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Occupation bourgeoise
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« Y’a pas de mal. Y’a que des iPads.
L’argent nous a rendu étranges. »
1.
Quand tu sais pas alors t’inventes. Je sais jamais pourquoi ceci, pourquoi cela : alors j’invente.
Ça va trop vite. Je manque de temps. Quand on a l’habitude d’être seul, chaque dialogue est un oral qu’on n’a pas le temps de préparer. Je pense souvent aux marseillais, aux campagnards et aux prolos qui ont la parole très facile, très simple et fluide, comme de l’eau de roche elle coule sans discontinuer ; eux ils n’ont pas de mal à parler. J’arrive devant le grand hangar, je vois Thomas de très très loin, il est pieds nus sur le béton. Baya file droit sur son vélo en plein sur moi, on est super contents d’se voir. Je l’accompagne dans la maison qu’ils squattent juste à côté d’ici. Le soleil brille en milieu de ciel on est sur la frange Romainville, celle qui borde Les Lilas. J’ai un peu chaud j’ai mon ordi parce que j’suis venue pour bidouiller des vidéo pendant que Baya fera de la musique. Ils cherchent à réunir des thunes, des corps et des amitiés, pour qu’éventuellement ça dure. Il me fait visiter la maison. Il y en a deux, et un jardin, avec des poules et des zadistes. J’adore l’endroit. Tu dois être très heureux ici. Le beau jardin . Oui c’est pour ça que je t’ai proposé de venir, tu adorerais toi, vivre ici. On croise Clément, et Loumila et Vertigo, Soufiane, Victoire. On a fini de visiter, Souf. nous donne un verre de jus de fruit qu’il vient d’presser. On me présente ce qui bientôt sera une marre, et qu’on appelle future piscine, coupons la poire : ça sera baignoire. T’aurais du venir vivre ici. On ne pourrait pas trop être heureux si on vivait au même endroit. B. dit peut-être. Loula c’est ta nouvelle copine. Il me dit non on fait l’amour mais je sais pas j’en ai plusieurs. D’ailleurs tu sais toi aussi j’t’aime. J’rigole parce qu’il parle comme un enfant. Tellement direct, aucun vernis. S’il existait on lui donnerait le bon Dieu tout de suite. Je lui dis d’arrêter ses conneries.
On retourne au squat. C’est super beau, Victor a peint en très grandes lettres « La Normandie ». C’est plus propre que la dernière fois. Hangar poète, espace immense, aucune cloison, grandes mezzanines et cette maison si étrangement encastrée au centre de ce grand ventre d’espace. Je croise Margot, petit menu de 32 kg, elle a de belles grandes cernes rougeâtres autour de ses petits yeux de feutre. Elle est très belle, semble fatiguée, lendemain de soirée. Il est 13h, elle dit qu’elle va chercher du Gin. J’ai acheté une bouteille de vin blanc à cinq euros chez un caviste des Lilas. Je voudrais la bouteille la moins chère s’il vous plaît.
J’entre en cuisine, comme elle est belle. Imane prépare plein de légumes. Je demande comment ça se passe avec la loi. On me dit qu’hier c’était l’procès, et qu’ils ont eu quatre mois de rab, renvoi octobre. Victor se penche et m’dit cette phrase. Je crois que c’est la première fois que j’te vois là, car l’autre fois t’étais en chemin, t’étais dehors. Il est très secrètement hostile, je m’y attendais.
Je m’assois avec les autres, prête mon tabac, on roule des clopes, je sors les fruits que j’ai apporté, je mange la poire, partage les pommes. Je parle un peu avec Camille du type qui tient l’espace que je loue. C’est un entrepreneur du squat, il fait payer des trucs gratuits. Victor est là, il nous écoute.
Pourquoi tu t’associes a eux plutôt que de venir avec nous ?
D’abord j’m’associe pas a eux. Et puis je prends c’qu’il y a à prendre
De toute façon j’peux pas bosser dans un endroit où y’a pas d’murs. (je dis ça parce que je suis pressée, car ça se fait pas de ne pas savoir). C’est vrai, pourquoi ?
La question danse et puis résonne.
J’en avais marre, je suis partie. Et puis vous rejoindre, je l’aurais jamais assumé. Parce que revenir
ça veut dire déjà être partie.
Arriver après la bataille, ne pas construire dès le début, ne pas penser, douter, se demander, organiser,
Ne pas réfléchir à pourquoi, comment, vers qui, en quoi, pour qui… Je ne sais pas ça m’aurait manqué.
J’avais plus de temps à donner. Je suis quelqu’un de trop passionnée. J’ai pas la force de me remettre
dans un process de longue haleine avec procès et tout l’bordel. Soulever des fonds, battre les consciences, souffler de l’air dans des petits yeux qui ne veulent qu’une chose c’est se droguer, pour oublier.
Je t’aime Victor, je le dis souvent.
Aucune de ces pensées n’est vraie. Sauf ce fait là : Ça n’s’est pas présenté ainsi.
Sommaire Journée : on m’a posé une question dure, et j’ai baragouiné quelque chose.
Mais qu’est ce que tu branles dans une fontaine à côté du Palais Royal plutôt que de t’engager ici ?
J’ai baragouiné quelque chose.
2.
Sans doute si j’avais eu le temps j’aurais peut-être plutôt dit ça : :
Je fais toujours tout par amour.
Quand on a squatté un Hôtel c’était par amour pour la fuite, par grande envie de foutre le camp. C’était pour sauver ma carcasse, sortir de mon trou, loger Julia.
La voie Montreuil c’était Suni. Il me fallait déménager, car j’avais peur pour mes machines, et pour mes livres et mes papiers. Fallait qu’j’déménage l’atelier. Je l’ai donc fait. Dans l’entre-temps on m’a proposé ce boulot, garder un vieux, dormir là-bas. Bingo OK. J’ai accepté, et j’suis partie. J’étais fatiguée du procès, crevée, post-stress. Et j’avais grand besoin de repos. Je suis partie. Certes un peu du jour au lendemain. J’ai essayé de bien terminer, de revenir une fois ou deux. Mais bien souvent je fais comme ça, soit je suis là, sois j’suis ailleurs, mais je ne suis pas là et ailleurs.
Pourquoi je n’vous ai pas suivi ? J’ai pas l’mental.
J’ai pas la force que vous avez, de vouloir être avec les autres. J’ai choisi la voie sans amour, la voie Molière, qui est quand même la voie Brieuc. Je fais de l’occupation bourgeoise, et je loue 15 € mensuel pour un petit mètre carré. Ça reste moins cher que partout ailleurs. Les gens qui infusent dans les normes diraient que c’est vraiment pas cher. Ça reste risible. C’est du profit.
Mon frère si j’en parlais tout haut, il me demanderait « mais où est le mal dans tout ça ? »
Je ne saurais par où commencer. J’suis fatiguée en y pensant, pourquoi c’est mal de se faire de l’argent sur le besoin de sécurité ? Je sais pas franchement, pourquoi c’est mal, ça veut rien dire. C’est quoi le mal ? C’est quoi l’argent ? C’est quoi un système de monnaie. Pour qu’on puisse bien parler ensemble faudrait remonter toutes les chaînes sémiotiques qui nous ont menés jusqu’à ces mots : paiement, devoir, asile.
Je ne sais pas. Oui c’est normal. D’accord, c’est bien.
Y’a pas de mal. Y’a que des iPads.
L’argent nous a rendu étranges.
Y’avait quelque chose d’irresponsable dans la vie qu’on menait à l’Hôtel. J’aimerais qu’la dessus on puisse au moins tomber d’accord. C’était l’esquisse d’une vie ensemble, c’était un collectif boiteux. C’était cloisonné vertical, et le pire c’est que c’est toutes ces sales raisons qui font que j’ai pu le supporter. J’ai pu à peu près le supporter parce que c’était cloisonné et vertical.
C’est peut-être là qu’j’ai pas l’mental, l’horizontal.
Moi j’ai besoin de séparation, que les gens me manquent.
Symptôme du syndrome néo-lib.
Je suis partie et la vie a continué. Et la question ne s’est pas posée. Personne ne m’a téléphoné. Et moi je suis pas revenue non plus. Oui j’ai opté pour une option (et elle sont rares) bourgeoise-bohème : 150 balles pour un studio avec moquette derrière la fontaine de Molière. J’habite au milieu du cratère, j’ai tout Paris pour témoigner d’une humeur vague et générale : ultra-néo-libéralisme. Vous me faites rire avec vos consciences. Seulement voilà, c’est peut-être aussi le libéralisme qui nous permet de pouvoir squatter des bâtiment, et d’y rester. Et de pouvoir y déverses les aptitudes adolescentes que ce même grand libéralisme nous a permis de développer : envie de bien être, de connexion, de liberté. Mon cul collant la liberté. Quand je suis allée à la cuisine faire des petits bisous à Margot, j’ai aussi salué Hugo. Pourquoi tu pars ? Je vais travailler. Capitaliste, Hugo m’a dit. J’ai rigolé, je lui ai dit que vu mon gagne pain j’faisais plutôt du socialisme. Et j’suis partie.
Critique pas trop le capitalisme, t’es en plein dedans, on lui donne à boire tous les jours.
Mélodie Nyx