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Quelques mots sur Trotski et le destin du trotskisme…
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://la-sociale.viabloga.com/news/quelques-mots-sur-trotski-et-le-destin-du-trotskisme
Il est assez curieux de voir comment ceux qui veulent nous attaquer réutilisent vite l’étiquette de « trotskiste ». Avoir été trotskiste reste pour beaucoup une faute inexpiable. On se demande bien pourquoi ce « traitement de faveur » réservé au trotskisme et aux anciens trotskistes. Comme les deux principaux animateurs de ce site ont longuement milité dans les rangs de partis trotskistes, il nous a semblé judicieux de revenir sur ces vieilles questions. Il y a trois questions distinctes que nous voudrions aborder succinctement ici :
1)L’action et le destin de Léon Trotski lui-même ;
2)L’histoire du mouvement trotskiste ;
3)Ce qui peut rester vivant du trotskisme, selon nous.
Tout d’abord le destin exceptionnel de Trotski, un homme que l’on essaie régulièrement de salir et que quelques misérables histrions comparent à Staline. Au fond Trotski aurait été aussi criminel que Staline. Des gens qui admirent les exploits militaires et célèbrent les « hommes à poigne », calomnient l’organisateur de l’Armée Rouge et le sauveur de la révolution d’Octobre. Il est le plus grand chef militaire juif depuis Josué ! C’est peut-être cela qu’on lui reproche… Trotski reste la figure du complot judéo-bolchevik et derrière les attaques contre lui on retrouve sans peine, dès qu’on gratte un peu, le vieil antisémitisme, d’autant plus virulent qu’il s’attaque indirectement à la première tentative de révolution communiste à l’échelle d’un pays vaste comme 20 fois la France. La haine de Trotski a aussi un deuxième « avantage » : elle permet de disculper Staline. Le fossoyeur de la révolution, le plus grand tueur de communistes de tous les temps, se trouve lavé par un « Trotski ne valait pas mieux » ou, si on fait remarquer l’inanité de ce jugement, un « il aurait fait la même chose s’il avait été au pouvoir ». Mais précisément il n’était pas au pouvoir ! et ce n’était pas par hasard ou par malchance. On peut juger qu’en certaines occasions Trotski a commis des erreurs, la pire ayant sans doute été de différer trop longtemps le combat contre la montée de Staline. Il fut aussi un « prophète désarmé » pour reprendre l’expression de Deutscher, elle-même empruntée à Machiavel parlant de Savonarole. L’organisateur de l’Armée Rouge avait le courage du lion, mais peut-être pas toujours la ruse du renard. Et surtout « pas d’armes à soi ».
Il reste qu’il fut l’un des premiers à comprendre la véritable nature du fascisme, l’un des premiers à comprendre le conflit central pour les décennies à venir entre l’Europe et l’Amérique, l’un des plus constants pourfendeurs des crimes de Staline au moment où la presse du patronat français ne cachait pas sa sympathie pour le procureur des procès de Moscou, Vychinski, qui faisait condamner à mort les compagnons de Lénine. Il fut aussi de ceux qui tentèrent d’analyser sans concession la véritable contre-révolution menée par la bureaucratie stalinienne.
En second lieu, quand on s’intéresse au mouvement trotskiste lui-même, il faut non seulement entrer dans les méandres de l’histoire, d’une histoire tragique où les morts sont nombreux, assassinés par les sbires de la bourgeoisie ou ceux de Staline. Léon Sedov, le fils de Trotski et l’organisateur du mouvement en France et en Europe est assassiné par des agents staliniens et certains dirigeants du PCF sont directement impliqués. Il y a aussi, ce qui arrive toujours dans des petits mouvements de ce genre, les divergences qui se transforment en scissions à répétition. Et puis il y a la méchanceté humaine, les petits tyrans de village, les apprentis bureaucrates, les arrivistes. Pas plus qu’ailleurs mais, hélas, pas beaucoup moins. Rappelons seulement un fait : dans les années 70, avant que la mode de l’antitotalitarisme n’ait commencé à sévir, les seuls à se préoccuper des dissidents soviétiques, tchécoslovaques ou polonais étaient trotskistes. À droite, on ne voulait pas froisser Brejnev et on respectait le partage du monde et « à gauche » on ne voulait pas « faire le jeu de la droite » et on était sommé de choisir son camp.
Un jour, nous reparlerons de toute cette histoire du trotskisme qui est un concentré de la crise et de la décomposition du mouvement ouvrier et, à ce titre, mérite tout autre chose que les quolibets et les injures de ceux qui n’ont pas d’autre argument.
Enfin, il faudrait faire l’inventaire du trotskisme, déterminer ce qui peut encore nous animer et ce qui est à laisser comme révolu, inexorablement. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler sur ce site, la théorie de la révolution permanente appliquée aux pays capitalistes à développement retardataire a été largement invalidée bien que le schéma théorique du développement inégal et combiné du mode de production capitaliste soit plutôt fertile. La doctrine léniniste du parti d’avant-garde a encore moins bien résisté à l’épreuve du temps. Et sans doute l’analyse de l’URSS comme « État ouvrier dégénéré » aurait à tout le moins mérité d’être révisée après la guerre, si les trotskistes avaient suivi les indications de Trotski.
Sous bien des rapports, le trotskisme n’existe plus, ou seulement à l’état résiduel. Les principaux groupes trotskistes ont abandonné le trotskisme (c’est le cas du NPA) ou se sont résigné à ne plus apparaître drapeau déployé se réfugiant dans des partis non trotskistes comme le POI. Il reste des militants trotskistes dont on peut apprécier diversement l’action. En quel sens pouvons-nous encore nous dire trotskistes ? Au sens de la fidélité à une certaine histoire, de la fidélité aux immenses espoirs nés de la révolution d’Octobre et des mouvements révolutionnaires qui ont marqué le XXe siècle. Au sens aussi, du refus du stalinisme sous toutes ses formes, de la défense de la libre discussion des appréciations et des orientations politiques. Un état d’esprit donc, plus qu’une doctrine et encore moins un dogme à répéter et à suivre en toutes circonstances. Un état d’esprit qui représente l’essentiel.
Le 6 juillet 2019