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Du harcèlement au travail: une agente de ménage décède au travail

Lien publiée le 8 novembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://justicelibertes.org/2018/10/21/du-harcelement-a-la-solitude-sabine-vorin-agente-de-menage-decedee-dans-le-20eme/

Sabine Vorin, agent de ménage, a été retrouvée morte, seule, dans les toilettes de la bibliothèque municipale Naguib Mahfouz du 20ème arrondissement de Paris, le 17 septembre. Elle travaillait précédemment dans l’enceinte de la Mairie de ce même arrondissement. La défunte avait été déplacée par son supérieur direct à la bibliothèque pour échapper aux remarques racistes, sexistes et grossophobes, proférées par le Directeur Général des Services de la Mairie.

Selon toute vraisemblance, l’agente de ménage quinquagénaire aurait succombé alors qu’elle était en train de se changer. Les syndicats n’ont pas manqué de soulever la question du travail isolé. Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) rappelle ainsi que « le travail isolé aggrave la dangerosité de l’activité (…) et que la durée d’isolement majore le risque. » En effet un travailleur seul est davantage susceptible de faire un malaise et d’y succomber, puisque personne n’est présent pour donner l’alerte, appliquer les premiers gestes de secours, appeler les pompiers. Dans un autre cadre, Sabine aurait sans doute survécu à ce qui semble être un AVC.

Lors des obsèques qui se sont tenues au cimetière du père Lachaise, plusieurs collègues de la défunte ont été irrités de constater la présence du Directeur Général des Services (DGS), l’inénarrable Didier Conques – voir notre enquête sur le harcèlement sexuel à la mairie de Paris. Le responsable du service de nettoyage a, selon le témoignage d’un employé de la mairie présent sur les lieux et ayant requis l’anonymat, refusé de serrer la main du DGS. 

Il n’aime ni les noirs, ni les arabes, ni les Rroms, ni les femmes, ni les gros

Pourquoi une telle irritation? Pourquoi une telle défiance à l’égard de ce fonctionnaire de premier plan? Les langues ne se délient pas facilement quand il s’agit d’évoquer la personne de M. Conques. 

Les fonctionnaires sont, bien sûr, tenus au devoir de réserve mais cela ne suffit pas à expliquer la loi du silence qui semble régner au sein de cette municipalité. Et au vu du nombre d’employés sanctionnés ou déplacés, on comprend que la sécurité de l’emploi au sein de la fonction publique n’est plus ce qu’elle était, tout au moins au sein de la mairie du 20ème. A la précarisation croissante dans la fonction publique territoriale – qui n’est pas propre à la municipalité du 20ème- s’ajoute un climat de terreur instauré par Didier Conques qui s’est distingué par de multiples cas de harcèlements, y compris sexuel.

Quel rapport avec la défunte Sabine ? 

Sabine travaillait dans la mairie du 20ème arrondissement quand Didier Conques a pris ses fonctions, dans le sillage de la victoire de Frédérique Calandra aux élections municipales de 2008.

Un collègue de Sabine encore en poste, ayant requis l’anonymat, qui l’a côtoyée à la mairie du 20ème parle d’« une femme enjouée, souriante, pleine de bonhomie ». Un autre ajoute, toujours sous couvert d’anonymat : « c’était la mama antillaise dans toute sa générosité ».

Sabine, toujours selon des sources anonymes,  « ne travaillait pas aussi vite que ses collègues plus jeunes mais elle était appliquée et faisait consciencieusement son travail ».

FEMME, GROSSE ET NOIRE, C’ÉTAIT TROP POUR LUI

Didier Conques, lui n’a jamais retenu son nom, si tant est qu’il l’ait jamais su. Pour le DGS, c’était « la grosse noire qui pue» comme nous l’a confié un de ses collègues. Sabine était, entre autre, chargée de faire le ménage dans son bureau. Et sauf preuve du contraire, Didier Conques n’a jamais eu à se plaindre de son travail. 

Contrairement à nos premières informations, Sabine n’a pas été déplacée des locaux de la mairie du 20ème à la bibliothèque municipale Naguib Mahfouz à la demande du DGS, mais à l’initiative de son responsable, qui tenait à la soustraire aux remarques désagréables pour ne pas dire insultantes et racistes que le DGS ne manquait jamais d’adresser à la défunte. 

« JE VAIS BLANCHIR LA MAIRIE »

Le DGS pouvait ainsi lui interdire d’entrer dans l’ascenseur dans lequel il était monté en lui lançant, devant l’un de ses collègues et en présence d’un adjoint : « Vous, vous ne montez pas, l’ascenseur risque de tomber ».

« Femme, grosse et noire, c’était trop pour Didier Conques » déclare l’un de ses anciens collègues, suggérant une allergie prononcée pour Sabine.

Didier Conques aurait, selon la CGT, déjà fait l’objet d’un signalement auprès de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) pour avoir refusé la titularisation de Mustapha Bâ, en raison de son accent, lequel aura finalement gain de cause sous la pression des syndicats.

Dans un enregistrement mis à la disposition du CJL, on entend la voix d’une femme confirmer avoir entendu de la bouche du DGS : « Je vais blanchir la mairie », signifiant ainsi son désir de privilégier le recrutement de personnes blanches au détriment de candidats d’origine noire ou arabe.

Quand on demande à un collègue de Sabine si M. Conques a un problème avec les noirs, celui-ci répond : « Je ne sais pas avec qui il n’a pas de problèmes, il n’aime ni les noirs, ni les arabes, ni les Rroms, ni les femmes, ni les gros ». 

Concernant ces derniers, rappelons que « l’apparence physique  figure au même titre que l’origine ethnique, l’âge, le sexe, l’identité de genre où le handicap parmi les critères en vertu duquel une différence de traitement, notamment dans l’emploi, est interdite en France » comme l’a souligné le Défenseur des droits dans une étude publiée en février 2016. 

La mairie de Paris a d’ailleurs organisé en décembre 2017 une journée d’information et de dialogue pour sensibiliser le public à la grossophobie, néologisme désignant les stigmatisations et les discriminations subies par les personnes en surpoids ou obèses.

Mais tout comme dans les cas de harcèlements sexuels, rares sont les victimes de racisme, de sexisme ou de  grossophobie qui saisissent la justice. Dans les cas de racisme, seul 3 % des personnes victimes d’injures racistes portent plainte, selon un rapport du Ministère de l’Intérieur en date de juin 2018.

Rappelons qu’il est fait obligation aux fonctionnaires encadrant de protéger leurs subalternes de toute forme de discrimination, et le cas échéant de les dénoncer.   

Didier Conques n’a, jusqu’à présent, fait l’objet d’aucun rappel à l’ordre ni d’aucune sanction administrative ou pénale.

Ali Ouicen pour le CJL