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Gilets jaunes, Macron, racisme, antisémitisme: le bal des hypocrites
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://lemediapresse.fr/idees/gilets-jaunes-macron-racisme-et-antisemitisme-le-bal-des-hypocrites/
Yazid Arifi, membre du collectif Citoyens souverains et Gilets jaunes, revient sur les accusations d’antisémitisme que doit essuyer le mouvement social.
L’immense mouvement populaire que nous construisons avec ténacité et détermination depuis maintenant près de trois mois inquiète au plus haut point le pouvoir. En dépit des efforts déployés par les décideurs et leurs intellectuels organiques pour faire croire que nous nous « essoufflons », il est désormais impossible de ne pas reconnaître que notre détermination est intacte, nos cortèges grandissants et notre appétit politique potentiellement insatiable. Ainsi, après avoir accueilli les premières manifestations des « gilets jaunes » avec ce savant mélange de mépris et de condescendance dont il a le secret, et pendant que la répression policière s’abat sur nous avec une violence inouïe, voilà donc que Macron en vient à la classique disqualification morale.
Prenant appui sur le non-événement qu’a été l’agression verbale d’Alain Finkielkraut, propagateur en chef de la xénophobie et de la haine en France depuis plusieurs décennies, par quelques manifestants au cours de l’acte 14, le gouvernement s’est mis en tête de nous donner des leçons de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Pour ce faire, il s’est lancé dans une entreprise d’instrumentalisation du combat antiraciste aussi effrontée que nauséabonde, en nous appelant notamment à nous rassembler place de la République le 19 février dernier pour dire non à l’antisémitisme avec entre autres… le Rassemblement national (!), et en affirmant sa volonté de museler les défenseurs et défenseuses de la cause palestinienne, promptement repeints en antisémites en raison de leur engagement antisioniste et anticolonialiste.
L’HYPOCRISIE DU GOUVERNEMENT
Nous ne sommes évidemment pas dupes : totalement dépassé par l’effervescence populaire, le régime cherche à faire diversion en nous faisant des leçons de morale. Loin de nous la volonté d’entrer dans son jeu en réagissant à des accusations grotesques et totalement hors de propos. Sur la question du racisme, cette mise au point sera donc notre dernier mot.
Malgré leurs insinuations calomnieuses et contrairement à leurs fantasmes, le mouvement des Gilets jaunes n’est pas et ne deviendra jamais le rassemblement d’une horde de barbares désireux de replonger le pays dans « les heures les plus sombres de son histoire ». Parti d’une opposition à la persécution économique des foyers les plus modestes du pays, sommés au nom de la compétitivité française de contempler en silence le banquet des puissants, ceux-là mêmes qui se gavent sur notre dos depuis près de 40 ans, le mouvement des Gilets jaunes est devenu l’outil d’un peuple ambitionnant à présent de s’auto-gouverner et de devenir totalement souverain, dans l’entreprise comme dans la Cité. Il a chassé de ses cortèges les groupuscules d’extrême-droite et a fait siennes les luttes contre les discriminations raciales et les violences policières. Il est aujourd’hui constitué entre autres des collectifs, des associations et des personnes qui sont à l’avant-garde du combat antiraciste. Nous n’avons donc strictement aucune leçon d’antiracisme à recevoir de la part de l’oligarchie, prise ici en flagrant délit d’hypocrisie.
Tout au contraire, nous entendons dénoncer avec virulence l’inconséquence d’un gouvernement qui s’improvise parangon de la morale antiraciste alors même qu’il porte un projet de société d’une violence sans précédent à l’égard des étrangers, des musulmans, des noirs et des Roms. À des années-lumière des incantations macroniennes de 2017 en faveur du renouveau de la vie politique, du dépassement du clivage gauche-droite et de l’apaisement des tensions, nous ne pouvons qu’être consternés par un bilan cohérent dans sa médiocrité avec ceux des prédécesseurs de l’autoproclamé « Jupiter ». En l’espace de moins de deux ans, Emmanuel Macron a déjà largement prouvé qu’il était le substrat chimiquement pur de l’époque néolibérale, faite de toute-puissance du capital, de haine des classes populaires, d’autoritarisme policier et de stigmatisation des minorités ethniques et raciales, qu’elles soient françaises ou non. Sur ce dernier aspect, nous avons eu droit aux plaisanteries méprisantes sur les « kouassa kouassa», ces embarcations de fortune utilisées par les Comoriens les plus démunis pour atteindre Mayotte, au péril de leur vie. Il y a eu les rodomontades présidentielles contre les étrangers sans papiers, sommés de rentrer chez eux s’ils n’ont pas de raisons valables de rester en France. Plus récemment, ce sont les propos ignobles tenus sur Christophe Dettinger, ce boxeur français emprisonné pour avoir réagi aux provocations policières à l’encontre des gilets jaunes, qui nous ont fait sursauter. C’est qu’en matière de stigmatisation raciale, Macron a porté l’ignominie à un degré proprement inimaginable : qui eût cru un président capable de stigmatiser aussi vulgairement les « Gitans » au motif qu’ils seraient incapables de tenir un propos politique cohérent ?
Mais il y a eu bien plus grave que les mots. Depuis mai 2017, nous sommes écœurés par le comportement de l’État vis-à-vis des migrants, sommés de choisir entre la noyade, la persécution policière et les centres de rétention. Nous sommes outrés par le fichage des mineurs étrangers isolés, recul sans précédent dans la protection de l’enfance. Les poursuites judiciaires contre celles et ceux qui viennent en aide aux migrants nous révulsent. Nous avons honte de vivre dans un pays où les étudiants non-Européens devront désormais payer des sommes invraisemblables pour avoir accès à nos universités, qui deviendront donc un privilège réservé aux classes bourgeoises des pays dits « émergents ». Nous sommes révoltés par la violence qui s’abat avec constance sur les quartiers populaires, en particulier contre les Français issus de l’immigration. Nous sommes à ce titre atterrés par l’absence totale de réaction officielle au décès de Zineb Redouane, cette octogénaire tuée chez elle par un tir de grenade lacrymogène de la police en marge de l’acte 3 à Marseille.
Que le gouvernement en soit convaincu : nous ne lâcherons rien. Et sur le terrain de l’antiracisme comme sur tous les autres, nous continuerons à lutter avec fierté et panache contre Macron et son monde pour que soit faite la volonté du peuple.