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J’ai mal à mon travail : une salariée en colère écrit aux dirigeants de la Macif

Lien publiée le 8 février 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://rapportsdeforce.fr/classes-en-lutte/jai-mal-a-mon-travail-une-salariee-en-colere-ecrit-aux-dirigeants-de-la-macif-02083080

Elle est salariée du groupe Macif. Elle a découvert dans le Canard enchaîné du 23 janvier l’augmentation de 62,5 % que s’est octroyé son patron, Alain Montarant, pour un montant de 260 000 euros annuelAu même moment, la direction du groupe négociait au plus basl’évolution annuelle des salaires de ses employés. 

Elle a écrit une lettre à ses dirigeants qui a été lue à l’occasion d’une réunion paritaire par des élus CGT. Selon eux, la direction n’a pas réagit : aucun commentaire. Nous reproduisons cette lettre dans Rapports de force.

Messieurs les dirigeants,
 
Je suis en colère.
Je suis en colère parce qu’une poignée d’individus décide pour l’ensemble et que ces décisions conduisent à une division sociale toujours plus marquée : une classe privilégiée, une classe moyenne et une classe défavorisée. Cette poignée d’individus, dirigeants de notre entreprise, bénéficie d’avantages financiers et matériels toujours plus importants, s’octroie des conditions de travail plus souples et prend des orientations plus drastiques pour les autres. Ces décideurs se maintiennent dans la première des classes : ils en viennent, restent entre eux et dictent ce que doivent faire les autres.

Ils entretiennent, par des décisions toujours plus injustes et inéquitables, ce clivage et gagnent toujours plus, au détriment des autres. Les autres, ce sont mes collègues, ce sont mes voisins, ce sont mes amis et ce sont ces femmes et ces hommes qui, attachés à leur entreprise, la font bénéficier de leurs expériences. Ce sont ces personnes, salariées du groupe Macif, qui donnent du sens à leur travail et font exister cette entreprise mutualiste.

Je suis en colère, car nos dirigeants arguent la nécessité des mesures prises, justifient leurs décisions et leurs salaires ; ils affirment mollement nous « vouloir du bien ». C’est une insulte faite à notre intelligence et il faut le leur rappeler : nous préservons réflexion, libre arbitre et sens critique. Alors il n’est pas acceptable de travailler jour après jour, avec engagement et qualité, en peinant à payer crédit, essence, éducation, charges, etc. et apprendre, au détour d’un canard, la rémunération haussée de nos dirigeants. Ces derniers sont déconnectés de la réalité, de notre réalité. Nombre d’entre eux ne vivent pas comme la majeure partie de la population et ne connaissent pas la valeur des choses de notre quotidien. Ils n’ont pas nos priorités financières (vivre décemment) et ne connaissent pas le découvert bancaire en milieu de mois. Ils regardent de très loin ce qu’il se passe dans notre pays et ne s’attardent pas sur l’état de pauvreté de certains ménages.

Les dirigeants s’octroient depuis bien trop longtemps des salaires indécents, des avantages conséquents (voitures, logements de fonction, frais de bouche, indemnités de fin de mission…), des parachutes dorés avec l’argent des autres (salariés, cotisants…). Il n’est pas acceptable aujourd’hui de voir des revenus à temps plein à 1 500 euros nets et d’autres à 20 000 euros nets (soit 13 fois plus).

Je suis en colère, car, au-delà de cette indifférence généralisée, le discours de notre entreprise est culpabilisant et nous tient comme responsables des éventuelles améliorations. Nous prenons le poids de la santé de notre entreprise sur nos épaules. Pourtant, nous n’en choisissons pas la trajectoire et notre pouvoir d’agir n’a jamais été aussi maigre. La politique d’entreprise actuelle n’aboutira à rien de bon : la trajectoire suivie n’est pas la bonne, comme peuvent le prouver les différents audits déjà menés dans notre groupe. Cette politique se fait au détriment des collaborateurs et des adhérents, elle n’est plus tenable.

Vous, dirigeants, investissez dans des domaines qui sont en dehors du périmètre d’activité de la Macif, notamment dans le spéculatif et non dans le productif. La politique de notre entreprise doit prendre une direction plus juste et plus écologique, c’est-à-dire une direction préservant l’équilibre entre l’humain, l’économie et l’environnement. C’est-à-dire, finalement, une direction préservant les ressources de l’entreprise, à commencer par ses ressources humaines. Notre mutuelle investit aujourd’hui dans les clubs de sport, dans la construction de bateau… Autant de secteurs que nous ne maîtrisons pas et sans cohérence avec notre cœur de métier. Des secteurs, de plus, qui ne s’inscrivent pas dans une vision à long terme et globale de l’entreprise.

Beaucoup de sociétaires déplorent ce type de direction et encouragent, de même que les salariés, des investissements dans notre cœur de métier (auto, habitation, santé…). Nous maîtrisons ces domaines et nous serions en mesure de les développer. Les fusions, les alliances, les accords avec d’autres entités ne rendent pas le groupe Macif plus prestigieux et attractif. Les sociétaires ne sont pas aveugles sur certains dysfonctionnements et commencent à en pâtir. Les décideurs veulent aller trop vite, ont peur de perdre et signent des accords n’allant ni dans le sens des salariés, ni dans celui des sociétaires.

À persister dans l’investissement spéculatif, le productif va s’appauvrir, amoindrissant toujours plus le domaine de l’humain autrefois au centre de nos préoccupations. C’est cette convergence de nos activités sur l’humain qui nous a rendus, jusqu’à aujourd’hui, fiers ; qui a donné du sens à notre travail ; qui a suscité notre engagement et notre motivation. C’est autant de richesses que vous, nos dirigeants, détruisez.

Cette politique d’entreprise, toujours elle, va dans le sens de l’enrichissement à tout prix. Les conditions de travail en pâtissent et se voient largement détériorées depuis 2013. Les réorganisations successives ont mis fin à des conditions de travail qui étaient alors acceptables. Il suffit de faire une étude de terrain (horaires, EP, pression, évolution constante du périmètre d’activité, charge mentale au téléphone, à l’accueil…) pour en estimer le préjudice. Les salariés sont aujourd’hui démotivés, et les collectifs de travail anéantis. Beaucoup sont en situation de souffrance physique et psychologique.

Arrivée dans cette entreprise quand elle avait encore quelques valeurs mutualistes, j’ai vu les conditions de travail devenir plus contraignantes, des périmètres d’activité devenir toujours plus importants avec pour effet une perte de nos domaines de compétence. Lorsque l’on me dit que, mécontente, je peux toujours aller voir ailleurs, je réponds que je ne le souhaite pas. Je suis attachée à cette entreprise mutualiste, je suis toujours engagée dans les valeurs qu’elle représentait autrefois, à commencer par la solidarité. N’est-il pas temps que les choses évoluent positivement, sur le plan de la moralité et sur le plan économique ? Il serait sain de retrouver « cette économie sociale et solidaire », autrefois force de la Macif. N’est-il pas temps que les décisions soient prises par les intéressés, en considération de tous et pour l’intérêt de chacun ? Ne devient-il pas urgent que les premières personnes intéressées, les adhérents, les sociétaires, les salariés, soient concertés ? N’est-il pas temps de prendre des décisions justes, équitables, humaines, bienveillantes et respectueuses de tous les acteurs de l’entreprise ? N’est-il pas temps, enfin, que nos dirigeants retrouvent leurs esprits et se rappellent que la Macif est une société d’assurance mutuelle, dont l’objectif n’est pas le profit à tout prix ?

Cordialement,

Une salariée du groupe Macif.