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Affaire Benalla : "Mediapart" refuse une perquisition de ses locaux
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La perquisition visant le site d’information était diligentée dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet sur la diffusion d’enregistrements.
« Une atteinte grave à une liberté fondamentale », un « acte violent »… En convoquant, lundi 4 février après-midi, une conférence de presse, les responsables de Mediapart entendaient insister sur la « gravité » que représente la tentative de perquisition de leurs locaux par le parquet de Paris, le matin même, dans le cadre d’une enquête sur la diffusion d’enregistrements de l’ex-homme de confiance d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla.
Lundi matin, à 11 h 10, deux magistrats du parquet, accompagnés d’enquêteurs, se sont présentés dans les locaux du site d’information. Dans le cadre d’une enquête ouverte par le procureur de Paris, notamment pour atteinte à la vie privée de M. Benalla, ils entendaient saisir des enregistrements après la diffusion, la semaine passée, d’une conversation entre M. Benalla et Vincent Crase, quelques jours après leur mise en examen en juillet.
Les responsables du site ont refusé cette perquisition. « Nous n’avons commis aucun délit ; nous n’avons porté atteinte à la vie privée de personne ; nous n’avons fait que révéler des faits d’intérêt public », a insisté le président et cofondateur du site, Edwy Plenel, lors de la conférence de presse, dénonçant un acte « violent » et « rarissime » de « venir perquisitionner un journal et de porter atteinte à une liberté fondamentale ». « C’est inédit, c’est une dérive liberticide quant à la liberté d’informer et sa pierre angulaire, le secret des sources, a renchéri Fabrice Arfi, coresponsable des enquêtes du journal. Ici, c’est un sanctuaire, pour que l’on puisse continuer à révéler des informations et protéger des sources. »
Enquête préliminaire
Contactée par Le Monde, une source judiciaire a confirmé l’ouverture d’une « enquête préliminaire des chefs d’atteinte à l’intimité de la vie privée » et « détention illicite d’appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d’interception de télécommunications ou de conversations », autrement dit sur les conditions dans lesquelles cet enregistrement a été réalisé.
Cette source judiciaire a précisé que l’ouverture de l’enquête préliminaire est intervenue à la suite de la réception par le parquet de Paris d’« éléments », dont la nature n’a pas été précisée. Une source proche de l’enquête a ajouté qu’elle n’avait pas été déclenchée à la suite d’une plainte de M. Benalla.
Mediapart avait publié, jeudi, des extraits d’un enregistrement d’une conversation entre Alexandre Benalla et Vincent Crase, ex-employé de La République en marche (LREM) et gendarme réserviste. Selon le site d’information, cette conversation a eu lieu le 6 juillet, quelques jours après que les deux hommes ont été mis en examen pour des violences sur des manifestants le 1er mai 2018 et en violation de leur contrôle judiciaire.
Alexandre Benalla s’y targue du soutien du président de la République, alors que l’« affaire » qui porte son nom a éclaté quelques jours plus tôt et crée des remous jusqu’au sommet de l’Etat. « Truc de dingue, le patron [Emmanuel Macron, ndlr], hier soir il m’envoie un message, il me dit : “Tu vas les bouffer. Tu es plus fort qu’eux, c’est pour ça que je t’avais auprès de moi” », dit-il dans cet extrait à la très bonne qualité sonore.
Mediapart avait aussi révélé qu’Alexandre Benalla s’est intéressé de très près à un contrat noué par son ami Vincent Crase avec l’homme d’affaires russe Iskander Makhmudov, soupçonné d’être lié à la criminalité organisée. Le contrat prévoyait notamment la protection des biens immobiliers en France de l’oligarque et de sa famille à Monaco. Selon le site, M. Benalla serait « personnellement impliqué dans ce contrat, y compris dans ses montages financiers ». Ce qui, si c’était confirmé, viendrait contredire les déclarations de l’intéressé devant la commission d’enquête sénatoriale.
« Jamais nous n’avons eu de perquisition »
Contacté par Le Monde, Fabrice Arfi assure que c’est la première fois dans son histoire que le site est visé par une perquisition :
« Cette perquisition est une mise en danger majeure de nos sources. Comme le droit nous y autorise, parce que c’est une enquête préliminaire, nous avons refusé. Et dénoncé cette situation extravagante. Le procureur n’a pas exclu de revenir avec un mandat du juge des libertés et des détentions, qui rendrait la perquisition coercitive. »
Le journaliste poursuit :
« Cette tentative de perquisition est d’autant plus folle que, ce vendredi soir, “Mediapart” a reçu une réquisition, dans le cadre de l’enquête sur les violences du 1er-Mai pour avoir accès aux enregistrements de M. Benalla que nous avons révélés jeudi. Et, ce matin, nous avons répondu que nous étions d’accord pour en transmettre le contenu, déjà évoqué dans nos articles. Nous pensons que les enquêteurs sont intéressés par ces bandes, car M. Benalla semble notamment violer son contrôle judiciaire en rencontrant M. Crase. La police et le parquet ne voient pas de problème à ne pas réussir à mener une perquisition chez M. Benalla mais se rendent dans un journal quelques jours après des révélations, pour faire une perquisition en défense d’un mis en examen… Cela ressemble à un scandale. Jamais, à “Mediapart”, nous n’avons eu de perquisition, même pas dans l’affaire Bettencourt. »
Alexandre Benalla a été licencié l’été dernier de l’Elysée après les révélations du Monde sur sa participation à la répression de manifestants du 1er-Mai 2018, épisode pour lequel il a été mis en examen. Depuis lors, ce qui est devenu l’affaire Benalla ne cesse de rebondir, notamment à propos des relations que celui-ci aurait pu conserver avec Emmanuel Macron après son licenciement. « C’est fou, a réagi Edwy Plenel. L’Elysée ne cesse de vouloir étouffer, et nous en avons encore la preuve aujourd’hui, cette affaire Benalla, qui est une affaire d’Etat. »
Pourquoi « Mediapart » a pu refuser une perquisition
Le site d’information Mediapart a refusé, lundi 4 février, une perquisition dans ses locaux dans le cadre d’une enquête sur la diffusion d’enregistrements de l’ex-homme de confiance d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla. « Le droit nous y autorise, parce que c’est une enquête préliminaire », a expliqué au Monde le journaliste Fabrice Arfi, représentant du site. En effet, dans le cadre d’une enquête préliminaire, l’assentiment de la personne visée est nécessaire pour mener la perquisition. Devant le refus de Mediapart, les deux procureurs et trois policiers qui s’étaient présentés ont donc dû repartir. Le parquet peut à présent demander un mandat du juge des libertés et de la détention pour rendre la perquisition obligatoire et coercitive. « Le procureur adjoint a mentionné cette possibilité lors de nos discussions », précise Mediapart dans un article.