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Coup de gueule d’un fondateur de Place publique : "Glucksmann a manipulé tout le monde"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Co-fondateur du mouvement Place publique, Farid Benlagha adresse une "lettre ouverte à Raphaël Glucksmann". Et elle est salée...
Raphaël Glucksmann a réagi aux accusations de Farid Benlagha qui l'a apostrophé au Grand Jury de RTL, le 24 mars. "Je n'ai jamais traité les 'gilets jaunes' de fascistes, jamais, jamais, jamais !", a répondu l'essayiste. Farid Benlagha lui répond et développe ici ses arguments.
J'ai décidé de cofonder le mouvement Place publique, PP, à la suite de plusieurs réunions parisiennes. Tout a commencé au début de l'été 2018. Je reçois alors un appel. Un groupe a commencé à travailler, avec la perspective de créer un nouveau mouvement politique, avec comme approche de mettre en valeur des porteurs de causes. Occupé par mes activités [production artistique, NDLR], je ne rejoins ce groupe qu'au début du mois de septembre. L'affaire Benalla et la première grande crise de la macronie, suivie peu de temps après par l'érosion de l'image de Mélenchon, offrent à la gauche l'opportunité de formuler une nouvelle offre avec un espace qui s'élargit donc.
Après plusieurs réunions, ce petit groupe d'une trentaine de personnes grossit peu à peu. J'y rencontre quelques personnes de qualité. Notamment Thomas Porcher, Lucas Chancel, Nayla Ajaltouni. Je me laisse convaincre. En octobre la date de lancement est fixée : ça sera le 7 novembre. Les efforts pour réussir ce lancement sont admirables, et j'y prends toute ma part.
Certains signaux troublants
Cependant très vite, je perçois certains signaux troublants. Fin octobre, lors d'une réunion dite de "stratégie" j'assiste à une drôle de partie. Tout d'abord je découvre que ceux qui sont réellement aux manettes sont d'anciens militants socialistes, dont je comprends très vite le positionnement, de centre gauche, bien éloigné du mien. Profils quasiment tous identiques. Des bobos parisiens, tous "blancos", au parcours scolaire balisé.
J'écoute les stratégies proposées. Toutes très classiques, sans audace. Je propose alors une autre approche. Il faut impacter le débat politique très vite et très fort. Proposer une ligne politique claire et identifiable. On me propose de définir par quels moyens. Une "méthode fonctionne toujours : l'actualité". Profiter de sujets forts qui ponctuent régulièrement la vie d'un pays ou du monde. C'est alors qu'à leur demande, j'indique avoir détecté un sujet qui risque de monter, et qui devrait avoir un écho important dans la société.
J'évoque la date du 17 novembre 2018 comme le début d'un nouveau mouvement social en gestation sur les réseaux sociaux depuis 2, 3 semaines : les "gilets jaunes". Raphaël Glucksmann se retourne alors vers moi, et me répond de manière catégorique : "Ah, non Farid, ça, on en a entendu parler, c'est un truc de fascistes et de lepénistes."
Je reste ébahi par cette réponse. Tout y est. Le mépris de classe, l'aveuglement, l'absence de connaissance de ce pays, la déconnexion totale avec la diversité de la population française. Les semaines suivantes ne feront que confirmer ce flash. Malgré cette stupéfiante réponse je m'accroche. Le mouvement Place publique sera lancé dans quelques jours. Le succès du lancement aidant, je m'efforce de me projeter sur le premier meeting de PP prévu le 15 novembre.
La bourgeoisie blanche parisienne
Je découvre alors son organisation et son déroulé. Nouveau choc. Une liste d'intervenants comme un tableau de cette bourgeoisie blanche parisienne. J'envoie donc le 11 novembre un mail salé à toute la "direction" de Place publique. La réaction est timide mais semble tout de même aller dans mon sens. La tension n'aidant pas à esquiver mes injonctions, je constate donc un recul, mais sans lendemain. Je le comprends d'ailleurs très vite.
Le 17 novembre l'acte 1 des "gilets jaunes" marque les esprits. Je signale l'urgence d'une réaction, d'un positionnement fort à prendre, sans chercher aucune récupération, et d'autant plus facile à faire que PP est naissant et donc vierge. Mais le groupuscule autour de Gluksmann qui noyaute déjà le mouvement bloque tout. Le 24 novembre l'acte 2 des "gilets jaunes" frappe de nouveau les esprits. Je suis déjà sur le terrain. Je ressens déjà toute l'originalité et la puissance de ce mouvement, pour les bons et mauvais côtés. Mais deux jours plus tard, on découvre alors en interne qu'une tribune a été écrite dans le dos des militants et d'une partie des cofondateurs. Une tribune qui affilie politiquement Place publique à la CFDT.
Les "gilets jaunes" sont déjà en train de modifier l'Histoire de France, avec une forme de rejet d'un grand nombre d'institutions, et nous ne trouvons pas une meilleure méthode que de pondre une simple tribune, d'un ancien monde. Je ne retiens alors plus mes mots. Et j'envoie une réponse cinglante sur le fil telegram de l'AG de PP.
Certains camarades acquiescent. Mais ce fameux groupuscule autour de Glucksmann est déjà en marche, et fait bloc. Il ne cessera d'agir ainsi, foulant progressivement toutes les promesses. Après l'acte 3 des "gilets jaunes", ma décision est prise. Tout mon temps libre sera consacré aux "gilets jaunes". Je prends donc progressivement mes distances avec PP. Je garde cependant certains bons contacts, notamment avec Thomas Porcher, que j'embarque dans une réunion de "gilets jaunes" en décembre, pour tenter un dialogue entre "gilets jaunes et intellectuels". Il s’avérera être le seul au sein de PP à avoir compris ce mouvement et prit position publiquement.
Aucune ligne politique claire
En janvier 2019 le deuxième meeting occupe l'activité de PP. Toujours aucune ligne politique claire. Je sens le vide. Tels des enfants disciplinés, le petit groupuscule travaille en coulisses. De mon côté je multiplie mes participations aux différents actes le samedi, et certaines actions et conférences qui ponctuent les semaines. Le fossé se creuse, et deviendra insurmontable lorsque j'apprends que les tractations avec le PS ont déjà bien abouti. Je le signale une nouvelle fois dans le fil Telegram de PP. Je subis un front violent du groupuscule glucksmannien. La promesse d'un vote qui entérinerait une éventuelle participation de PP dans une quelconque liste tente de réduire à néant mes propos. Je n'y crois pas un mot, mais je suis déjà désintéressé.
Le vide absolu s'installe en février jusqu'à mi-mars au sein de PP. Ce silence cachait un coup de force. Une forme de putsch interne. Du jour au lendemain nous apprenons que Raphaël Glucksmann sera tête de liste d'une union PP et PS. Même la coprésidente de PP apprend la nouvelle via la presse. Aucune information interne. Aucun dialogue. Aucun vote interne. Un déni total de démocratie. Fomenté par un petit quarteron de bobos en mal de reconnaissance politique, ce coup de force choque en interne. De nombreux référents et cofondateurs le font savoir. Certains claquent la porte, comme Thomas Porcher et moi-même. Raphaël Glucksmann aura donc manipulé tout le monde, servi aucune autre cause que la sienne : se garantir un placement privé.
Farid Benlagha