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Prud’hommes. L’exécutif vole au secours des barèmes
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.anti-k.org/2019/03/11/prudhommes-lexecutif-vole-au-secours-des-baremes/
Exterieurs conseil de prud'hommes de Lyon
L’Humanité, 11 mars 2019
Face à la multiplication de décisions prud’homales refusant de plafonner les indemnités de licenciements injustifiés, la chancellerie tente de recadrer les juges.
La fronde des conseils de prud’hommes contre la barémisation des indemnités de licenciement commence à inquiéter en haut lieu. Au point d’avoir poussé la chancellerie à adresser, le 26 février, une circulaire aux procureurs généraux près les cours d’appel pour exiger que ceux-ci fassent remonter au ministère de la Justice les cas de non-application de cette disposition par les juges, a-t-on appris en fin de semaine dernière. Les services de la garde des Sceaux demandent en outre aux représentants du ministère public de les avertir des procédures d’appel sur ces cas afin de pouvoir intervenir pour faire connaître l’avis du parquet général sur cette question d’application de la loi. D’après le site Actuel-RH, le ministère aurait joint les décisions du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel ayant validé ce barème pour appuyer son propos.
« Cette circulaire utilise des arguments totalement infondés »
« Pratique rarissime sur une question de droit du travail », relèvent le Syndicat des avocats de France (SAF) et le Syndicat de la magistrature (SM) dans un communiqué, disant par ailleurs se réjouir que la chancellerie « ait pris la mesure de la fragilité de la disposition instituant un barème d’indemnités pour licenciement non causé ». Ces syndicats dénoncent en revanche le contenu « orienté » de la documentation diffusée par le ministère. « Nous nous étonnons que la circulaire ne s’explique pas sur la portée plus que limitée des décisions qu’elle invoque et n’ait pas précisé, notamment, que le Conseil constitutionnel n’est pas juge de la conformité des lois aux conventions internationales, et que la décision du Conseil d’État est une décision de référé, sans autorité de chose jugée, qui ne lie en rien les juges judiciaires. » « Non contente de porter atteinte à la séparation des pouvoirs qui veut que le gouvernement n’essaie pas d’influencer les décisions de justice, cette circulaire utilise des arguments totalement infondés sur le plan juridique », renchérit la CGT dans un un communiqué, qui rappelle que, aux côtés d’autres syndicats, elle a porté une réclamation contre la barémisation devant le Comité européen des droits sociaux. « Nous espérons que les jugements de conseils de prud’hommes continueront à se multiplier et que les cours d’appel ne se laisseront pas influencer par cette tentative d’intimidation du ministère », précise la CGT.
Ces derniers mois, cette mesure issue des ordonnances Macron de 2017, consistant à plafonner le montant des dommages et intérêts accordés aux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse en fonction de leur ancienneté, avait été remise en cause par une quinzaine de conseils prud’homaux, dont ceux de Troyes, Amiens ou Lyon. Jugeant cette disposition contraire aux engagements internationaux de la France, ceux-ci avaient condamné des employeurs à indemniser leurs ex-salariés de sommes supérieures à celles prévues par les ordonnances. Le 5 février, le juge départiteur du conseil des prud’hommes d’Agen avait enfoncé le clou en estimant dans son jugement que « le barème établi par l’article L. 1235-3 du Code du travail ne permet pas dans tous les cas une indemnité adéquate ou une réparation appropriée, ne prévoyant pas des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par le salarié ». Une salve de poids puisque, pour la première fois, ce plafonnement se trouvait désavoué par un magistrat professionnel.
Ces décisions s’appuient notamment sur l’article 10 de la convention 158 de l’OIT (Organisation internationale du travail), qui précise que si les juges estiment le licenciement injustifié et qu’ils ne sont pas en mesure d’ordonner la réintégration du salarié, « ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». Mais également sur l’article 24 de la Charte sociale européenne qui engage les États signataires, dont la France, à mettre en œuvre « le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
Loan Nguyen