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Municipales en Turquie : revers d’Erdogan à Istanbul et Ankara

Turquie

Lien publiée le 2 avril 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.liberation.fr/planete/2019/04/01/municipales-en-turquie-revers-d-erdogan-a-istanbul-et-ankara_1718709

Le président turc a essuyé une défaite inédite : selon les résultats partiels des élections de dimanche, son parti, l'AKP, s'achemine vers une défaite à Istanbul après avoir déjà perdu la capitale.

Des partisans du parti d'opposition CHP à Istanbul, le 1er avril.

Pour la première fois en dix-sept ans de pouvoir sans partage, l’AKP (Parti de la justice et du développement) du président turc, Recep Tayyip Erdogan, a été défait aux élections municipales. Il perd la plupart des grandes villes dont la capitale, Ankara. A Istanbul, le candidat de l’opposition devrait également l’emporter. C’est au bout d’une longue nuit que le Haut-Conseil électoral turc a fait (en partie) cesser le suspens. Sur la base de 99% des bulletins dépouillés, Ekrem Imamoglu, candidat du parti d’opposition nationaliste social-démocrate CHP, remporterait les élections municipales à Istanbul devant Binali Yildirim, lieutenant de Recep Tayyip Erdogan. Une gifle pour le président turc qui a commencé sa carrière politique dans la capitale économique et culturelle du pays, dont il a été élu maire en 1994.

Erdogan a fait d’Istanbul la vitrine de sa nouvelle Turquie, y multipliant les projets pharaoniques. L’Etat a dépensé sans compter pour faire de la ville une métropole de rang mondial. La devise veut que «qui contrôle Istanbul, contrôle la Turquie». Au-delà du symbole, perdre Istanbul et une majorité de ses 15 millions d’habitants c’est aussi perdre le cœur économique du pays et les réseaux clientélistes constitués ces vingt dernières années. Par l’argent qu’elles distribuent dans les projets d’aménagement, les appels d’offres et autres contrats économiques, les villes sont en effet centrales dans le financement de la vie politique. «A l’issue de ces élections, l’opposition va contrôler les villes qui concentrent 70% du PNB de la Turquie», souligne ainsi Sinan Ülgen, président du Centre d’études des politiques étrangères et économiques d’Istanbul.

Récession

Les résultats de scrutin local sont à lire à l’aune de la profonde crise économique qui frappe le pays. Depuis la chute de la lire turque (-28%) l’été dernier, le pays est en récession. Le chômage est en hausse (13,5% en décembre) et l’inflation continue de tourner autour de 20%. L’Etat a dû ouvrir des stands de produits alimentaires à petits prix à Istanbul et Ankara pour aider les foyers modestes frappés de plein fouet. «Humiliant», disaient certains, contraints de faire la queue des heures pour un sac d’oignons.

L’AKP perd également la capitale Ankara qu’il gouvernait aussi depuis 1994. De même, plusieurs grandes villes du Sud du pays telles Adana, Mersin et Antalya sont passées à l’opposition. Dans le Sud-Est, le parti pro-kurde HDP est revenu en force. Il a repris sans surprise les métropoles de Diyarbakir, Mardin et Van et six autres provinces.

A Istanbul cependant, toute l’attention est rivée sur les quelques dixièmes de pourcent séparant les deux candidats. Dimanche soir, peu avant minuit, Binali Yildirim proclame sa victoire. Son adversaire dénonce alors «une manipulation» et affirme être en tête. Au milieu de la nuit, il finit lui aussi par revendiquer sa victoire. Pour sa part, la presse turque est divisée. Les chiffres provisoires donnent l’«alliance populaire» de l’AKP et du MHP ultranationaliste en tête à l’échelle nationale avec 51% des suffrages. «L’alliance populaire a gagné, la victoire de la Turquie», titre le très pro-régime Yeni Safak. Le quotidien d’opposition nationaliste Sözcü titre : «Ankara est passé au CHP après vingt-cinq ans, à Istanbul c’est comme un poisson d’avril.» Birgün (gauche) écrit quant à lui : «Aucune pression ou intimidation n’a gagné, seul l’espoir.» En début de matinée lundi, le Haut-Conseil électoral a fini par donner Imamoglu en tête avec plus de 20 000 voix d’avance (sur huit millions) sur son adversaire. Yildirim a admis lundi que son adversaire «semble avoir reçu 25 000 voix de plus», mais conteste cependant environ 200 000 votes.

S’exprimant dimanche soir pour le média Dokuz8Haber, le journaliste pro-régime Fehmi Koru déclarait : «Supposons que l’AKP a gagné Istanbul, quelle différence cela fait-il de ne gagner qu’avec une marge aussi étroite. Une victoire à la Pyrrhus ? Ça ressemble tout à fait à une défaite. Il est clair que les attentes de l’AKP ont été déçues.»

Réformes 

Recep Tayyip Erdogan est désormais confronté à une série de défis. Une économie en crise, de multiples tensions en Syrie et au Moyen Orient, sans compter les frictions avec les Etats-Unis ou encore l’Union européenne. Ne manquait qu’un électorat qui manifeste une certaine défiance. Lors de son discours au siège de l’AKP à Ankara dans la nuit de dimanche à lundi, le Président a refusé de s’avouer vaincu. Il a promis des réformes économiques et assuré que son parti ferait le bilan des raisons qui l’ont amené à perdre certains endroits.

Quant à savoir si le mandat de Ekrem Imamoglu s’annonce calme, la réponse ne fait guère de doute. Le porte-parole du CHP, Faik Öztrak, a déjà constaté que des «véhicules appartenant à la municipalité métropolitaine d’Istanbul ont été alloués aux arrondissements gagnés par l’AKP». Ce dernier contrôle la majorité des districts de la métropole et le gouvernement central pourrait être tenté de tarir le robinet des financements étatiques.