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Affaire Théo à Aulnay : «Je suis hors-service depuis deux ans»

Violences-Policières

Lien publiée le 31 janvier 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.anti-k.org/2019/01/31/affaire-theo-a-aulnay-je-suis-hors-service-depuis-deux-ans/

Le Parisien, 30 janvier 2019

Théo Luhaka, 24 ans, a été grièvement blessé lors d’un contrôle de police à Aulnay-sous-Bois, le 2 février 2017. Santé, quotidien, projets : le jeune homme revient sur ces deux années. En attendant un procès.

Survêtement noir et fine doudoune rouge, Théodore Luhaka est installé devant la rediffusion d’un match de football italien, chez lui, à Aulnay-sous-Bois, ce 24 janvier. Visage fatigué. Un jeudi comme beaucoup d’autres depuis deux ans, pour le jeune homme de 24 ans.

Mirer le ballon rond à la télé : c’est « tout ce qu’il reste, ou presque », à celui qui a été gravement blessé lors d’un contrôle de police, le 2 février 2017 à Aulnay. Quatre policiers ont été mis en examen pour « violences volontaires aggravées » et l’un pour « viol ». La matraque d’un policier a perforé la zone péri-anale du jeune homme sur dix centimètres.

Aujourd’hui, Théo tente de se reconstruire, après un tourbillon médiatique et judiciaire. Le jeune homme, qui avait reçu la visite du président François Hollande dans sa chambre d’hôpital, est aussi mis en examen dans une affaire d’escroquerie par une associationcréée par l’un de ses frères.

Sa santé. « Je risque de devoir porter des couches à vie, ou remettre une poche de stomie (NDLR : posée juste après les faits, cette poche permettant l’évacuation des selles lui a été retirée en mai) », raconte Théo. La matraque a fait des dégâts : « Il y a un risque d’incontinence. On pourra améliorer les choses, mais les réparer complètement, non. »

Selon nos informations, un récent rapport médical commandé par la juge chargée de l’instruction n’exclut pas que le jeune homme souffre de séquelles permanentes, sans préciser lesquelles. D’autres examens sont programmés, toujours à la demande de l’instruction, pour « consolider » son état de santé – élément déterminant pour qualifier définitivement les faits.

« J’ai arrêté le football, ma passion, poursuit Théo. Aller au restaurant avec des amis ? Je dois me limiter et ne rien manger avant, sinon… je me fais caca dessus. »

Son quotidien. Entre le foot à la télé et le travail sur son projet associatif, Théo continue de se rendre dans le quartier de la Rose-des-Vents, où il a grandi, mais qu’il a quitté dans la foulée de l’affaire, déménageant à quelques kilomètres de là pour « changer d’air ». Ses relations avec les policiers locaux sont devenues « bizarres ». « Je suis une bête de foire pour certains. Quand ils me voient, ils font demi-tour, me montrent leur matraque. Je suis habitué… »

Théo se dit aussi « rongé » psychologiquement. « Je n’arrive pas à dormir, j’ai des pensées noires. J’ai appris que trois des policiers qui m’ont interpellé ont été réintégrés. Moi, je suis entré à l’hôpital le 2 février 2017, les médecins m’ont annoncé 60 jours d’ITT (incapacité totale de travail)… mais en réalité, ça fait deux ans que je suis hors-service ! », grince le jeune homme, dont le moral « fait le grand huit ».

Le volet judiciaire. L’instruction, menée par une magistrate de Bobigny, n’est pas clôturée, notamment dans l’attente d’éléments médicaux. « Ce que j’attends du procès ? Je fais confiance à mes avocats, j’espère la justice. Mais ça ne réparera rien chez moi, même pas psychologiquement. »

Reste « l’autre affaire ». En août dernier, le jeune homme a été mis en examen pour « escroquerie en bande organisée », soupçonné d’avoir eu un rôle dans une histoire présumée de détournements de fonds publics par une association gérée par son frère. En janvier, le conseil de ce dernier a d’ailleurs été reçu par le juge d’instruction chargé de ce dossier, laissant entendre que le procès était proche.

« On nous accuse de détournements de fonds, mais mon frère répond mauvaise gestion. Le résultat, c’est qu’en plus de salir ma famille, on oublie qu’il y a aussi une histoire de viol présumé par des policiers… »

Son projet. Ce vendredi 1er février, lors d’un événement organisé avec SOS Racisme, à Paris, Théo va dévoiler le projet associatif qu’il peaufine depuis plus d’un an.

« On l’a intitulé Nouveau départ – le Phénix, dévoile-t-il. L’idée, c’est d’occuper les jeunes de cités, qu’ils ne restent pas à rien faire dans la rue. On sera un peu des animateurs de rue, pour transformer leur routine en activité saine… Car le fait d’être livré à soi-même débouche sur des situations comme la mienne, des contrôles de police qui dérapent. »

Cette association, qui table sur une action auprès de 600 jeunes dans vingt villes de France, doit démarrer son activité en mars. Au menu : accompagnement à des formations type BAFA, animations en pied d’immeuble, événements football au cœur des quartiers…

Et le jeune homme a anticipé d’éventuelles attaques sur ce projet, liées aux soupçons qui pèsent sur son frère : « On s’est entourés d’une équipe solide, avec un comptable, pour éviter d’être critiqués ou de faire des erreurs de gestion ».

Affaire Théo : «Je risque d’être handicapé à vie»

«IL EST PASSÉ DE VICTIME A COUPABLE», DÉPLORE L’AVOCAT DE THEO

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Antoine Vey, associé d’Eric Dupont-Moretti, défend le jeune Théo. LP/Guillaume GeorgesRompus à l’exercice médiatique, Eric Dupond-Moretti et Antoine Vey, les avocats de Théo, semblent pourtant, en deux ans, avoir perdu le combat de l’opinion publique.

« Il y a eu un effet de balancier : Théo est passé de victime à coupable aux yeux de beaucoup », se désole Antoine Vey, regrettant « une vaste désinformation qui a causé des problèmes au cours de la justice ». Il déplore – entre autres – que les images de vidéosurveillance aient été publiées.

« Aucune expertise n’exclut le viol »

Car pour l’avocat, « la réalité est celle que la victime décrit depuis le début » : « Un jeune de cité interpellé violemment par quatre policiers, sans raison, qui, vivant une injustice, se débat. Il prend de nombreux coups de matraque dont un, voire deux, ne sont pas usuels, et qui créent leur propre orifice d’entrée, lui déchirant la zone péri-anale », résume l’avocat.

Qui martèle qu’en l’état, « aucune expertise n’exclut le viol », rappelant que Théo a déclaré avoir entendu de la part des policiers des « phrases à connotation sexuelle ».

Reste qu’au cours de ces deux ans d’instruction, Antoine Vey – qui a défendu Jérôme Cahuzac, Jérome Kerviel ou Georges Tron – dit avoir « découvert le vrai racisme ». « Si c’était arrivé à un jeune bourgeois blanc, sa version n’aurait jamais été remise en cause à ce point ! »

T.P.

«DEUX ANS D’ENQUETE MONTRENT QU’IL N’Y A PAS EU DE VIOL», ESTIME L’AVOCAT D’UN POLICIER

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Frédéric Gabet est l’avocat du policier qui a blessé gravement Théo. LP/C.S.« Je ne vois pas comment le qualificatif de viol ne pourrait pas tomber, à l’issue de l’instruction ». Frédéric Gabet est l’avocat de Marc-Antoine C., le policier qui a porté plusieurs coups de matraque à Théo en février 2017, dont l’un l’a blessé gravement au niveau de la zone péri-anale.

Un conseil sûr de son fait : « Deux ans d’enquête ont apporté beaucoup d’éléments à décharge pour les policiers mis en examen », juge-t-il. Notamment via la vidéosurveillance, « très claire », selon lui.

« Des blessures épouvantables » mais « accidentelles »

« Ce n’est pas une scène de viol. On voit des fonctionnaires qui s’y prennent peut-être mal, mais qui tentent de maîtriser un jeune qui se débat, qui veulent le mettre à terre en lui donnant des coups de bâton télescopique, dont un provoque des blessures épouvantables, mais de manière accidentelle », développe l’avocat, qui ajoute que « l’intention de pénétrer sexuellement la victime » n’a pas été démontrée durant l’instruction.

De leur côté, trois des policiers mis en cause ont été réintégrés au sein de la police, mais désarmés, et sur des fonctions de bureaux. Marc-Antoine C. lui, est en province, interdit d’exercer une profession de sécurité, et placé sous contrôle judiciaire.