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A Marseille, les employés d’un McDo luttent pour sauver un «lieu de vie»

Lien publiée le 19 août 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.liberation.fr/france/2018/08/19/a-marseille-les-employes-d-un-mcdonald-s-luttent-pour-sauver-un-lieu-de-vie_1673401

Depuis trois mois, les salariés d'un fast-food des quartiers nord se mobilisent pour empêcher un projet de reprise qu'il considèrent comme une manœuvre pour liquider leur restaurant. Le tribunal doit examiner leur recours lundi matin.

Au menu ce vendredi soir, merguez grillées sur la terrasse et frites achetées dans un snack du coin. Ça se passe comme ça au Mc Donald’s de Saint-Barthélemy. Depuis le 7 août, on ne sert plus de hamburgers dans cet établissement du nord de Marseille, posté sur un rond-point noyé dans les travaux de la future rocade marseillaise, dite «la L2». Désormais, deux agents de sécurité mandatés par le patron refoulent les clients perdus à l’entrée du parking. Les merguez sont pour les employés du fast-food, qui occupent l’établissement en attendant que la justice se penche sur leur cas.

Ce lundi, le juge des référés doit examiner, à la demande du comité d’entreprise, l’annulation de la procédure d’information-consultation des salariés qui avait abouti à la fermeture de l’établissement. Une échéance cruciale après trois mois de bras de fer pour empêcher la transformation de leur McDo en fast-food «halal asiatique».

«On est un peu le village gaulois !»

Le 11 mai, Jean-Pierre Brochiero, propriétaire de six restaurants McDonald’s dans la région, annonce à ses troupes la cession de ses établissements. Cinq d’entre eux seraient transférés à un autre gros franchisé local. Quant au restaurant de Saint-Barthélemy, qui emploie 77 salariés, il serait cédé à la société Hali Food & Co. Un «projet de la dernière chance», soutient le franchisé pour un établissement qui cumule, selon lui, «plus de 3,3 millions de pertes depuis 2009». De fait, le fast-food a subi de plein fouet les travaux de la L2, qui doivent se terminer prochainement. De quoi motiver le repreneur, qui «croit beaucoup dans la restauration ethnique» dans un «quartier à forte concentration musulmane», croit bon de préciser le franchisé dans une lettre adressée à ses troupes en juin. Surtout, il s’engagerait à garder l’intégralité du personnel pour douze mois.

Occupation d'un Mcdonald à Marseille dans les quartiers nord
COMMANDE N° 2018-1037(Photo Olivier Monge. Myop pour Libération)

«Cette reprise, c’est du vent, balaie Kamel Guémari, délégué FO. La vérité, c’est qu’ils veulent achever le restaurant de Saint-Barthélemy, qui est un symbole. On est un peu le village gaulois  Ici, plusieurs salariés ont une réelle ancienneté, loin du turnover habituel des McDo. Kamel Guémari, 37 ans, en avait 16 quand il a commencé à travailler pour le géant américain, après une visite du clown Ronald dans sa cité : plus de vingt ans de boîte qui lui ont permis de gravir les échelons, jusqu’à devenir directeur général adjoint, mais aussi de connaître le droit du travail. Ses combats syndicaux, relayés par les réseaux sociaux, lui ont apporté une notoriété bien au-delà de la région marseillaise. «Tous les franchisés de France connaissent Kamel, assure Tony Rodriguez, salarié d’un autre McDo promis à la vente qui a rejoint le piquet de grève. Cette cession, c’est une volonté de le faire taire. Sauf que Kamel a fait des petits…»

«On défend l’honneur des travailleurs du quartier»

«C’est un plan social déguisé», traduit Ralph Blindauer, l’avocat mandaté par le CE pour porter l’affaire en justice. Après un premier revers début août, l’avocat a obtenu la suspension de la cession en produisant un rapport d’expertise, réalisé à la demande du CE, qui qualifie le projet Hali Food de «fictif»«Je suis prêt à parier qu’en avril prochain, c’est la liquidation judiciaire, insiste Ralph Blindauer. L’opération Hali Food a été délibérément montée pour couler la boîte !» D’où une plainte contre X déposée au pénal pour «tentative d’escroquerie et association de malfaiteurs». De son côté, l’avocat de Jean-Pierre Brochiero et McDonald’s France soutiennent que le projet du repreneur est «solide», renvoyant les salariés aux chiffres déficitaires de l’établissement. «Certes, rétorque Ralph Blindauer. Mais à chaque fois que McDo a fermé un restaurant, ses salariés ont été reclassés. Juridiquement, la boîte se réfugie derrière la cession, qui ne prévoit pas de reclassement. Mais c’est précisément parce qu’on ne voulait pas reprendre le personnel que l’on a eu recours à Hali Food.»

En attendant le dénouement judiciaire, dans le McDo Saint-Barthélemy, on ménage ses nerfs. Chaque jour, les salariés reçoivent la visite d’habitués du restaurant venus apporter leur soutien. «C’est l’un des principaux lieux de vie du coin, soutient Salim Grabsi, membre du Syndicat des Quartiers populaires. C’est aussi le deuxième employeur du secteur, après Carrefour. Cela fait vingt ans qu’on se bat contre les trafics, qu’on parle travail aux jeunes. Mais si les grands groupes nous lâchent, le message est définitivement perdu.» La semaine dernière, les salariés ont d’ailleurs tenté d’interpeller directement le président de McDonald’s France dans une lettre ouverte. En vain. «On espère maintenant que la justice va nous entendre, même si on est des petits, plaide Kamel Guémari. Notre combat, ce n’est pas que défendre un McDo, c’est l’honneur des travailleurs de ces quartiers. On ne parle que des réseaux, des kalachnikovs… Mais ici, il y a des gens qui veulent travailler et qui passent par ce McDo pour s’en sortir. Alors on ne lâchera rien.»