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Lehman Brothers: faillite du siècle
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.anti-k.org/2018/10/13/lehman-brothers-la-faillite-du-siecle/
LR: Les craquements inquiétants qui se font entendre dans les bourses mondiales, ces joursèci, suscitent à nouveau des commentaires alarmistes des journalistes et analystes financiers. C’est une bonne occasion pour jeter un coup d’œil dans le rétroviseur et constater que rien n’a changé dans les politiques financières qui prévalaient avant le déclenchement de la crise financière de 2007/2008 et qui l’ont provoquée. Alors que le déclenchement de cette dernière s’explique largement par un excès d’endettement des ménages américains facilité par des instruments sophistiqués, le monde a trouvé la solution pour s’en sortir, soigner le mal par le mal : s’endetter encore plus . L’excès faramineux de crédit et de dettes – d’un montant de 164.000 milliards de dollars, 47% de plus qu’en 2007 – en raison des politiques monétaires non conventionnelles mises en oeuvre depuis la crise de 2008, infecte tous les agents économiques, publics ou privés, et les rend encore plus vulnérables à un nouveau choc, lequel ne peut manquer de survenir… Jamais personne n’a connu une telle création monétaire et personne ne peut donc savoir ce qui peut se passer quand il faudra mettre fin à ces mécanismes transitoires, pour revenir à une situation classique, avec des contre parties réelles en face des valeurs émises.
Un monument de la finance mondiale s’est effondré, laissant derrière lui un trou de plus de 600 milliards de dollars. Le 15 septembre 2008, ce que Wall Street redoute le plus devient réalité : une grande banque fait faillite, précipitant les marchés financiers et l’économie mondiale dans une immense inconnue. Voici l’histoire de la chute d’une institution si établie, si ancienne et si importante qu’on la croyait éternelle.
Une des plus anciennes banques américaines
Qui étaient les frères Lehman ?
L’histoire de cette banque remonte au milieu du XIXe siècle quand un immigré allemand – Henry Lehman né Hayum Lehmann- s’installe en 1844 à Montgomery en Alabama et ouvre une boutique vendant toutes sortes des tissus et d’outils aux producteurs de coton. Dès 1850 il est rejoint par ses deux autres frères Emanuel (né Mendel) et Mayer : ils créent ensemble l’entreprise Lehman Brothers.
Mayer (à gauche) et Emanuel Lehman
La boutique se transforme rapidement en maison de courtage de coton, et les trois frères s’imposent en « King cotton » dans les Etats du Sud. Des bureaux sont ouverts à New York dès 1858. C’est d’ailleurs sur la côte Est que la société se reconstruit après la guerre civile et développe les marchés de matières premières. Dans les années 1870, Lehman prend la tête de la création de la Bourse new yorkaise du coton. La firme sera aussi impliquée dans la création de la Bourse du café et du pétrole.
Une boutique à Montgommery, Alabama
En raison de son héritage sudiste et de ses réseaux au nord, Lehman est mandaté par l’Etat de l’Alabama comme intermédiaire pour en vendre la dette en 1867 après la guerre de Sécession, mais il doit aussi gérer les paiements ainsi que les intérêts. De fait, Lehman devient un des spécialistes du marché des bons municipaux.
Avec l’essor du chemin de fer et de l’industrie pétrolière, Lehman Brothers renforce sa position à Wall Street où les investisseurs viennent placer leur argent et les compagnies ferroviaires lever d’immenses sommes d’argent nécessaires à la construction de ces infrastructures. Les successeurs des fondateurs, au début du XXe siècle, ont l’intuition que la consommation de masse sera garante de la prospérité de l’Amérique et financent les grands magasins, l’industrie du divertissement etc. Parmi leurs clients, on trouve des noms encore mondialement connus comme WoolWorth, Macy’s, Paramount, 20th Century Fox.
Comment la banque est devenue un colosse aux pieds d’argile
Pourquoi Lehman n’a-t-elle pas résisté à la crise alors qu’elle avait traversé tant bien que mal, une guerre civile, deux guerres mondiales, et le Krach de 1929,… Tout change en 1969, une année clé pour Lehman à double titre. Pour la première fois, l’établissement n’est plus dirigé par un descendant des trois frères. Cette même année, Richard Fuld – futur patron au moment de la faillite – entre dans la banque au bas de l’échelle comme courtier obligataire. A 23 ans, il se refait une virginité dans la banque après avoir été licencié de l’armée américaine où il était pilote dans la marine, à la suite d’une bagarre avec son supérieur.
Bourreau de travail, il gravit les échelons jusqu’à prendre les rênes de la banque en 1993 au moment où elle retrouve son indépendance après avoir été dans le giron d’American Express durant une dizaine d’années. Une tutelle insupportable pour Fuld qui dira plus tard du rachat en 1984: « le pire jour de ma vie ». Dick n’est pas vraiment un agneau, on le surnommera d’ailleurs plus tard « le gorille » en raison de sa stature et de son agressivité dans les affaires. Son rêve? Se battre sur les marchés contre Goldman Sachs d’égal à égal. Tous les moyens sont bons et ceux qui osent se mettre en travers de sa route sont attaqués et écartés. Rapidement, la banque regagne ses galons dans le club du “bulge bracket” aux côtés de Goldman, Merrill Lynch, Bear Stearns et Morgan Stanley.
A la tête de Lehman, Fuld profite de de la libéralisation des marchés financiers et de la dérégulation amorcée par Ronald Reagan dans les années 1980. Dans cet environnement, l’ingénierie financière fait des miracles, les produits dérivés prennent leur essor et avec eux, la titrisation. Cette technique, qui consiste à assembler des crédits pour en faire des titres comme les collateralized debt obligation (CDO), se révèle une activité extrêmement lucrative pour les banques d’investissement: elles empochent une généreuse commission tout en pouvant se délester du risque en revendant les produits sur les marchés. Lehman exploite le filon à fond et crée une filiale, BNC Mortgage, dédiée à cette activité.
La titrisation pour les nuls
Les profits astronomiques de Lehman -4 milliards de bénéfice en 2007- sont à la hauteur des risques pris. Le levier des banques d’investissement crève de nouveaux plafonds. En la matière la firme de Dick Fuld n’a pas froid aux yeux: 30 dollars empruntés pour un 1 seul dollar de capital quand la plupart des concurrents se limitent à 25, ce qui est déjà élevé. Pour ne pas effrayer les investisseurs et ses contreparties, Lehman utilisait une technique comptable pour alléger son endettement avant la publication des résultats, via le marché du repo (échange de titres contre du cash). L’habillage de bilan à des fins réglementaires est encore une pratique courante dans la zone euro selon le dernier rapport de la Banque de Règlements internationaux, qu’on surnomme la banque centrale des banques centrales.
Effet de levier
Le levier est une indication du risque pris par les banques. A lire de la manière suivante: en 2007 Lehman empruntait 30,7 dollars pour un dollar de capital.
Le véritable talon d’Achille des banques d’investissement, c’était de dépendre tous les jours des montants qu’elles lèvent sur les différents marchés de court-terme pour financer leurs activités. Dans un livre référence sur la chute de Bear Stearns, William D. Cohan raconte qu’il s’agissait là du vilain petit secret de tous les établissements de Wall Street. « Cette routine d’emprunts a été répétée jour après jour pendant pas moins de 30 ans et son fonctionnement fut splendide – jusqu’à ce que n’apparaisse un problème avec l’actif placé en garantie ou avec l’établissement, et alors le financement s’est évaporé comme la pluie dans le Sahara ». Tout le monde était à 24 heures d’une crise de financement.
Marché monétaire
La flambée aux Etats-Unis de l’écart entre le Libor, taux auquel les banques se prêtent de l’argent, et l’OIS, un swap de taux très proche du taux directeur des banques centrales, montre à quel point les établissements bancaires ne se font plus confiance après août 2007. A la suite de la faillite de Lehman, il atteint des niveaux stratosphériques.
Pour Lehman, comme pour les autres, la mécanique a fonctionné jusqu’à ce que le marché immobilier commence à ralentir. Avec la crise du crédit subprime américain commencée en 2007, le marché interbancaire se grippe. Les banques se méfient du bilan de la voisine et cessent de se prêter de l’argent, de peur de n’être jamais remboursées.
La chute finale
Cours de l’action Lehman Brothers, en dollars
Responsable, mais pas coupable
Dick Fuld n’a jamais digéré la faillite de la banque où il a passé toute sa carrière. Après la crise, il n’a cessé de répéter que Lehman n’avait pas de problèmes de solvabilité. Selon lui, elle a été victime de campagnes de spéculations et la Fed l’a délibérément laissée tomber. « On va coincer tous ceux qui pratiquent la vente à découvert sur notre titre et on va serrer très fort ! Ce que je veux, c’est les attraper, leur arracher le coeur et le bouffer avant qu’ils crèvent », aurait-il grogné juste avant la banqueroute.
https://www.c-span.org/video/?295280-2/2008-financial-crisis-systemic-risk-lehman-brothers
Les parlementaires passent au grill la rémunération de Richard Fuld au vu du destin de la banque. Est-il juste que vous ayez gagné près de 500 millions de dollars depuis les années 2000 alors que vous avez mené votre entreprise à la faillite ? lui demandent certains parlementaires.
Fuld a certes été malmené par les parlementaires lors d’auditions musclées, mais il n’a jamais été sérieusement inquiété par la justice. Quitter la finance, il n’en a jamais été question. Celui qui se présente souvent comme l’homme le plus détesté d’Amérique, est resté dans son monde en créant en 2009 le fonds Matrix Advisors.
Comment ils ont vécu la crise
HANK PAULSON
On The Brinck
« Les Anglais nous ont bien eus ». Le secrétaire au Trésor exprime ainsi sa frustration après une discussion téléphonique où il comprit que les régulateurs britanniques ne laisseraient pas Barclays reprendre Lehman. Il regrette cette formule.
TIMOTHY GEITHNER
Stress Test
« Les marchés trouveront toujours un moyen de contourner les contraintes […] comme des rivières qui s’écoulent autour des pierres. »
BEN BERNANKE
The Courage To Act
« Je n’ai jamais entendu personne, de la Fed ou du Trésor, prétendre que laisser Lehman faire faillite ne pouvait être autre chose qu’un désastre [..] Lehman devait être sauvée. Nous n’avions juste pas les moyens de le faire. »
ALAN GREENSPAN
« J’ai commis une erreur en pensant que l’intérêt des sociétés, en particulier celui des banques, était tel qu’elles étaient les mieux à même de protéger les actionnaires et leur capital. Je ne comprends toujours pas complètement ce qu’il s’est passé et pourquoi cela est arrivé »
Un produit culturel
Margin Call. C’est le film incontournable pour les financiers cinéphiles. Impossible de ne pas penser que la banque au bord du gouffre dépeinte n’est pas Lehman Brothers. Et le nom du patron, John Tuld, comment ne pas faire un lien avec Dick Fuld ? En réalité, le réalisateur J.C. Chandor explique que la banque du film n’est pas Lehman et qu’elle est encore en activité. Il est probable que le réalisateur avait plutôt Merrill Lynch en tête au moment du tournage. Le père du réalisateur y a travaillé et le prénom du patron est un mélange entre le PDG de Merrill John Thain et celui de Lehman.
Lehman a également fait l’objet d’une remarquable pièce de théâtre. Chapitres de la chute. Saga des Lehman Brothers par l’italien de Stefano Massini. Notre spécialiste du théâtre, Philippe Chevilley, s’était précipité à Saint-Etienne pour voir le spectacle de 4 heures racontant l’histoire de la banque. Il redoutait un texte poussif et didactique ainsi qu’une mise en scène lourde et ennuyeuse. “Ce fut une divine surprise” a-t-il reconnu. A tel point que le spectacle a obtenu le Grand prix du meilleur spectacle théâtral de l’année lors du Prix de la Critique 2014. France Culture en a fait une adaptation radiophonique que vous pouvez retrouver ici.
Données, recherches, textes
Etienne Goetz
Infographie, réalisation, développement
Jules Grandin
Sources
Bloomberg ; SEC ; Wikipedia ; « Les Echos »