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Classe parasitaire, classe meurtrière
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://mouvement17novembre.fr/classe-parasitaire-classe-meurtriere/
Classes laborieuse, classes dangereuses est le titre d’un ouvrage publié par l’historien et démographe français Louis Chevalier en 1958. L’intitulé, pourtant, semble être un mantra adopté par la bourgeoisie et ses serviteurs dès les lendemains de 1789. On pouvait déjà le voir à l’œuvre au XIXe, siècle de l’encadrement et de la surveillance policière de la classe ouvrière naissante dont on se méfiait autant qu’on l’exploitait. Un siècle et demi plus tard, la méfiance, pour ne pas dire l’aversion des « élites » envers le peuple n’a pas décrue mais au contraire, vire à l’hystérie en ces temps de bouillonnement social. Retour en arrière.
Le 23 juillet, dans une Assemblée nationale extraordinairement remplie – projecteurs médiatiques obligent -, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA) est adopté par 265 voix pour – dont 261 pour les seuls LREM et le Modem. Les 211 voix contre n’auront pas suffi à s’opposer à l’hydre néolibéral dont Emmanuel Macron figure la tête.
Ce traité, dramatique en tous points, est le rejeton du TAFTA qui prévoyait la constitution d’une grande zone de libre-échange étendue aux Etats-Unis mais que Trump avait eu la bonne idée de rejeter par soucis protectionniste – et crainte face à l’industrie allemande. Un pas en arrière pour la destruction accélérée de notre société, deux en avant pour l’Union européenne. Les Etats-Unis de perdus, le Canada pouvait encore être emporté. Il n’en fallut pas plus pour les techniciens européens du Capital, en charge de le faire fructifier, pour remettre le CETA sur le tapis de la fausse démocratie parlementaire.
« Vote démocratique ! » objecteront les chemises bleues de la République en Marche. « Respect des institutions de la République ! » renchériront-ils entre deux homards et coupes de champagne servis aux frais du contribuables. En effet, c’est au Parlement en entier de voter un tel texte, et celui-ci est constitué pour partie de l’Assemblée nationale et pour l’autre du Sénat. Mais le Sénat n’a qu’un vote consultatif, dans la mesure où, même en cas de rejet du CETA – envisageable dans la mesure où LREM et le Modem ne sont pas majoritaires –, la décision finale est renvoyée à l’Assemblée. Une démocratie, donc. Oui, mais aux allures de tartuferies.
La FNSEA et les Jeunes agricultures l’ont bien compris et multiplient depuis ces derniers jours les actions coup de poing : dépôt de lisiers devant les permanences des députés, emmurage des entrées, etc. En effet, le CETA leur promet un marché concurrentiel encore plus dur qu’il ne l’est déjà. Et ce marché va se durcir encore davantage avec l’accord passé entre l’UE et le Mercosur. Face à des droits de douane abolis, le bœuf français rencontrera le bœuf hybride brésilien, nourris aux farines animales interdites en Europe et élevé au sein d’un pays dont les normes écologiques et sanitaires sont nulles ou presque et les contrôles qualité confiés à une administration largement corrompue. Quand un éleveur bovin français possède en moyenne une cinquantaine de vaches, un éleveur brésilien en possède plusieurs milliers. La concurrence « libre et non faussée » vantée religieusement par l’Union européenne ressemble donc à un combat de boxe truqué.
Les agriculteurs français, qui souffrent déjà dans leur chair d’un métier largement pressurisé au-delà du soutenable – un agriculteur se suicide tous les deux jours – se voit apporter comme unique réponse à leur situation dramatique un traité qui va finir de les conduire au tombeau. Soit par leurs mains, soit par la faux ensanglantée du chômage qui commet, selon un rapport de l’INSERM de 2015, entre 10 000 et 14 000 morts par an. Les conséquences économiques, sanitaires, écologiques et sociales du CETA ne sauraient se limiter aux seuls agriculteurs, et vont frapper toute la société française.
Au palais Bourbon, 265 hommes et femmes viennent de décider du sort de 67 millions de français en leur promettant : chômage, dégradation de leurs conditions de vie et de travail, maladies multiples… Tout cela au service de qui et de quoi ?
D’un système économique qui a fait de la libre circulation des capitaux, des marchandises et des services un fondement anthropologique. Rappelons, qu’en 2017, 82 % de la richesse produite dans le monde a été captée par 1 % de l’humanité. 99 % de cocus. Voici le système que le CETA sert. Voici ce que ces 261 députés ont voté. Ils ont fait des multinationales, simples machines techniciennes du capitalisme néolibéral, des entités en mesure d’assigner en justice des Etats si ceux-ci menacent leurs intérêts économiques. A aucun moment, dans ce grand chambranle politico-économique, il n’est question des hommes et des femmes qui, concrètement, chaque jour, subissent dans leur quotidien les décisions prisent par des hommes et des femmes déconnectées de leur réalité.
Ainsi, 20 députés bretons ont-ils pu publier une tribune publique au sein de laquelle ils déplorent un « ensauvagement des mots et du monde ». Mais de quel monde parlent-ils ? Celui des palais feutrés du microcosme parisien ? De quels mots parlent-ils ? Sûrement par de ceux d’Edouard Philippe proclamant, le 30 juillet : « qu’il ne peut être établi de lien entre l’intervention des forces de police et la disparition de Steve Maia Caniço ». Dans notre monde, celui où le chômage tue, celui où des jeunes peuvent être chargés à 4h du matin une nuit de fête de la musique et contraints de sauter dans la Loire pour fuir ; dans ce monde, l’ensauvagement ne se résume pas à quelques insultes ou à des dégradations matérielles sur une permanence. Dans notre monde, un jeune homme de 24 ans est tombé dans la Loire alors qu’il ne savait pas nager. Ce jeune homme a été successivement traité par la classe médiatico-politique comme un « alcoolique », un « drogué », un « excité d’extrême gauche », un « anarchiste ». Ce jeune homme a vu sa jeunesse brisée, et dans chaque éclat de vie gisant au fond de la Loire, le visage de tous ceux qui l’avaient précédé : Zyed et Bouna, Abdelhakim, Amine, Rémi, Adama… Et tant d’autres morts de l’ensauvagement de notre monde. Celui que les « élites » vitupérantes ont quitté il y a fort longtemps, à défaut de n’y avoir jamais appartenu.
Alors, si Carole Bureau Bonnard, député LREM, ne pourra « jamais se résoudre à cette violence à l’encontre de la démocratie et de ses valeurs » pour une vitrine brisée, nous lui opposons que la violence économique et sociale produite par un système qu’elle valide tous les jours n’attaque pas des valeurs, mais des corps et des esprits. Des milliards d’être humains, chaque jour, sont broyés par la machine capitaliste pour lui permettre de continuer à exprimer ses petits états d’âme bourgeois dans les médias.
Toute cette classe parasitaire s’ébouriffe de peur face aux classes laborieuses qui se montrent chaque jour un peu plus dangereuses. En effet, il est de plus en plus visible que cette fausse élite accapare les richesses et les honneurs sans légitimité ni mérite. Cette classe parasitaire ne produit plus rien d’autre que de la misère, de la colère et du vent. Mais un vent qui, à mesure qu’elle brasse de l’air, dessine au loin une tempête qui les balayera. Tous. Réfugiés derrière leur murailles casquées de forces de l’ordre, ces aristocrates empoudrés sentent revenir le vent de l’histoire… Celui qui en 1789, en 1830, en 1848, en 1871 les fit trembler, et pour certains, tomber. Tremblez, car nous vous le disons, l’insurrection arrive. Vous avez semé la mort, vous récolterez des millions de vivants qui auront tous le visage de Steve.
Nos condoléances à la famille de Steve, ses amis et tous ceux, dans tous les mondes, qui sont morts ou meurent de l’injustice.