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Mali : l'intervention imposée
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La France continue son offensive diplomatique pour obtenir le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU pour une intervention militaire au Nord Mali.
Après avoir conseillé à Boni Yayi, président de l’Union africaine, de saisir l’ONU, fait le forcing pour que le gouvernement malien accepte l’intervention des troupes de la Cédéao, Hollande vient d’organiser en marge de la session plénière de l’ONU une réunion sur la question du Sahel.
Le Mali connaît une double crise avec, au nord, l’invasion par le MNLA mouvement indépendantiste Touarègue qui s’est fait supplanter militairement par les groupes islamistes Ansar Din et Mujao, et au sud le coup d’État des hommes de troupe du capitaine Sanogo qui a fait tomber Amadou Toumani Touré, lui reprochant sa corruption et sa complicité avec les milices armées du Nord. Face à cette situation, la France tente de rétablir une stabilité du pays, bénéfique pour elle et ses intérêts liés notamment aux mines d’uranium exploitées par Areva au Sahel.
Ainsi la Cédéao, l’organisme de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, largement aux mains de la France, n’a pas ménagé ses efforts pour remettre au pouvoir les anciens du régime en lui donnant un vernis de crédibilité sous le vocable de gouvernement d’union nationale.
Mais ces manœuvres ne convainquent pas grand monde tant à l’intérieur du Mali, où pour une bonne partie des populations, les gens qui ont conduit à la ruine du pays ne pourront pas le sauver de la menace des groupes islamistes, que de la communauté internationale qui voit bien que l’État reste défaillant.
Beaucoup doutent de la capacité de la Cédéao de mettre sur pied une intervention militaire avec un commandement unique. Peu de pays ont la capacité de fournir des troupes bien entraînées : la Côte d’ivoire est confrontée à une insécurité croissante sur ses frontières ghanéenne et libérienne et bénéficie déjà d’une aide miliaire de la France et de l’ONU. Le Sénégal, lui, a des difficultés en Casamance et beaucoup ont critiqué l’état dans lequel se trouvent l’armée. Le Nigeria, pourtant prompt à intervenir partout, reste plutôt réservé et s’oriente vers la fourniture d’une couverture aérienne. D’où les pressions de la diplomatie française pour que Mauritanie et Tchad fournissent des troupes plus habituées aux combats dans le désert. Mais ces deux pays ne font pas partie de la Cédéao. Une telle demande de la France implique un soutien au président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz qui a légitimé son coup d’État par une farce électorale et la dictature tchadienne. En effet, difficile de voir un simple hasard qu’Idris Deby soit reçu en grandes pompes à l’Élysée le 8 octobre, lui qui est responsable de la mort du principal opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh.
Quant aux Forces armées tchadiennes (FAT), elles ont été régulièrement dénoncées pour enrôlement d’enfants soldats. Et après l’intervention ? Comment sécuriser une région deux fois plus grande que la France avec un État malien complètement défaillant. Cela impliquerait une présence militaire étrangère coûteuse et impopulaire. D’autant que la situation politique dans la région n’est pas réglée avec les revendications indépendantistes avancées par le MNLA. De plus les récents conflits ont exacerbé les anciennes oppositions entre les différentes communautés qui peuvent rapidement dégénérer en conflit armé à la vue du nombre important d’armes en circulation.
Si la question de la lutte contre les groupes islamistes qui terrorisent la population est centrale, elle doit être l’objet d’un consensus et d’un accord politique général dans le pays. Un accord qui ouvre de nouvelles bases pour construire un État au service de toutes les communautés qui prennent en compte les demandes sociales de l’ensemble de la population quelle que soit la région, et qui mènent sous son contrôle la libération du nord du pays C’est précisément cette perspective dont Paris ne veut pas entendre parler.
C’est ce qui explique que les armes, pourtant commandées régulièrement et payées par le Mali, ont été bloquées dans les ports de Guinée et du Sénégal jusqu’à ce que le gouvernement malien ait accepté d’approuver l’intervention militaire de la Cédéao. Le refus de l’intervention militaire n’est pas un abandon des populations du nord, mais un refus de rétablir un ordre social politique injuste qui a conduit le pays dans une crise sans précédent.
Paul Martial