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Breton et Trotsky aux pieds du volcan Popocatepetl
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Il y a 80 ans, André Breton rencontrait Leon Trotsky au Mexique, où ils redigerent ensemble le Manifeste pour un art Revolutionnaire Indépendent.
ANDRÉ BRETON ET LÉON TROTSKY AUX PIEDS DU VOLCAN POPOCATEPETL
Il y a 80 années, pendant l’été 1938, ´l’Aigle et le Lion se sont rencontrés a au Mexique, aux pieds des volcans Popocatepetl et Ixtacciualtl. Une rencontre surprenante, entre personnalités apparemment situées aux antipodes : , l’un, héritier révolutionnaire des Lumières, l’autre, installé sur la queue de la comète romantique, l’un fondateur de l’Armee Rouge, l’autre, initiateur de l’Aventure Surréaliste. Leur relation était assez inégale : Breton vouait une énorme admiration pour le révolutionnaire d’Octobre, tandis que Trotsky, tout en respectant le courage et la lucidité du poète, avait quelques difficultés à comprendre le Surréalisme… Sans parler de ses goûts littéraires, qui le portaient plutôt vers les grands classiques réalistes du XIXe siècle. Et pourtant, le courant est passé, le russe et le français on trouve un langage commun : l’internationalisme, la révolution. De cette rencontre, du frottement de ces deux pierres volcaniques, est issue une étincelle qui brille encore : le Manifeste pour un Art Révolutionnaire Independente. Un document communiste libertaire, anti-fasciste et allergique au stalinisme, qui proclame la vocation révolutionnaire de l’art et sa nécessaire indépendance par rapports aux États et aux appareils politiques.
L’idée du document est venue de Léon Trotsky, tout de suite acceptée par André Breton.. Il fut rédigé a quatre mains, après de longues conversations, discussions, échanges, et sans doute quelques désaccords, et signée d’Andre Breton et Diego Rivera, le grand peintre muraliste mexicain, a l’époque fervent partisan de Trotsky (ils vont se brouiller peu après). Ce petit mensonge inoffensif était dû à la conviction du vieux bolchevik qu’un Manifeste sur l’art devrait être signé uniquement par des artistes. Le texte avait une forte tonalité libertaire, notamment dans la formule, proposée par Trotsky, proclamant
, que, dans une société révolutionnaire, le régime des artistes devrait être “anarchiste”, c’est a dire fondé sur la liberté illimitée. Le document affirme la destiné révolutionnaire de l’art authentique, c’est à dire, celui qui « dresse les puissances du monde intérieur » , contre « la réalité présente, insupportable. ». Est-ce Breton ou Trotsky qui formule cette idée, sans doute puisée dans le répertoire freudien ? Peu importe, puisque les deux revolutionnaires, le poète et le combattant, ont réussi à se mettre d’accord sur le même texte.
Le Manifeste garde, 80 annees plus tard, une étonnante actualite, mais il ne souffre pas moins de certaines limites, dues à la conjoncture historique de sa rédaction. Par exemple, les auteurs dénoncent, avec beaucoup d’acuité, les entraves à la liberté des artistes, imposées par les États, notamment ( mais pas seulement) totalitaires. Mais, curieusement, il manque une discussion, et une critique, des entraves qui résultent du marché capitaliste et du fétichisme de la marchandise…
Le Manifeste concluait par un appel à créer un mouvement large, incluant tous ceux qui se reconnaissaient dans l’esprit général du document. Dans un tel mouvement, écrivent Breton et Trotsky, les marxistes peuvent marcher ici la main dans la main avec les anarchistes, “à condition que les uns et les autres rompent implacablement avec l'esprit policier réactionnaire, qu'il soit représenté par Joseph Staline ou par son vassal Garcia Oliver”. Cet appel a l’unité entre marxistes et anarchistes est un des aspects les plus intéressants du document et un des plus actuels, 80 années plus tard.
Entre parenthèses : la dénonciation de Staline - « l'ennemi le plus perfide et le plus dangereux « du communisme – était indispensable, mais fallait-il traiter García Oliver, le compagnon de Durruti, dirigeant de la CNT-FAI, ex-ministre (démissionnaire en 1937) du premier gouvernement du Front Populaire (Largo Caballero) de son « vassal » ? Certes, son roIe en mai 1937, lors des combats à Barcelone entre staliniens et anarchistes (soutenus par le POUM), imposant un grève entre les deux camps, a été négatif. Mais cela n’en fait pas un séide du Bonaparte soviétique…
Peu après fut donc fondée la FIARI, Fédération Internationale pour l’Art Révolutionnaire Independent, qui a réussi à rassembler non seulement les partisans de Trotsky et les amis de Breton, mais aussi des anarchistes et des écrivains ou artistes indépendants. La Fédération avait une publication, la revue Clé, dont le rédacteur était Maurice Nadeau, à l’époque jeune militant trotskyste avec beaucoup d’intérêt pour le surréalisme ( il deviendra l’auteur, en 1946, de la première Histoire du Surréalisme). Le gérant était Léo Malet et le Comité national était composé de : Yves Allégret, André Breton, Michel Collinet, Jean Giono, Maurice Heine, Pierre Mabille, Marcel Martinet, André Masson, Henry Poulaille, Gérard Rosenthal, Maurice Wullens. Parmi les participants on trouve : Yves Allégret, Gaston Bachelard, André Breton, Jean Giono, Maurice Heine, Georges Henein, Michel Leiris, Pierre Mabille, Roger Martin du Gard, André Masson, Albert Paraz, Henri Pastoureau, Benjamin Péret, Herbert Read, Diego Rivera, Léon Trotsky, ...Ces noms donnent une idée de la capacité de la FIARI à associer des personnalités politiques, culturelles et artistiques assez diverses.
La revue Cle’ n’a connu que 2 numéros en 2 livraisons du n° 1 (janvier 1939) au n° 2 (février 1939)
La FIARI a été une belle expérience “marxiste libertaire”, mais de courte durée : en septembre 1939, le début de la Deuxième Guerre mondiale a mis fin, de facto, à la Fédération.
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Post-scriptum : en 1965, notre ami Michel Lequenne, a l’époque un des dirigeants du PCI, Parti Communiste Internationaliste, a proposé au Groupe Surréaliste une refondation de la FIARI. Il semble que l’idée n’a pas déplu à André Breton, mais elle fut finalement rejetee par une declaration collective, en date du 19 avril 1966 et signée de Philippe Audoin, Vincent Bounoure, André Breton, Gérard Legrand, José Pierre, Jean Schuster - pour le Mouvement surréaliste.
Michael Löwy