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Obama : commanditaire d'assassinats extrajudiciaires

Lien publiée le 3 novembre 2012

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.wsws.org/fr/articles/2012/nov2012/kill-n02.shtml

Les médias et l’establishment politique ont répondu par un silence presque total suite à la révélation par le Washington Post la semaine dernière que l’administration Obama a transformé les assassinats extrajudiciaires en pratique permanente du gouvernement américain.

Ce qui devrait être un motif immédiat pour lancer une procédure de destitution du président a été accueilli avec indifférence, et plus particulièrement par les partisans libéraux et de « gauche » travaillant à la réélection d’Obama. Si l’article initial du Washington Post a en quelque sorte le caractère d’un procès-ballon, pour voir dans quelle mesure la révélation de telles mesures susciterait une opposition officielle, les résultats sont concluants : il n’y a pas le moindre engagement significatif pour la défense des droits démocratiques dans les médias et l’establishment politique.

Les révélations du Washington Post sont pour le moins extraordinaires. Les « assassinats ciblés », un euphémisme pour une campagne de meurtres, « sont maintenant rendus tellement courants que l’administration Obama a passé une grande partie de l’année écoulée à codifier et rationaliser le processus pour soutenir cette pratique ». L’administration a transformé des « éléments ad hoc en une infrastructure de contre-terrorisme capable de soutenir une guerre permanente ».

Les listes d’assassinat « considérées comme des mesures d’urgence extrême au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 font désormais partie des méthodes de l’appareil de sécurité nationale. » Parallèlement, il s’agit d’« une politique tellement secrète qu’il est impossible de juger de l’extérieur si elle est conforme aux lois de la guerre ou aux valeurs des États-Unis, ou même encore de déterminer le nombre total de personnes tuées ».

Autrement dit, l’administration a systématisé un processus par lequel le pouvoir exécutif, sans supervision judiciaire, tue régulièrement des gens – y compris des citoyens américains – partout dans le monde. Partant d’un « état d’exception », l’administration a transformé ces pouvoirs, sans aucune discussion publique, en état permanent.

Le langage utilisé par les responsables gouvernementaux pour justifier de telles mesures est effrayant. La liste des objectifs potentiels a été qualifiée de « matrice de disposition ». Un responsable de l’ancienne administration a noté qu’elle faisait face à un « problème de disposition », à savoir que le gouvernement devait relever le défi de l’élimination de ses objectifs. Soucieuse d’éviter toute procédure légale potentiellement dérangeante, que ce soit devant les tribunaux civils ou devant des tribunaux militaires, l’administration Obama a graduellement choisi de tout simplement tuer des gens.

Écrivant dans le Council of Foreign Relations, Micah Zenko cite un responsable militaire impliqué dans le programme d’assassinats ciblés : « Pour signifier à quel point les meurtres ciblés perpétrés par les forces d’opérations spéciales ou des drones sont devenus faciles, le fonctionnaire agita sa main d’avant en arrière à plusieurs reprises, en expliquant : « C’est vraiment comme tuer des mouches. Une chose que l’on peut faire facilement et sans arrêt, sans jamais ne rien ressentir. Sérieusement, combien de fois avez-vous pensé avant de tuer une mouche? »

Utilisant une analogie différente, Bruce Riedel, ancien analyste de la CIA et conseiller d’Obama, a déclaré au Post, « Le problème avec les drones, c’est que c’est comme votre tondeuse à gazon. Vous devez tondre la pelouse tout le temps. La minute où vous arrêtez de tondre, l’herbe repousse. »

Des milliers de personnes ont été massacrées de cette façon, y compris de nombreux civils parfaitement innocents. Parmi les personnes assassinées par le gouvernement américain, il y a le citoyen américain Anwar al-Awlaki, accusé de propager des idées fondamentalistes islamiques. Obama a déclaré qu’ordonner l’assassinat d’al-Awlaki avait été « une tâche facile ». Robert Gibbs, un haut conseiller d’Obama, a déclaré en relation avec le meurtre du fils de 16 ans d’al-Awlaki, également citoyen américain, et qui n’était accusé de rien, qu’« il aurait dû avoir un père plus responsable ».

Il est impossible de parler d’« érosion » de la démocratie américaine plus longtemps. La situation est beaucoup plus avancée. Un tel langage reflète un establishment politique dont les conceptions démocratiques les plus élémentaires lui sont tout à fait étrangères. C’est un langage digne d’un État policier. Les conséquences vont bien au-delà de l’utilisation de drones. En cherchant à justifier son programme d’homicides d’État, l’administration Obama a dans les faits effacé la base juridique de toutes les contraintes sur le pouvoir exécutif. Le concept de base d’une procédure régulière est inscrit dans le cinquième amendement de la Constitution, qui stipule que « nul ne peut… être privé de la vie, de la liberté ou de ses biens sans procès équitable ». La notion de procès équitable trouve ses racines dans les origines mêmes de la monarchie constitutionnelle et les limitations du pouvoir arbitraire en Grande-Bretagne – la Magna Carta. En bref, une personne ne peut être privée de ses droits, y compris de son droit à la vie, sans un processus légal et judiciaire. Mais selon l’administration Obama, cette exigence d’une procédure régulière peut être satisfaite par les délibérations internes du pouvoir exécutif – c’est-à-dire par le président et ses conseillers les plus proches.

Et si le président peut tuer n’importe qui, y compris des citoyens américains, sans contrôle judiciaire, quel pouvoir n’a-t-il pas? Toute distinction, même la plus formelle, entre démocratie et dictature présidentielle, est balayée. De telles mesures seront éventuellement aussi utilisées aux États-Unis. Le gouvernement américain a créé un vaste appareil d’espionnage, plus particulièrement depuis les attentats du 11 septembre, et qui est actuellement supervisé par le National Counterterrorism Center (NCTC) – la même organisation qui est au cœur même du programme d’assassinats.

En mars, le département de la Justice a revu ses lignes directrices pour permettre au NCTC de recueillir et d’« évaluer en permanence » des renseignements sur des citoyens américains pendant un maximum de cinq ans, période autrefois de 180 jours sous l’administration Bush. En juillet, l’American Civil Liberties Union a fait remarquer que ces changements équivalaient à « un redémarrage du programme Total Information Awareness » que Bush avait été contraint d’abandonner officiellement en 2003, après une intense opposition du public, même si celui-ci s’est poursuivi sous différentes formes par la suite.

La crise terminale de la démocratie américaine est profondément enracinée dans la structure du capitalisme américain, et en particulier la très forte croissance des inégalités sociales. Au cours des dernières décennies, une aristocratie financière minuscule a monopolisé des ressources énormes sur la base de la spéculation et d’opérations de plus en plus criminelles. Après avoir créé la crise économique et financière qui a éclaté en 2008, cette même couche sociale est maintenant déterminée à poursuivre des politiques impopulaires tant au pays qu’à l’étranger.

Dans ce contexte, il est intéressant de noter un article de l’éminent commentateur politique George Will, paru dans le Washington Post plus tôt ce mois-ci. Sous le titre « Seeds of Our Dysfunction » (Les germes de notre dysfonctionnement), Will se plaint que « le dysfonctionnement politique-public prévaut aux États-Unis non pas parce que la démocratie ne fonctionne pas, mais bien parce qu’elle fonctionne ». Les gens ne sont pas assez « raisonnables », se plaint-il, en particulier parce qu’ils ne reconnaissent pas la nécessité de procéder à des coupes massives dans les programmes sociaux. « Les gens hésitent à faire face aux problèmes difficiles tant qu’ils n’y sont pas contraints par le fouet de la nécessité. »

Will ne fait qu’exprimer tout simplement des conceptions plus largement partagées parmi la classe dirigeante. Le système politique, même sous sa forme antidémocratique actuelle, est toujours considéré comme une entrave à la mise en œuvre de politiques que la classe dirigeante juge « nécessaires ».

En fait, les deux partis politiques sont tout aussi unis dans leur engagement à mener un vaste assaut contre la classe ouvrière, qu’ils le sont pour soutenir la politique d’assassinats extrajudiciaires à l’étranger. Au lendemain des élections, que ce soit Obama ou Romney qui gagne, la classe dirigeante envisage de prendre des mesures immédiates pour réduire les programmes sociaux dont dépendent des millions de personnes.

Un état de guerre, de réaction sociale et de répudiation de la légalité sans fin – tel est le programme de la classe dirigeante américaine. La démocratie est incompatible avec la poursuite de la domination de l’aristocratie financière, de même que l’existence du capitalisme, le système social sur laquelle celle-ci repose.

La tâche de défendre et d’élargir la démocratie revient, par conséquent, à la classe ouvrière. Elle y parviendra par sa mobilisation politique indépendante dans la lutte pour le socialisme.