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Une femme de Gaza raconte un week-end de peur
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.lautrequotidien.fr/articles/2019/5/7/une-femme-de-gaza-raconte-un-week-end-de-peur
Notre maison n'arrête pas de vaciller. J'entends des explosions constantes. Mon cœur bat la chamade
Alors que j’étais au lit pour suivre l'actualité de Gaza sur les médias sociaux, le haut-parleur de la mosquée près de ma maison familiale a crié des mots et des expressions, dont le mot "Qamar", lune. Au début, je pensais qu'ils annonçaient l'apparition du croissant de lune du Ramadan et le début du jeûne lundi. Soudain, mon frère est entré en courant en criant aussi fort qu'il le pouvait : « Ouvrez les fenêtres, ouvrez les fenêtres ». Mon deuxième frère a appelé les voisins pour qu'ils ouvrent leurs fenêtres et leurs portes : « Ils vont bombarder Burj al-Qamar ».
Burj al-Qamar, la Tour de la Lune, se trouve à 120 mètres au sud-est de notre maison, près du jardin de Barcelone, dans un quartier appelé Tal al-Hawa, au sud de la ville de Gaza. Des dizaines de personnes, dont des bébés, des femmes et des personnes âgées, vivent dans l'immeuble de 10 étages.
J'ai sauté du lit et je suis allée voir mon père dans sa chambre. Je savais dans mon cœur que rien ne pouvait nous protéger de la mort descendant du ciel.
Mon père a fait ce qu’il a pu pour nous rassurer, moi, mes frères et ma mère, en essayant de repousser le monstre de la terreur et de nous faire sentir en sécurité. En mon for intérieur, je me demandais d'où pourrait venir la sécurité quand des dizaines de drones, que nous appelons "zenana" [bourdons], des hélicoptères et des jets F-16 volent dans le ciel de Gaza jour et nuit, comme des corbeaux en quête de destruction.
Des dizaines de personnes du quartier se sont rassemblées à Burj al-Qamar. Un officier des forces d'occupation israéliennes a appelé un résident pour lui dire d'évacuer dans les deux minutes. Pendant ce temps, le zenana a tiré des coups de semonce, l'un après l'autre.
Un homme du service civil de secours et d'urgence est intervenu, a pris le téléphone portable et a demandé plus de temps à l'officier d'occupation, car la tour n'a pas d'ascenseur et il y a des bébés et des personnes âgées dont l'évacuation allait prendre du temps.
L'officier des FOI a demandé : « C'est toi, à côté du scooter ?" » Il a répondu oui, que c'était lui. L'officier a répondu : « Restez où vous êtes et criez. Demandez-leur d'évacuer rapidement ». Il lui a demandé de dire aux gens rassemblés de se disperser, de peur qu’une roquette atterrisse au milieu d’ eux.
Pendant qu'ils parlaient, le zenana a tiré une roquette à côté de l'immeuble, pour que les gens s'éloignent. Un homme a pleuré à propos de ses chats, qu'il n'avait pas eu la chance d'emmener avec lui avant de s'enfuir de son appartement.
Environ 40 minutes se sont écoulées entre le premier coup de semonce du zenana et le rugissement des moteurs des F-16. Et puis, une explosion tonitruante. Mon voisin et moi nous sommes cachés sous une couverture. Nous avons senti le bâtiment trembler. J'ai entendu le bruit des briques qui tombaient partout. De la fenêtre de ma chambre, j'ai vu des dizaines de jeunes et d'enfants courir, crier et pleurer.
Avant que j'aie pu me calmer, j'ai appris qu'un avion de chasse israélien avait bombardé un bâtiment dans le quartier de Cheikh Zayed, au nord du camp de réfugiés de Jabaliya, au nord de la bande de Gaza. Quatre Palestiniens sont morts, dont un bébé de quatre mois et un garçon de 12 ans. Avant eux, cinq sont morts à Beit Lahia. Ces morts portent le nombre de martyrs depuis vendredi à 25.
Notre maison n'arrête pas de vaciller. J'entends des explosions constantes. Mon cœur bat la chamade. Je continue de poser la même question : Combien de temps devons-nous vivre dans l'ombre de l'enfer de l'occupation ? Quand la tuerie cessera-t-elle ? Quand la destruction cessera-t-elle ? Quand vivrons-nous en liberté ? Quand donc la mort cessera-t-elle de tomber du ciel ?
Rima Fathi ريما فتحي
Traduit par Fausto Giudice