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2 août 1975 : le jour du «bouchon du siècle»

Lien publiée le 29 juillet 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.anti-k.org/2018/07/28/2-aout-1975-le-jour-du-bouchon-du-siecle/

(Le Parisien) Le samedi 2 août 1975, plus de 450 km d’embouteillages gâchent les départs en vacances de milliers d’estivants sur la Nationale 10. Les autorités sont pointées du doigt.

En voiture, c’est les vacances ! Ce week-end, il a encore fallu prendre son mal en patience… Malgré les consignes de Bison futé, qui déconseillait de prendre la route ce samedi, des milliers de vacanciers, coincés dans les embouteillages, ont fait du rab routier. On a compté, ce samedi, jusqu’à 366 km de bouchons cumulés à la mi-journée ! Mais le record de l’an dernier n’est pas battu : 857 km de bouchons cumulés le samedi 5 août 2017. Ce qui nous plonge 43 ans en arrière, le 2 août 1975.

Ce samedi-là, des centaines de milliers de Français s’apprêtent à foncer plein Sud pour profiter des plages et du soleil. L’automobile est en plein essor (15 millions de voitures, dix fois plus qu’en 1950 !), les Français sont passés à quatre semaines de congés payés, cinq ans plus tôt, les usines ferment les trois premières semaines d’août…

De quoi jeter sur les routes des hordes d’aoûtiens en 2 CV, R6 ou 504. Résultat : ça se bouscule pare-chocs contre pare-chocs sous la canicule estivale : jusqu’à 35 degrés à Tours et 39 degrés dans les Landes !

Vos yeux piquent à la fin de la journée ?

La fatigue visuelle est due à de nombreux facteurs : nous vous aidons à les identifier rapidement !

40 000 voitures bloquées sur la RN10

60 000 automobiles se retrouvent coincées en France, dont 40 000 sur la RN10, qui file de Paris vers l’Espagne sur 800 km. Rien que pour cette nationale (les autoroutes sont alors encore balbutiantes), plus de 450 km de bouchons cumulés ! Du jamais-vu ! « Impitoyable », titre en Une du lendemain « La Nouvelle République ».

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La Une du Parisien, le 3 août 1975./DR« Ces routes n’étaient pas du tout calibrées pour recevoir un tel flux de voitures ! » explique Laurent Carré. Ce professeur d’histoire-géographie de 48 ans s’est passionné dès son enfance pour la nationale 10. Au point d’avoir lancé en 2013 l’association Nostal10 et d’avoir consacré un livre à la RN10 (« On est heureux, Nationale 10 », édition Paquet), pour « valoriser sa mémoire ».

Les fontaines et boulangeries sont prises d’assaut

Car cette nationale est chargée d’histoire. Napoléon parcourait son tracé régulièrement ; le gouvernement français l’a prise en 1914 et 1940 pour se réfugier ; le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle marche sur ses traces… Mais ce 2 août 1975, c’est une tout autre affaire.

Tours, Châtellerault, Montbazon… Traverser les villes devient dantesque. À la mi-journée, les nordistes et les Belges qui avaient prévu le coup en partant dans la nuit se retrouvent bloqués sous une chaleur assommante. La clim’ est encore embryonnaire et les aires de repos sont peu nombreuses le long de la route. Alors, pour se rafraîchir, on prend d’assaut les fontaines municipales et les boulangeries.

Les voitures n’avancent que de quelques mètres en plusieurs heures. Et comme le moteur est coupé pour éviter qu’il ne chauffe, « on descendait tous pour pousser la voiture », se souvient Laurent Carré. D’autres tentent d’apaiser leurs nerfs en écoutant en boucle des tubes du moment, surtout « l’été indien » de Joe Dassin.

Et tout le monde n’a pas la chance d’arriver le soir même : « Des gens près de chez moi ont offert à un couple de Belges de passer la nuit dans leur sous-sol », se rappelle le prof d’histoire-géo.

À l’origine de «Bison futé»

Pour les autorités, accusées de ne pas en faire assez pour améliorer le trafic, c’est l’embouteillage de trop. Ils doivent mieux informer les automobilistes faute pour « le gouvernement d’avoir le temps en un an de construire des quatre voies », souligne Laurent Carré, qui habite près de Sainte-Maure-de-Touraine, l’un des « points noirs » les jours de circulation dense.

Pour incarner le nouveau système, un dauphin, une girafe « Ginette » qui voit de haut, l’oiseau « Timothée voit loin » sont évoqués. C’est finalement un petit bonhomme indien, « Bison futé », qui s’impose. En juin 1976, le nouveau personnage fictif au casque à cornes et à plumes s’exprime sur France Inter : « Dans quelques jours entre Tours et l’Espagne, il y aura beaucoup de visages pâles et de crises de nerfs… Mais moi, Bison futé, je serai là ! ».

Suivront tout l’été des prévisions de trafic, des itinéraires bis conseillés… Et ça marche : moitié moins de bouchons que l’année précédente ! La situation s’améliore encore avec la mise en place progressive dans les années 70 et 80 de l’autoroute A10. Mais la nationale existe toujours de Paris à Poitiers et reste utilisée par des automobilistes « qui appréhendent la route des vacances différemment », selon Laurent Carré, qui sourit : « Les nationales ont la cote en ce moment ! »

Des reconstitutions de l’embouteillage

Preuve que cet épisode de l’été 1975 est resté dans les mémoires, Laurent Carré a lancé en 2013 une reconstitution du gigantesque embouteillage. Tous les deux ans, des centaines de passionnés en tenue d’époque (pattes d’éph’ chemises marron de rigueur !) se rejoignent à Sainte-Maure-de-Touraine (Indre-et-Loire) à bord de véhicules des années 60 et 70.

Pour pousser le réalisme jusqu’au bout, des saynètes d’engueulades et des faux incendies de voiture sont reproduits ! « On en fait un véritable spectacle vivant », s’amuse Laurent Carré. Pour l’occasion, le maire de la commune bloque, gracieusement, la circulation pendant deux heures. La prochaine édition se tiendra en septembre 2019, pendant les Journées du patrimoine.