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«La France insoumise et le RN s’adressent aux mêmes électeurs» : le constat d’un militant LFI
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
A Denain, commune sinistrée du bassin minier du Nord, l’enracinement du Rassemblement national au détriment des partis de gauche paraît inexorable.
C’est le coup de feu, ce jeudi matin de début juin, au Lutecia, le bar-tabac de la rue principale de Denain, l’un des seuls à ne pas avoir tiré le rideau dans cette commune sinistrée du bassin minier du Nord. Le propriétaire, qui vend à tour de bras grilles du Loto et tickets à gratter, n’est pas étonné. « C’est la semaine de la CAF (NDLR, Caisse d’allocations familiales), explique-t-il. Les affaires, ici, ça marche entre le 5 du mois, quand les familles reçoivent les aides sociales, et le 9, quand elles n’ont plus rien. » Et d’ajouter dans un sourire triste : « C’est pour ça que le département, c’est le 59. »
Dans cette ville tour à tour socialiste ou communiste depuis… 1896, toujours sous le choc de la fermeture, voilà plus de trente ans, d’Usinor, premier employeur et poumon économique de la région, on vit l’histoire politique nationale, en concentré et en accéléré. Avec une vague de fond qui paraît inexorable : l’enracinement du Rassemblement national (RN) au détriment des partis de gauche. Et notamment de la France insoumise (LFI). Lors des européennes, le RN a remporté plus de 44 % des voix alors que LFI, deuxième à l’arrivée, n’en a recueilli que 10,2 %. Lors des cantonales de 2015, le Front de gauche (« ancêtre » de la France insoumise) avait réuni plus de 51,4 % des suffrages, le FN, 48,6 %.
« Avec le RN, on se sentirait plus en sécurité »
Le jeudi, c’est jour de marché à Denain. Isabelle*, 47 ans, est mère au foyer de trois enfants. « J’ai voté Jean-Luc Mélenchon en 2012 et Marine Le Pen en 2017, et dès le premier tour. Mon mari était ouvrier mais il est au chômage depuis sept ans. Mélenchon, il parle beaucoup mais il ne fait rien pour nous. On ne le voit pas ici, tandis que Marine, elle s’est déplacée plusieurs fois. »
Saïd, 68 ans, technicien, petit-fils d’Algériens, et Christiane, 65ans, polyvalente à l’hôpital, et petite-fille d’immigrés polonais, sont retraités et électeurs d’abord du Front de gauche, puis de Mélenchon en 2017. Aujourd’hui, ils avouent être tentés par Marine Le Pen. « On a dû quitter Denain pour une banlieue plus sûre, témoigne le couple. Avec le RN, on se sentirait plus en sécurité et pour battre Macron, c’est mieux que la France Insoumise. »
Said et Christiane votent LFI mais avouent être tentés par le RN.LP/Aurélie Ladet
Autre raison à ce divorce d’avec la gauche, pour Saïd et Christiane : les « assistés ». « Anne-Lise Dufour-Tonini (NDLR, la maire socialiste) n’a rien fait pour nous alors qu’on lui a déposé une demande de logement depuis longtemps. En revanche, elle fait beaucoup pour ceux qui touchent des aides sans travailler et elle est à trop à l’écoute des Roms. » Les Roms, un millier environ sur les 20 500 habitants de Denain, sont arrivés en 2014, pour la plupart de Roumanie. Ils sont ferrailleurs ou vendeurs de kebabs et crispent une partie de la population. « Ils viennent de s’installer et ils ont tout. Nous, on est nés à Denain et on n’a rien », s’énerve encore Isabelle.
« C’est surtout la faute à Mélenchon »
Pour le patron du Lutecia, l’équation est simple : « Les habitants s’abstiennent ou votent pour ceux qu’ils n’ont pas encore essayés. Alors c’est de plus en plus le RN. » Pour Christian, 46 ans, salarié dans une PME de bois de chauffage, « c’est surtout la faute à Mélenchon. Il aurait dû tendre la main à la gauche. Le PCF il y a quelques années, était présent dans la région, la France Insoumise toujours pas… »
« J’ai voté Mélenchon à la présidentielle parce que je voyais bien que le PS avec tous ses problèmes de chefs, ça ne pouvait pas être une solution ! s’exclame Younès, un forain de 33 ans. Mais j’en ai voulu après à Mélenchon car il n’a pas appelé à voter Macron entre les deux tours. Alors il ne doit pas s’étonner que certains de ses électeurs votent au final pour Le Pen. »
Les responsables locaux de LFI, eux, s’interrogent. « Le passage des électeurs de gauche vers le Front national, on le constate depuis les régionales de 2015 », témoigne, inquiète, Françoise, suppléante du candidat LFI aux législatives qui a dû s’incliner face à Sébastien Chenu, un ancien de l’UMP, élu sous l’étiquette FN. « La frontière entre nous et le RN paraît très mince, analyse Pierrick, 21 ans, étudiant et militant Insoumis. On s’adresse aux mêmes électeurs. Pourtant, quand on compare les programmes, eux sont contre la hausse du smic, pas nous… »
Le centre-ville de Denain.LP/Aurélie Ladet
Pour Shéhérazade, 45 ans, une ex-communiste passée à LFI en 2017, « il faut savoir balayer devant sa porte ». Mais, ajoute la demandeuse d’emploi, en reconversion professionnelle : « On est un nouveau parti. Et des événements comme les perquisitions et la réaction impulsive de Jean-Luc ne nous ont pas aidés. Ici, l’électorat est très volatil. Aujourd’hui, notre principal concurrent, c’est le RN. Il a une force de mobilisation plus importante que la nôtre et qui s’appuie à Denain sur la présence d’un député. Je peux vous assurer qu’ils ont déjà commencé leur campagne des municipales. »
« Le RN, on le voit sur le terrain »
À la permanence de Sébastien Chenu, dans une ancienne mercerie de la rue principale, Marie-Paule, elle, a sauté le pas. « J’ai voté Mélenchon au premier tour de la présidentielle et je me suis abstenue au second. J’ai tout de suite senti que Macron pensait comme un banquier et ne serait pas à notre écoute. C’est pendant la campagne des législatives, après avoir rencontré Sébastien Chenu, l’avoir vu sur le terrain et écouté les solutions qu’il proposait à nos problèmes quotidiens que j’ai pris ma carte au RN », explique cette aide-soignante de 59 ans, salariée dans un Ehpad et membre de la CGT après en avoir été déléguée syndicale. « C’est la crise financière des années 2008-2009, puis les attentats terroristes qui m’ont changée », raconte cette mère de famille, qui ne veut pas se faire prendre en photo pour « ne pas gêner » ses filles et ne pas envenimer ses relations avec la CGT, devenues très tendues depuis son adhésion au RN. « Beaucoup de gens autour de moi, qui étaient pour le PC, le PS ou la France Insoumise, votent aujourd’hui RN mais n’osent pas le dire », confie Marie-Paule. Et d’expliquer sa conversion : « Le RN, on le voit sur le terrain, la gauche, c’est seulement pendant les élections. »
Réunions de quartiers, participation au carnaval, au Téléthon, au Son et Lumière de la fin de l’été, aux opérations du don du sang, aides aux jeunes sortis de prison, accueil aux réfugiés dans la ville proche de Somain… À la permanence, on met en relation les voisins pour aider une vieille dame à tondre son gazon ou à ramasser les déchets verts… On aide une jeune de Denain à partir étudier au Canada, on conseille des commerçants dans leurs démarches administratives… « Le RN, ici, c’est le service après vente de la mairie, du département, de la région », sourit Julien, 28 ans, collaborateur parlementaire de Sébastien Chenu. « Le social, c’est notre priorité, se réjouit la cégétiste Marie-Paule. Les socialistes vendent du rêve. Tandis que les anciens ouvriers d’Usinor, eux, savent concrètement ce que c’est que la mondialisation sauvage et pourquoi nous voulons la combattre. »
« Si le RN redevenait raciste, je le quitterais »
Les discours anti-immigrés ou anti-musulmans de certains membres du RN n’ont-ils pas dissuadé cette habitante de Denain d’adhérer aux thèses frontistes ? Denain, avec ses deux mosquées à minaret, ses deux églises, dont l’une, « l’Église des ouvriers », construite au XIXe siècle par Usinor est désormais hors service… « J’ai élevé mes enfants dans le respect des couleurs, insiste Marie-Paule. Mon gendre est d’origine marocaine. J’ai une nièce convertie à l’islam après son mariage avec un musulman. Oui, je suis pour des contrôles aux frontières. Mais je suis aussi pour une meilleure intégration, une fois que les immigrés sont en France. »
Quant aux propos racistes ou antisémites pour lesquels certains cadres du RN se sont fait condamner ? « Si c’était Jean-Marie Le Pen le président du parti, je n’y serais pas allée, insiste Marie-Paule. Si le RN redevenait raciste, je le quitterais. »
Chez les Insoumis, on veut y croire encore. « Le RN a des moyens que nous n’avons pas, témoigne Shéhérazade. On nous fournit des tracts et des affiches, mais on n’a pas de local où accueillir les gens. On doit faire du tractage, du porte à porte. » Quant à se rapprocher des autres partis de gauche qui, comme le PS, conservent des élus et une logistique ? « C’est compliqué car l’heure est au dégagisme, explique Pierrick. En plus, le PS et le PCF ne veulent pas de nous. Ils considèrent que le Nord, c’est leur région, et nous, des intrus. »
Comment rebondir, alors ? « Il va falloir travailler », insiste Shéhérazade. Et changer de méthodes, aussi. « Nous devons militer autrement, estime Johann, étudiant et militant à la France Insoumise. On a beaucoup misé sur les réseaux sociaux, mais il faut aussi privilégier les contacts physiques, faire plus de café débats… » Et changer de ligne, notamment sur l’immigration, un sujet sensible pour l’électorat populaire du Nord ? « Nous devons encore expliquer aux électeurs en quoi les migrants ne sont pas un danger, martèle Shéhérazade. Il n’est pas question pour moi de sacrifier à une quelconque démagogie. Ce ne sont pas les européennes qui vont nous arrêter. On est prêt à repartir de l’avant. »
* Le prénom a été modifié