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Petite révolution chez les libertaires : AL et la CGA tentent leur unification
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Après plus de 15 années marquées par les scissions au sein du mouvement libertaire, deux organisations esquissent un rapprochement. Alternative libertaire (AL) et la Coordination des groupes anarchistes (CGA), ont annoncé publiquement le 3 juillet avoir lancé un processus de discussion depuis le mois de février, ayant pour finalité la création d’une nouvelle organisation en 2019. A cette fin, les deux formations ont planté la tente ensemble lors desRencontres d’été d’AL, du 22 au 28 juillet. Un test grandeur nature au cœur de l’Aveyron.
« Ce n’est pas une révolution, mais c’est quand même un petit événement. », avertit Samuel entre deux coups de fourchette. Sous le chapiteau dédié aux repas collectifs le militant lyonnais de la CGA précise : « Cela ouvre la perspective pour une fois d’une unification et d’un dépassement plutôt que d’une scission dans le mouvement libertaire. » Avec une quinzaine de ses camarades, il a répondu à l’invitation d’Alternative libertaire en participant à son camp d’été.
Pendant toute la semaine, les moments de débats, d’échanges et de formations s’enchaînent, entrecoupés de temps de détente. Cette année, la fréquentation bat son plein. Les adhérants d’AL sont venus plus nombreux, attirés par le processus de discussion engagé entre les deux organisations libertaires. « C’est un moment qu’on attendait comme important. Ce sont des rencontres sans enjeux de décision avec une participation à égalité aux débats et formations. Cela permet de faire tomber les fantasmes et préjugés », explique Guillaume, membre du secrétariat fédéral d’AL. « Ou de les confirmer ! », finit-il en souriant.
Déclaration commune
C’est le 3 juillet que les deux organisations ont annoncé publiquement, dans une déclaration commune, le processus de discussion dans lequel elles se sont engagées. Faisant le constat « d’un durcissement généralisé de la situation politique et sociale », le texte fixe au courant libertaire « la responsabilité de développer une organisation qui donne de la visibilité au projet anticapitaliste et autogestionnaire ». AL et la CGA indiquent s’être dotées d’une feuille de route s’étalant sur un peu plus d’un an pour aboutir à une unification lors d’un congrès en 2019. « Le mouvement syndical, ouvrier ou social a enchaîné des défaites. Le mouvement libertaire n’est pas dans la période la plus faste qu’il a pu connaître et les différentes organisations sont souvent en difficulté. Nous sommes en recul sur tous les fronts. Cela pousse à se rapprocher », indique Guillaume.
Ce coup-ci, l’initiative de la première entrevue revient à la plus petite des deux organisations, la CGA, par un courrier datant de fin 2017. Des échanges antérieurs, au cours des dix années précédentes, n’avaient abouti à rien de concret. A l’issue d’une réunion à Paris en début d’année, AL répond positivement aux « avances » de la CGA et propose une feuille de route limitée dans le temps. Le processus est lancé et les rencontres s’enchaînent pour procéder à un état des lieux des positions des uns et des autres. Après ce premier cycle, les deux organisations valident chacune de leur côté la poursuite du processus en juin, puis le rendent public conjointement début juillet. Le camping d’été d’AL fait office de moment informel de confirmation, avant d’attaquer un deuxième cycle de rencontres devant aboutir au lancement du dernier étage de la fusée : la préparation d’un congrès en commun l’an prochain.
« Nous sommes dans une intelligence du moment », commente Anne, militante de la CGA à Montpellier, pour expliquer la démarche. Un avis partagé par Amandine, membre du secrétariat fédéral de la même organisation, pour qui il s’agit d’un choix rationnel dans un contexte difficile. « Nous sommes sur tous les fronts, peu nombreux, et nous tenons les murs », constate-t-elle. Pour toutes les deux, au-delà d’une nécessité, ce rapprochement est « galvanisant ». « De notre côté,nous avons une forte culture d’implication sociale et de travail de terrain avec de vraies réalités locales. En tant qu’organisation nationale, AL a réussi à construire une présence dans le champ social plus importante au niveau du nombre et sur la façon de se penser », confie Anne en comptant sur l’intelligence collective pour faire vivre ce qu’elle juge être une complémentarité. Les débats abordés pendant les rencontres d’été se font l’écho des centres d’intérêt des militants et militantes. Syndicalisme, luttes à l’université, féminisme, résistance à Macron, migrants et questions internationales ponctuent la semaine.
Fusion, rassemblement, unification, dépassement, à chacun ses mots pour le dire
Dans les débats ou au coin d’une conversation plus informelle, chacun nomme le processus à sa façon. Les mots pour qualifier une situation inédite se cherchent. Ici, une militante évoque une fusion, avant de se reprendre pour ne pas froisser de susceptibilité ou pour coller au plus près desmots de la déclaration commune. Unification et dépassement des deux organisations sont les termes les plus consensuels. Quelle que soit la façon dont elle est appelée, pour Valérian, militant toulousain de la CGA « l’enjeu c’est le nombre ». Il imagine « un réel outil fédéral qui se construise autour de 500 ou 600 personnes avec de vrais groupes et un vrai maillage » pour faire vivre le fédéralisme qu’il déclare défaillant dans le mouvement libertaire. Lui, comme bien d’autres participants aux Rencontres d’été, anticipent un appel d’air militant.
Devenir plus nombreux après la « fusion », Sandra, militante à AL dans le Puy-de-Dôme, en est convaincue. Et ce au delà de la seule addition des membres des deux organisations. À condition que le processus aboutisse. Elle admet qu’il y a eu au sein de sa formation « de gros questionnement sur comment pouvait se faire une fusion », et conserve quelques craintes pour la suite de la feuille de route. Mais, elle mise sur la complémentarité des deux structures et voit dans ce rassemblement le moyen « d’étendre le mouvement libertaire, avec plus d’individus dans les groupes et plus de moyens pour faire des actions ». En cas d’échec ou de sabordage du processus, elle n’exclut pas de retourner chez les autonomes ou d’adhérer à la CGA, dont les fonctionnements la séduisent.
Les difficultés à abandonner son ancienne organisation, Amandine de la CGA ne les cache pas non plus. Mais au moment de ces Rencontres d’été, l’enthousiasme lié à la découverte « de camarades venant de différents collectifs d’Alternative libertaire » prend le dessus. Au-delà du nombre, une unification présente d’autres vertus pour Samuel de la CGA de Lyon : « Une mise en réseau d’animateurs et d’animatrices des luttes permet de résister à une tendance récurrente dans le mouvement social de chercher un débouché politique de type électoraliste ».
Une bonne raison pour mettre ses différences de côté ? En tout cas, pour Guillaume, membre du secrétariat fédéral d’AL « il y a davantage de différences culturelles que de divergences politiques entre nous ». Une analyse que semble confirmer le quotidien du camp où les distinctions entre organisations se gomment dans les débats comme dans la gestion des tâches. « Ce camp est déjà la preuve que c’est acquis », veut croire Valérian de la CGA Toulouse. Un optimisme excessif ? Réponse au premier semestre 2019.