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Entretien avec João Ferreira do Amaral, l’économiste portugais qui prône la sortie de l’euro
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Laurent Ottavi et «Les Orwelliens» ont interrogé João Ferreira do Amaral. Il dresse un bilan de la monnaie unique et des effets des politiques d'austérité au Portugal. Ce qui l'amène à craindre une nouvelle crise financière pour son pays.
João Ferreira do Amaral est un économiste portugais réputé. Opposé à l'abandon par le Portugal de sa souveraineté monétaire en 1999, il est l'auteur de Porque devemos soir da euro? (pourquoi devons-nous sortir de l'euro?) qui faisait partie des meilleures ventes de livres au Portugal en 2013.
Laurent OTTAVI - Les médias français se sont concentrés sur les conséquences des politiques d'austérité sur la Grèce ou l'Espagne. Ils se concentrent aujourd'hui sur l'Italie, en raison de la victoire des populistes. Il y a pourtant eu au Portugal une impressionnante manifestation de masse en 2012 contre la politique économique menée. Quelle a été l'ampleur de la politique d'austérité appliquée au Portugal et quelles ont été ses conséquences? Peut-on comparer la réaction populaire à celle du mouvement des Indignés en Espagne?
João FERREIRA DO AMARAL - Les conséquences du programme d'austérité au Portugal ont été extrêmement négatives. Le chômage est passé de 12% en 2010 à 16,4% en 2013. L'emploi a décliné de 7,4% sur la même période et, si les conséquences sur le chômage n'ont pas été plus fortes, c'est en raison de la très forte hausse de l'émigration. Le déclin cumulé du PIB en 2011, 2012 et 2013 est de 6,8%. Les conséquences sur l'investissement ont été encore plus mauvaises. La formation brute de capitale fixe a chuté de 31% sur la même période. Les coûts sociaux, eux aussi, ont été importants. La réduction de la dépense publique a été spécialement faite dans la dépense sociale. Les allocations chômage et les revenus minimums ont été réduits. Tout cela a eu pour cause une montée importante, de l'ordre de 10,6%, du nombre de personnes exposées au risque de la pauvreté et de l'exclusion sociale.
La réaction populaire a quelquefois été massive comme lors de la manifestation de 2012, l'une des plus importantes enregistrées au Portugal. Elle s'opposait à l'intention du gouvernement d'augmenter les cotisations sociales payées par les travailleurs pour compenser une réduction des charges payées par les employeurs. La manifestation fût si impressionnante que le gouvernement fît marche arrière. Cependant, il n'y a pas eu d'autres effets politiques importants à court terme, du moins pas comparables au mouvement des Indignés.
En 2013, soit un an après cette manifestation de masse, votre livre, qui préconisait un retour à l'escudo, faisait partie des meilleures ventes au Portugal. Quel était alors le contexte? Vous semble-t-il qu'il y avait alors, et qu'il y aurait encore aujourd'hui, une majorité de Portugais en faveur d'une sortie de la zone euro?
Le bilan économique du Portugal depuis la création de l'euro est une déception générale. De 1999 jusqu'au début de la crise, l'économie nationale a presque stagné. C'est la plus mauvaise performance de toute l'Union, à l'exception de l'Italie. La dette de l'ensemble de l'économie a explosé à des niveaux sans précédents ; la dette publique a elle aussi augmenté, bien que ce soit à un rythme plus lent.
Plus encore que de la déception, le programme d'austérité imposé par la Troïka (FMI, Commission européenne, BCE) a créé un véritable choc. La propagande officielle l'a présenté comme ce qui permettrait un redémarrage économique du pays. Il est pourtant devenu évident pour tout le monde que la zone euro n'offrait pas de solutions pour les pays endettés, que le Portugal était asphyxié par la Troïka et les agences de notation et que l'Allemagne imposait ses règles aux autres pays membres.
Le choc était aussi démocratique. La décision a en effet été prise par les autorités de se passer d'un recours au référendum. Ce choix fut un coup terrible porté aux relations entre les Portugais et l'Union européenne.
Je ne pense pas, toutefois, qu'il y ait aujourd'hui une majorité d'électeurs en faveur d'une sortie de l'euro. Je me bornerai au constat que les choses évoluent vers du mieux: la monnaie unique a beaucoup moins de soutiens qu'avant la crise et, pour la première fois, quelques partis de l'aile gauche au Portugal posent le débat de la sortie de l'euro sur la table.
Vous étiez contre l'entrée du Portugal dans la zone euro et préconisez aujourd'hui un retour à l'escudo. Pourquoi l'euro est un problème pour le Portugal?
La structure de l'économie portugaise n'est pas suffisamment puissante pour fonctionner avec la forte concurrence que génère l'euro. Elle ne peut pas converger avec les niveaux des pays à hauts revenus. Appartenir à la zone euro signifie pour le Portugal des divergences économiques avec les «pays du Nord» et le maintien dans une condition d'économie périphérique. La proportion de biens échangeables dans le total de la production décline de manière constante depuis la crise, principalement à cause de la trop forte valeur de la monnaie unique. De plus, les règles du TSCG, «traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance», établissent pour le Portugal l'obligation de réduire sa dette publique, ce qui n'est tout simplement pas faisable parce que cela requiert d'avoir un budget en excédent dans des proportions sans précédent.
Comme le pays n'a plus l'arme monétaire pour financer le déficit au niveau national, il est pris dans une dépendance intolérable aux agences de notation, qui conditionnera l'évolution de l'économie portugaise pour des décennies. L'euro, on le voit ici, affaiblit les États nationaux, qui deviennent dépendants des marchés financiers, et, en conséquence, les démocraties. C'est sûrement l'une des causes importantes de la montée de l'euroscepticisme dans les pays appartenant à la zone euro. C'est quelque chose qui n'avait pas été compris du temps de Maastricht.
Un autre effet néfaste de l'euro a été la constante centralisation du pouvoir dans les institutions européennes. Or une excessive centralisation du pouvoir politique, comme nous l'enseigne l'Histoire, est la plus fréquente cause d'effondrement d'une organisation politique étendue sur un très large territoire.
L'avenir n'est guère plus encourageant. Il est presque certain qu'une nouvelle crise frappera le Portugal et, étant donné l'endettement actuel du pays, elle aurait des conséquences sur l'économie du pays probablement pires que la précédente.
Souhaitez-vous le maintien de votre pays dans l'UE malgré l'euro ou est-ce nécessaire, d'après vous, en plus d'abandonner la monnaie unique, de refonder l'Europe sur les nations souveraines et de s'attaquer au libre-échange?
Je souhaite la sortie du Portugal de la zone euro, sans pour autant qu'elle quitte l'Union. Je pense que le modèle institutionnel européen avant le traité de Maastricht était attractif. Le problème a été sa mutation en Union européenne conçue comme un projet fédéral qu'il est aujourd'hui très difficile de gérer. L'origine de la plupart des problèmes dans l'Union tient à la seule monnaie, considérée comme une base pour faire advenir les «États-Unis d'Europe». Le projet de l'euro est strictement politique et a pour vocation de faire s'accomplir l'utopie fédéraliste. L'économie a hélas été mise à son service, sans que ni l'une ni l'autre n'y gagne.
En 2013, la situation économique était très difficile. On a parlé depuis d'un redressement du Portugal et l'on y voit le succès de la politique de la demande qui a été menée. Observe-t-on un véritable sursaut économique ou s'agit-il d'une illusion? Une politique de la demande ne peut-elle pas s'accommoder de l'euro?
Le redressement économique actuel de l'économie portugaise n'est pas une illusion. Il est réel mais il aurait pu avoir lieu bien avant, même en 2011 si la Troïka avait fait preuve d'intelligence.
Cependant, il est aussi vrai que ce redressement a ses limites. D'abord, parce qu'il n'y a pas de convergence significative avec la croissance moyenne des pays de l'Union européenne. Deuxièmement, parce que nous avons besoin de plus d'investissements dans les secteurs de biens échangeables et que cela nécessite une bien plus faible concurrence. Troisièmement, j'ai mentionné le risque très probable d'une nouvelle crise financière générale qui aurait des effets négatifs très importants sur le Portugal. Quatrièmement, le Portugal souffre d'un manque d'investissement dans le capital humain, qui puisse réduire le fossé entre notre population active et celle des autres pays européens sur le plan des qualifications.
Le Portugal fait partie des «pays du Sud». Or, en Grèce par exemple, Alexis Tsipras est arrivé au pouvoir. Y-a-t-il une recomposition politique au Portugal du fait de la crise de l'euro ou le pays est-il bloqué politiquement?
Les partis politiques au Portugal sont relativement stables. Cela continuera probablement à être le cas jusqu'à la nouvelle crise générale qui arrive. De nouveaux partis naîtront sans doute à cette occasion, plus critiques à l'égard de la zone euro et des institutions européennes en général.
Comment pouvez-vous faire gagner vos idées? Le Portugal est un pays qui pèse peu économiquement dans l'Union européenne, par rapport à la France et à l'Allemagne. Est-ce envisageable de sortir unilatéralement de l'euro pour un pays comme le vôtre ou est-il indispensable d'avoir le soutien de «grands» pays?
La meilleure façon de sortir de l'euro serait de quitter formellement la zone, mais d'être autorisé à utiliser une monnaie nationale à côté de la monnaie unique. Cette possibilité devrait être incluse dans le traité de Lisbonne, bien qu'elle aurait déjà dû l'être dans le traité de Maastricht. Si ce n'est pas possible, il faudrait envisager de quitter la zone euro avec l'accord des autres pays membres et des institutions européennes. La solution est plus risquée car elle créerait une panique. J'insiste sur la nécessité d'avoir des soutiens dans les institutions européennes, principalement de la Banque centrale européenne, pour minimiser la panique ainsi générée. Il s'agira de montrer aux créanciers qu'il est nécessaire que le Portugal retrouve une croissance forte, basée sur les biens échangeables, pour payer ses dettes, et que cela nécessite de quitter l'euro, seul moyen de retrouver de hauts taux de croissance. Quitter l'euro unilatéralement est bien sûr un scénario théoriquement possible, mais je ne le recommanderai pas. Pour faire gagner l'option que je porte, il faut insister au Portugal comme dans les autres pays européens sur le fait que quitter l'euro ne signifie pas quitter l'Union européenne.