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Pourquoi ils veulent l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le dimanche 4 novembre, les habitants de Nouvelle-Calédonie sont appelés à se prononcer pour ou contre l'indépendance et la pleine souveraineté de l'archipel.
"Voter pour l'indépendance, c'est faire en sorte que les blessures du passé ne restent pas." La Nouvelle-Calédonie s'apprête à vivre un jour historique. Dimanche 4 novembre, ses habitants sont appelés à se prononcer pour ou contre l'indépendance et la pleine souveraineté de l'archipel français. Une consultation prévue par les accords de Matignon signés en juin 1988, qui ont mis fin à quatre années de conflits violents entre loyalistes et indépendantistes.
Trente ans après cette période, appelée à demi-mot "les événements" par les habitants, franceinfo est parti à la rencontre de Calédoniens engagés pour le "oui" à l'indépendance.
"Moi, il n'y a rien qui me rattache à la France"
La majorité des indépendantistes rencontrés sont des Kanaks, le peuple indigène de Nouvelle-Calédonie. Ils voient à travers ce rendez-vous un moyen de réparer les nombreuses inégalités, tant sociales qu'économiques, issues de la colonisation française. "Les Kanaks n'ont pas accès au travail, au logement, 10 000 Kanaks vivent dans les squats, ce n'est pas normal, martèle Rosine Streeter, une Mélanésienne de 70 ans, créatrice du syndicat Libre Unité Action, assise derrière son grand bureau, à Nouméa.
Félix Choczynski, militant pour l'Union calédonienne, chargé de mission pour l'emploi à la province Sud, partage ce point de vue. "Aujourd'hui, quelles sont les perspectives pour un jeune Kanak de Ponerihouen ou Poindimié [côte est de la Grande Terre] quand il a déposé 10 CV et que tout le monde le refuse ? Souvent, il se décourage, il picole, il caillasse et il brûle, illustre ce fils d'un Kanak et d'une Tahitienne. Le Smic ici, c'est 125 000 francs pacifiques [un peu plus de 1 000 euros], tu fais quoi quand t'as trois enfants et que la vie est 108% plus chère qu'en métropole ? Eh bien tu fais rien. Moi, il n'y a rien qui me rattache à la France."
L'identité kanake au cœur des revendications
Pour le moment, l'archipel est largement autonome : il détient les pouvoirs dans tous les domaines, à l'exception du régalien (justice, défense, ordre public, monnaie, affaires étrangères) et de trois compétences (audiovisuel, contrôle de légalité, enseignement supérieur). Pour les indépendantistes, le 4 novembre est autant un moyen d'affirmer l'identité kanake que de revendiquer la pleine souveraineté.
Rencontrée lors d'un festival de musique pour l'indépendance à Dumbéa, près de Nouméa, Marguerite Martin, 27 ans, fait partie de cette génération de jeunes Kanaks engagés pour "plus de bien-être, d'égalité, de justice et de solidarité" entre les communautés. Membre du groupe FEOUI pour "Femmes engagées pour le oui", elle préfère le mot "Kanaky" pour parler de son pays. Vêtue d'une robe mission turquoise, traditionnelle en Océanie, elle estime que l'identité kanake est invisible. "La plupart des jeunes qui ne réussissent pas à l'école et qui sont déscolarisés à partir de l'âge de 16 ans, c'est parce que dans le système français on ne se reconnaît pas. On ne nous parle pas de l'histoire de l'Océanie ou de la Nouvelle-Calédonie. On nous parle de l'histoire de France, soutient-elle. On n'a rien de français, on est des gens du Pacifique qui ont voyagé dans les pirogues, qui ont un contact important avec la terre. On n'a aucun lien avec la France."
Lorsque Marguerite Martin choisit de porter une couronne de fleurs, de souligner ses yeux au crayon bleu, ce n'est pas pour une occasion. "Nous, les femmes aujourd'hui, on ne veut plus s'habiller de façon occidentale, on veut mettre nos robes, avec des fibres naturelles, montrer notre beauté océanienne. On en est fières", affirme-t-elle.
"Le peuple kanak, c'est 3 000 à 4 000 ans d'histoire, de civilisation. On ne peut pas être mélangés dans l'histoire pour être Français de façon générale, abonde Hervé Maguei Tein Taouta, maire indépendantiste de la commune de Kaala-Gomen dans la province Nord. J'ai envie qu'on me reconnaisse en tant que Kanak habitant la Kanaky. Tout simplement parce que ma conception des choses est particulière, elle est propre à ma culture, à mon histoire, détaille-t-il devant un large drapeau du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), aux couleurs bleu-rouge- vert-jaune. Et puis 'Kanaky', ça veut dire les hommes qui ont la clé de ce pays. Toutes les choses que l'on fait dans ce pays, c'est en passant par le peuple kanak."
Selon un sondage effectué le 3 octobre pour NC la 1ère, 66% des électeurs inscrits sur les listes électorales ont l'intention de répondre "non" au référendum. En cas de rejet de l'indépendance, le Front indépendantiste souhaite, conformément à ce que prévoit l'accord de Nouméa – signé le 5 mai 1998 –, qu'un deuxième, puis un troisième, référendum d'autodétermination soient organisés au minimum d'ici à 2022.