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Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture (et du glyphosate ?)
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
BILLET. On a rêvé que le successeur de Stéphane Travert joue une carte un peu nouvelle sur les pesticides. Perdu, c’est Didier Guillaume…
"Sur le fond, sincèrement, je ne l’ai jamais entendu formuler des propositions fraîches et innovantes, où qu’il soit." Quand il évoque l'action politique du nouveau ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, ce sénateur socialiste anonyme cité par une dépêche de l’AFP est sans aménité. Hélas, il confirme un pressentiment qui nous a traversé lorsqu’on a appris la nomination de cet ancien vallsiste au portefeuille rural : le changement, ce n’est pas pour maintenant.
Car oui, on avait eu la folie de rêver qu’un ministre de l’Agriculture pourrait avoir, sur l’épineuse question des pesticides, une opinion un peu différente de ses prédécesseurs. Voire un pedigree nouveau. Pourquoi ce souhait complètement dingue ? Parce que les choses ont beaucoup évolué ces derniers mois en ces matières. D’abord, il y a eu le procès Dewayne Johnson perdu par Monsanto cet été. Pour la justice américaine, il est clair désormais que glyphosate, le principe actif de l’herbicide RoundUp, est un poison pour l’homme.
Quelque chose s'est brisé
Cette étape judiciaire fondamentale fait écho aux conclusions de l’Organisation mondiale de la santé, qui déclarait le glyphosate "cancérogène probable chez l’homme" en 2015, et au travail journalistique d’une Marie-Monique Robin, enquêtant sur les ravagesde cette substance chimique sur la santé humaine, les espèces et les sols.
Quelque chose s’est sans conteste brisé entre l’opinion française et les pesticides (le terme "produits phytosanitaires", doux euphémisme, est de moins en moins usité dans les médias). Quelque chose de renforcé par l’étude de l’Inra démontrant, cet été, qu’ils sont moins efficaces contre les ravageurs, champignons et mauvaises herbes que l’agriculture bio.
Renforcé aussi par les promesses de l’actuel gouvernement d’interdire le glyphosate – promesse, certes, qui n’est accompagnée d’aucun calendrier, mais promesse quand même. Renforcé, enfin, par la démission fracassante de Nicolas Hulot, et par le récent "Appel des Coquelicots", ce mouvement populaire qui réclame d'abolir l’usage de tous les pesticides, sans exception.
Bref, on pensait que le vent avait tourné, que le règne macronien pouvait désormais se risquer à nommer un ministre de l'Agriculture qui affronte la question phytosanitaire avec courage (car il en faut), sans forcément se mettre au service des grands syndicats agricoles.
Vieille maison
Il ne faut pas faire de procès d’intention à M. Guillaume. "Nul ne sait ce que peut le corps", disait Spinoza. Et un ministre n’est certes jamais définitivement enfermé dans un destin – fût-il tracé par les lobbies. Mais le passif est là. Le successeur de Stéphane Travert a voté contre l’interdiction du glyphosate lorsqu’il était sénateur. C’est un membre de cette vieille maison coupée des réalités qu’est le Sénat, un représentant du monde agricole qui fait donc ce qu’il croit que le monde agricole attend de lui. Pas de surprise en vue, donc.
On l’entend déjà, d’ici, dire que sur le glyphosate, il faut faire preuve de "pragmatisme" plutôt que d’ "idéologie", que les agriculteurs souffrent déjà bien assez de la concurrence mondiale sans qu’on vienne leur ajouter des difficultés supplémentaires… Tout cela est prévisible. Didier Guillaume rêvait, paraît-il, jour et nuit de devenir ministre. Mais c’est à se demander pourquoi Stéphane Travert est parti.
Arnaud Gonzague