départ. »
En gare de Rochefort, Anne-Laure attend de rentrer chez elle à Saint-Malo après un voyage le long de la côte atlantique, son vélo et ses sacoches appuyées contre un banc. « Je prends trois TER : je pars à 9 h et j’arrive à 17 h… Les correspondances ne se font pas super bien », avoue-t-elle, tout en acceptant la contrainte. Le reste de l’année, elle ne prend jamais le train. « C’est assez facile, tout est fait pour qu’on puisse voyager avec le vélo », se réjouit-elle.
Pourtant, si le train est aujourd’hui plébiscité par les voyageurs à vélo, ce n’est pas vraiment grâce à l’implication de la SNCF. Jean Sivardière, vice-président de la Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut), a bien suivi la dégradation de ce service : « J’habite à Grenoble, et j’ai souvent fait du vélo dans le centre de la France. Dans les années 1980, c’était facile : j’arrivais à la gare de Grenoble, je mettais mon vélo sans prévenir personne dans le train à destination de Nantes, et je descendais vers Bourges, raconte-t-il. Je n’avais strictement aucun problème. Et puis, les difficultés sont peu à peu apparues, un jour un contrôleur a refusé que j’embarque mon vélo. Aujourd’hui, le transport des vélos non démontés devient de plus en plus difficile. »
Les ennuis sont arrivés « quand le système de bagages enregistrés a commencé à disparaitre »
Pendant longtemps, il existait à la SNCF un « service universel de bagage enregistré » permettant à n’importe quel voyageur de demander le transport de bagages (tels qu’une bicyclette), chargés et déchargés par les cheminots [1]. Jusqu’aux années 1970, le transport de vélo ne posait pas de problème. Et puis, les ennuis sont arrivés « quand le système de bagages enregistrés a commencé à disparaitre », dit Érick Marchandise, membre de l’association CyclotransEurope (le service de bagages enregistrés existe toujours, mais coûte maintenant 80 €…). Devant les revendications des usagers, le président d’alors de la SNCF a lancé une concertation. « Pour dire l’importance que cela avait, les premières réunions se passaient dans la salle du conseil d’administration de la SNCF. La concertation s’est poursuivie une vingtaine d’années, et puis ils ont dit que c’était chronophage, que les participants se réduisaient, et ça s’est arrêté. »
Des avancées ont toutefois eu lieu, qui rendent aujourd’hui encore possible le transport des vélos. Mais dans certaines conditions seulement. Erick Marchandise regrette ce manque de cohérence et de clarté. Pour y remédier, CyclotransEurope a édité une brochure explicative. « L’information est en général défaillante à la SNCF, et ça s’aggrave pour le vélo », selon lui. En bref : dans les TER, l’accès aux vélos est gratuit, sans réservation ; dans les Intercités, le transport des vélos se fait sur réservation le plus souvent, pour un prix variant de 0 à 10 € selon les lignes ; seule la ligne TGV « Océane » (Paris-Poitiers-Bordeaux-Toulouse) accepte des vélos, au prix de 10 €. Enfin, il reste possible de transporter son vélo partout dès lors qu’il est démonté et placé dans une housse ! « C’est compliqué comme tout et ça ne correspond pas à la pratique courante des cyclistes », prévient Érick Marchandise.
Une rame de TER en février 2018.
Bilan, « il y a des régressions très fortes », estime Jean Sivardière : suppression des places vélos dans les TGV Lyria (vers la Suisse), passage de 4 à 2 places dans les TGV Océane, suppression des trains de nuit (qui comportaient des compartiments pour les vélos). « De manière générale, le train ne va pas dans le bon sens, et encore moins pour les vélos. La SNCF a dit que les vélos créaient des incidents, mais elle ne donne pas les éléments qui permettent d’en juger. » Seule avancée, les Thalys (les TGV vers l’Allemagne) vont avoir deux places de vélo. Résultat, beaucoup de cyclotouristes en sont réduits à prendre TER après TER pour arriver à bon port, allongeant la durée de leur voyage.
« La SNCF fait de la pub pour les vélos, mais ça ne suit pas derrière »
Dans tous les cas, vu le prix et le peu de places dans ces trains, la chose n’est pas aisée pour les familles. Nous n’en avons croisé aucune lors de notre reportage. « Le problème, ce sont les escaliers », note Érick Marchandise : « Certains cyclistes n’ont pas la force physique de porter leur vélo, avec les bagages en plus. Bon, il faut demander de l’aide et souvent les gens aident spontanément, mais ça ne rend pas le voyage confortable, ça fait peur. »
Outre les escaliers, il y a encore le marchepied pour accéder au wagon (particulièrement haut sur les trains Corail), le lieu de rangement des vélos (parfois un crochet en hauteur où il faut suspendre la roue avant), la peur de ne pas avoir de place pour son vélo, ou de ne pas s’asseoir à proximité… Isabelle et Jean-Charles, croisés en gare de Toulouse, reviennent de Sète : « La SNCF fait de la pub pour les vélos, mais ça ne suit pas derrière. Qu’on paie pour nos vélos, c’est normal, mais alors qu’ils nous aident un peu ! »
Souvent, l’accueil des vélos dépend aussi du degré de tolérance du contrôleur. « Quand j’ai acheté mon billet, un des TER ne comportait pas le logo vélo, témoigne Anne-Laure. La personne au guichet ne savait pas pourquoi, mais dans tous les cas, je rentrerai dans le train et je verrai avec le contrôleur. »
Dans un TER en Picardie en 2010.
Selon les régions, l’effort fait pour accueillir les vélos est inégal. Sur la ligne TER Arcachon-Bordeaux, en Nouvelle-Aquitaine, les vélos sont interdits l’été dans certains trains du week-end. Cela en raison de la trop forte affluence de passagers, et du risque d’encombrement des couloirs. En remplacement, les bicyclettes sont transportées par une camionnette qui s’arrête à chaque gare. À l’inverse, sur la ligne Orléans - Le Croisic, le long de la Loire et de sa fameuse véloroute « La Loire à vélo », les TER ont mis le paquet : ils disposent de 33 à 83 emplacements pour vélo par train, avec du personnel spécifique pour aider aux manutentions.
En France comme en Europe, les compagnies ferroviaires considèrent le vélo comme une gêne
« Sur la Loire, ils ont bien compris que les gens qui font du vélo sont des gros utilisateurs du train, donc ils ont mis des capacités ferroviaires, analyse Jean Sivardière. Le vélo n’est plus quelque chose de marginal comme il l’était il y a 20 ou 30 ans. Les régions ont fait des efforts de développement des infrastructures cyclables, c’est devenu un enjeu économique. » Développer le tourisme passerait, aujourd’hui, par le développement de toutes les infrastructures qui concernent le vélo. « L’Américain qui vient en France, il n’a pas de voiture. Aujourd’hui, aller à la pointe du Raz sans voiture, c’est impossible », constate le vice-président de la Fnaut.
Quand on interroge le service de presse de la SNCF, on nous renvoie vers chaque service (TGV, Intercités, TER, Gares & Connexions), comme s’il n’existait pas de politique globale sur le sujet. « Cela fait des années qu’on discute avec la SNCF, mais finalement, elle se désintéresse totalement du problème des cyclistes. S’il n’y avait pas de cyclistes, ça les arrangerait », affirme Jean Sivardière. Pourtant, la France reste un des seuls pays où les vélos sont acceptés sur certaines grandes lignes (TGV), selon Érick Marchandise. Il se bat pour obtenir des garanties de places vélo dans tous les trains en Europe : « On essaie d’obtenir que le nouveau règlement européen des droits des voyageurs ferroviaires impose aux compagnies six places vélo minimum par train. Un peu comme pour les personnes handicapées. »
Car, ici comme ailleurs, les compagnies ferroviaires considèrent le vélo comme une gêne : « La SNCF voudrait au fond que le voyageur s’adapte à ses propres contraintes, financières en particulier, alors que si elle veut gagner de la clientèle, elle doit s’adapter au besoin des voyageurs. » En Allemagne, la Deutsche Bahn ne voulait pas de vélo dans ses trains grandes lignes, et c’est le gouvernement qui est finalement intervenu pour qu’il y en ait. « Le vélo obtiendra sa place grâce aux pouvoirs publics », conclut Érick Marchandise.