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Une librairie d’extrême droite à l’assaut du Quartier latin

Lien publiée le 10 septembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.lexpress.fr/actualite/societe/une-librairie-d-extreme-droite-a-l-assaut-du-quartier-latin_2034002.html

Proche de Patrick Buisson, le patron de La Nouvelle librairie promet une "guérilla culturelle" au coeur du Paris étudiant.

François Bousquet dans sa librairie de la rue Médicis, dans le 6e arrondissement de Paris.

François Bousquet dans sa librairie de la rue Médicis, dans le 6e arrondissement de Paris.

Evidemment, quand on pénètre dans les lieux, la première chose qui frappe, c'est cette immense tête de sanglier au-dessus de la caisse. A sa droite, un buste doré de Jeanne d'Arc. A côté, un portrait de Louis-Ferdinand Céline. Et, tout autour, des livres. Bienvenue dans la Nouvelle librairie, l'échoppe qu'une poignée de représentants de la droite "décomplexée" - l'extrême droite, diront leurs ennemis - viennent tout juste d'ouvrir rue de Médicis, en plein Quartier latin, à deux pas de la Sorbonne.  

"Cinquante ans après Mai 68, la vraie droite fait son retour au coeur du Paris intellectuel et étudiant. Depuis cette librairie, nous allons mener une véritable guérilla culturelle", promet le patron des lieux, François Bousquet, proche de l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy Patrick Buisson et rédacteur en chef d'Éléments, la revue phare de la nouvelle droite. 

Tout, ici, est symbole. L'adresse, tout d'abord : face au jardin du Luxembourg et à la fontaine Médicis, auprès de laquelle André Gide aimait venir rêver, jouxtant l'ancienne librairie Corti (l'éditeur de Julien Gracq), entre le Panthéon et l'Odéon. Mais il y a plus : au début du XXe siècle, à ce même numéro 11, on trouvait la Nouvelle librairie nationale, propriété des royalistes de l'Action française de Charles Maurras. Elle sera reprise jusqu'en 1932 par Georges Valois, le créateur du Faisceau, un mouvement proche du fascisme italien.  

JEROME DUPUIS

Eric Garault / Pascoandco pour L'Express

Un "lieu inspiré", se réjouit François Bousquet, qui a signé pour un bail de trois ans. Le sanglier fait figure de totem gaulois, tendance très réfractaire. Jeanne d'Arc rassurera la frange "catho", qui pourrait être indisposée par les penchants "païens" du patron. Et les ouvrages exposés dans la vitrine disent subtilement la volonté de brouiller les lignes idéologiques : un livre de Sylvain Tesson cohabite avec une biographie d'Ernst Jünger et le philosophe classé à gauche Jean-Claude Michéa voisine avec une Histoire des guerres de Vendée signée Patrick Buisson... 

"Être de droite, ce n'est plus une maladie honteuse"

Fine mouche, Marion Maréchal a bien compris le caractère emblématique de cette entreprise. Selon nos informations, elle a tenu à venir respirer l'air des lieux dès l'ouverture, en juillet. Dans ce quartier, qui vit jadis défiler les jeunes Camelots du roi monarchistes et, plus tard, les commandos d'Occident "cassant du gaucho", l'enjeu, évidemment, c'est la jeunesse. Sciences Po, Normale sup, Assas et l'Institut catholique sont à portée de lance-pierres.  

"Nous allons distribuer un journal gratuit dans les facultés et les grandes écoles alentour. Etre de droite, ce n'est plus une maladie honteuse", assure François Bousquet, qui, avec sa barbiche poivre et sel et ses gros pulls, a plus un look de batteur de groupe "indé" que d'idéologue de la droite dure. Alors que l'Unef, le syndicat étudiant historique de la gauche, est en perte de vitesse, et que de nouvelles voix très droitières type "Lapin taquin" engrangent des millions de vues sur YouTube, l'équipe de la Nouvelle librairie est convaincue que la bataille se joue désormais ici, au Quartier latin.  

JEROME DUPUIS

Eric Garault / Pascoandco pour L'Express

"Cette librairie ne reprend pas les stéréotypes de la droite classique", commente l'éditeur Pierre-Guillaume de Roux, qui devrait organiser des signatures avec certains de ses auteurs rue de Médicis. Car l'endroit se veut aussi un lieu de rencontres et de débats. Des conférences de rédaction informelles d'Éléments s'y tiendront. Des associations amies comme Academia Christiana (des catholiques identitaires) ou l'Institut pour la longue mémoire européenne (Iliade) soutiennent le projet. "Pour l'instant, c'est très calme, on espère juste qu'il n'y aura pas de rassemblements militants sur le trottoir", observe un voisin. 

Un rayon entier de livres d'Henry Coston

Le cadre, lumineux et ouvert, rompt avec l'ambiance un peu conspirationniste des habituelles bouquineries d'extrême droite. Petite touche d'humour, sur la caisse est posée une tirelire à l'effigie de... Karl Marx ! Mais cette librairie est-elle vraiment aussi "nouvelle" qu'elle le prétend ? Les ouvrages proposés au rez-de-chaussée pourraient le laisser penser. "On ne vendra pas du Faurisson ou du Soral, cela ne nous intéresse pas", jure François Bousquet. Pas plus que du Bourdieu, du Le Clézio ou du Edouard Louis, soit dit en passant.  

Sur les étagères, on trouve de nombreux essais pointus sur l'économie ou l'histoire des idées, des ouvrages d'Alain de Benoist, le théoricien de la nouvelle droite, ou de Dominique Venner, ce vétéran de l'OAS qui s'est spectaculairement suicidé à Notre-Dame en 2013, Céline et les hussards, bien sûr, mais aussi Pasolini, le géographe Christophe Guilluy ou Houellebecq. Un choix éclectique, à l'image du fondateur de la librairie, passé par L'Idiot international de Jean-Edern Hallier et proche de Jacques Vergès dans les dernières années de sa vie.  

JEROME DUPUIS

Eric Garault / Pascoandco

En revanche, dès que l'on monte à l'étage, dans la partie réservée aux livres d'occasion, gérée par un ancien de la librairie très droitière Facta, ça se gâte : à côté des éternelles étagères consacrées à l'histoire du IIIe Reich, on trouve un rayon entier proposant des livres d'Henry Coston, antisémite forcené, fondateur de diverses officines antimaçonniques durant la collaboration et condamné aux travaux forcés à la Libération. De ses ouvrages sur les francs-maçons (La République du Grand Orient) à ceux sur les "200 familles", rien ne manque. Non loin, autre grand classique, les oeuvres complètes de Saint-Loup, alias Marc Augier, passé des cabinets ministériels du Front populaire aux Waffen-SS. Un peu comme si, malgré les déclarations d'intention, la Nouvelle librairie ne parvenait pas à rompre avec les vieilles lunes de l'extrême droite. 

En choisissant de s'afficher publiquement au coeur du Quartier latin, François Bousquet et ses quatre associés sont bien conscients qu'ils offrent une cible de choix aux "antifas" de toutes obédiences. Une nuit de décembre 2013, la librairie Facta, située rue de Clichy, avait subi une attaque d'un genre particulier : des individus avaient brisé la vitre et aspergé de peinture rouge des centaines de livres avec un pistolet compresseur. La proximité immédiate du Sénat, avec ses policiers et ses caméras, dissuadera-t-elle des activistes de vandaliser la librairie de la rue de Médicis ? Le Quartier latin en a vu d'autres. Et le sanglier gaulois veille.