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On a suivi le "grand procès d’Emmanuel Macron", organisé par "Là-bas si j’y suis"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Mercredi 7 mai à la Bourse du travail, à Paris, a eu lieu le "grand procès d'Emmanuel Macron". Organisée par "Là-bas si j'y suis", cette audience parodique entendait dénoncer la politique du chef de l'Etat.
L’affiche montre un homme de dos, couronne sur la tête, avec, au-dessus de lui, un pavé tombant à toute vitesse du ciel. Mercredi 7 mai, à la Bourse du Travail, à Paris, était organisé par le site et l'émission Là-bas si j’y suis le “grand procès d’Emmanuel Macron”. Après Nicolas Sarkozy, Bernard-Henri Lévy ou encore Dominique Strauss-Kahn, c’est la sixième audience de ce type du “tribunal de Là-bas”, initiative lancée par le dessinateur Cabu, en 2003, à l’époque où le célèbre programme “plus près des jetables que des notables” était toujours diffusé sur France inter.
La date choisie n’est pas anodine : elle marquait jour pour jour le début du mandat du chef de l’Etat, il y a deux ans. Bon, autant dire qu’avec pour juge le journaliste et producteur de l’émission Daniel Mermet, pour procureur l’économiste et philosophe Frédéric Lordon ou pour témoins le député LFI François Ruffin, l’historienne Mathilde Larrère ou encore la porte-parole d’Attac Aurélie Trouvé - personnalités peu connues pour être start-up-nation-compatibles - l’issue de ce procès public et parodique semblait courue d’avance. Ce fut le cas : c’est la “destitution” d’Emmanuel Macron qui a largement gagné à “l’applaudimètre” dans une Bourse du travail pleine à craquer et au public très enthousiaste.
“Il a créé un mouvement qui s’appelle En Marche ! qui nous empêche de marcher”
C’est vers 18h30 que Daniel Mermet et Frédéric Lordon arrivent dans la salle, tenues afférentes de magistrats - la casquette en plus pour le proc. Le premier énonce tous les chefs d’accusation visant selon eux Emmanuel Macron : “bidonnage intellectuel”,“enfumage en bande organisée”, “gazage de manière hebdomadaire de la classe populaire”, “mener la guerre contre une majorité de Français, majorité qui ne l’a pas élu” (liste non exhaustive).
Le président arrive d’ailleurs enfin à son propre procès - ou plutôt un portrait de lui, décroché dans une mairie parisienne par des membres d’Action Non-Violente-COP 21 afin de mettre en exergue l’inaction de l’Etat sur le climat. Marion Esnault, militante du mouvement et d’Alternatiba, prendra d’ailleurs la parole pour expliquer que “39 portraits ont été décrochés en France”, que “43 personnes ont été placées en garde à vue” dans ce cadre, et que 22 activistes, dont elle-même, sont en procès pour “vols en réunion”. Le bureau de la lutte anti-terroriste aurait également été saisi, comme l'écrit ANV-COP21 sur son site.
Les témoins s’enchaînent. Prennent la parole l’ex-membre du Parti socialiste Gérard Filoche - “Macron s’est appelé lui-même Jupiter, je crois que c’est plutôt Lucifer” -, une membre de “Femmes gilets jaunes Île-de-France”, qui dénonce le fait que le président “a créé un mouvement qui s’appelle En Marche ! et qui nous empêche de marcher” ou encore le fait que “les gilets jaunes se font fracasser en manif”.
Quelques chiffres sont d’ailleurs rappelés : 220 enquêtes en cours confiées à l’IGPN, un décès - celui de Zineb Redouane, une octogénaire touchée par un tir de grenade lacrymogène à Marseille alors qu’elle était à sa fenêtre -, 23 personnes éborgnées (24 depuis le 7 mai selon le décompte du journaliste indépendant David Dufresne, qui a signalé 783 cas de violences policières à la Place Beauvau depuis le début du mouvement des gilets jaunes), 5 mains arrachées… Arié Alimi, avocat de plusieurs Gilets jaunes appelé à témoigner, estime-lui que ces chiffres seraient de toute façon sous-estimés, et évoque les nombreuses condamnations de membres du mouvement. Et ce, tandis qu’aucune enquête contre les forces de l’ordre accusées de violences policières n’a pour l’instant débouché sur des poursuites.
La question de la banalisation des violences policières
A ses côtés, le journaliste de Là-bas si j’y suis Taha Bouhafs, dont les images d’Alexandre Benalla en train de molester un couple de manifestants, place de la Contrescarpe, le 1er mai 2018, avaient servi de point de départ à l’affaire du même nom révélée par le Monde. “Il a fallu qu’il soit reconnu pour que cela devienne une affaire, ce qui est symptomatique de la banalisation des violences policières”, dit-il. Dans la salle Ambroise Croizat de la Bourse du travail, les personnes présentes entonnent alors : “Tout le monde déteste la police”.
Les interventions continuent, avec l’ex-porte parole de Jean-Luc Mélenchon Raquel Garrido, l’historienne Mathilde Larrère - “Emmanuel Macron dit que la révolution est dépassée, mais c’est lui qui est dépassé” - ou encore l’humoriste Didier Porte et l’avocat de Julian Assange et auteur de Crépuscule Juan Branco. François Ruffin prend également la parole, jouant le rôle d’un Bernard Arnault proposant une nouvelle devise pour la République : “Efficacité, Rentabilité, Productivité.” Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, elle, assure qu’elle ne fera pas dans l’humour ce soir : “On est en colère.” Et fustige la “théorie du ruissellement, vieille recette utilisée par les conseillers de Reagan et Thatcher”, la suppression de l’ISF mais aussi “l’énorme baisse des dépenses publiques et particulièrement de l’Etat social”. Roseline, une factrice des Hauts-de-Seine en grève depuis 407 jours, monte aussi à l’estrade sous les hourras.
Aurélie Trouvé, porte-parole d'Attac. Crédit : AQ
“A un moment ou à un autre, il faudra juger ces gens-là pour de bon”
Vient le temps du sévère réquisitoire de Frédéric Lordon, qui, d’un coup, prend un ton moins léger que tout au long de l’audience : “Tous les événements que nous vivons ces derniers temps sont sérieux et ne prêtent pas tous à la rigolade (...) Nul ne peut exclure que notre affaire à nous se transforme en procès réel du procès parodique.” Estimant qu’“à un moment ou à un autre, il faudra juger ces gens-là, les juger pour de bon”, il s’adresse à la “défense” de Macron : “Votre client est le visage de notre temps, et, je dois vous le dire, notre temps a une sale gueule.”
L’occasion d’évoquer “une époque moralement vide”, “irresponsable au niveau de la planète”, sans compter “la liste des violences policières et judiciaires inouïes commises sous [son] règne” ou le fait que Macron serait “le tenant d’un néolibéralisme dont les gens qui ont voté pour [lui] à contrecœur ne veulent plus”. Et d’ajouter, avant de requérir la “destitution” du Président (+ son exil au Luxembourg) : “Vous détruisez nos libertés, nos droits fondamentaux, notre tissu social, la planète, notre langue, nos corps.” L’applaudimètre constaté par “l’impartial” juge Mermet lui donne raison. Ce dernier dédie finalement la soirée aux équipes de l’émission de France Inter Comme un bruit qui court - dont les trois producteurs sont issus de Là-bas… -, laquelle devrait probablement disparaître de l’antenne à la rentrée.