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David Cormand (EELV) essaie de se faire passer pour un anticapitaliste

écologie

Lien publiée le 15 août 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Interview d'un faussaire en politique, David Cormand, le dirigeant des Verts. Il critique Marx pour avoir fait trop de concessions au capitalisme... alors que lui ne veut faire aucun compromis avec le capitalisme !

Plus c'est gros.....

https://lvsl.fr/il-ny-a-pas-de-compromis-possibles-avec-le-capitalisme-entretien-avec-david-cormand/

David Cormand est secrétaire national d’Europe Écologie les Verts. Il est l’un des nouveaux députés européens du parti qui a créé la surprise le 26 mai dernier. Alors que l’écologie s’installe durablement dans l’agenda politique et médiatique, EELV s’impose comme une force importante Elle revient en force après la débandade de 2017 et le ralliement malheureux à Benoit Hamon. Cette percée est-elle durable ? La formation peut-elle pousser au-delà de sa base sociologique actuelle ? Entretien l’un des hommes clefs de l’écologie politique en France.


LVSL – EELV a rencontré un succès électoral lors des dernières européennes avec plus de 13 % des voix. Ce n’est pas la première fois que les écologistes réalisent un bon score à cette élection qui vous est structurellement favorable. Comment comptez-vous faire pour porter un message qui puisse être entendu dans d’autres échéances électorales ?

David Cormand – C’est la première fois que les Verts, toutes élections confondues, réalisent plus de trois millions de voix en France. En pourcentage, ça fait moins qu’en 2009, mais en valeur absolue c’est beaucoup. Aux élections européennes, généralement, on fait en moyenne 8-9 %. Il y avait une exception basse en 1994 où on a fait moins de 3 % et une exception haute en juin 2009 où on avait fait 16 %. On est plus à l’aise avec ces élections, mais ce n’est pas très courant que l’on fasse plus de 12, 13 ou 15 %.

Il est vrai que les Verts ont du mal à apparaître comme des candidatures solides pour les élections nationales. En revanche, pour les élections municipales, les scores sont comparables à ceux des européennes, tout comme les départementales et les régionales. D’ailleurs, on pourrait s’interroger sur le fait que ça n’a pas augmenté au cours des décennies, mais ça, c’est un autre débat.

Traditionnellement, les Verts n’étaient pas perçus comme étant une force politique en capacité de gouverner le pays. Je pense qu’en revanche, les gens sont plutôt contents d’avoir des députés européens Verts parce qu’ils ont identifié qu’on s’y intéresse vraiment et qu’on arrivait à gagner des combats. Ils semblent également avoir davantage confiance en nous dans les élections locales. Peut être parce qu’ils se disent qu’avoir des élus écologistes pour s’occuper de la vie du quotidien, c’est un bon investissement électoral. 

La nouveauté de ces élections européennes, c’est que EELV est arrivé devant les forces de gauche traditionnelles, que ce soient PS, FI, etc., mais aussi devant le principal parti de droite de gouvernement jusqu’à maintenant, les Républicains. Cela nous donne une responsabilité supplémentaire, celle de tenter de structurer autour de l’écologie politique – je n’ai pas dit autour de EELV – une offre politique nouvelle qui puisse se poser comme une alternance au pouvoir actuel de Macron et évidemment une alternative à l’extrême droite.

LVSL – Comment construire cette alternance autour de l’écologie politique ?

D.C – D’abord en comprenant ce qui se passe. Nous sommes à un point de bascule historique. Je pense que les matrices idéologiques auxquelles nous étions habitués en Europe depuis plusieurs décennies, pour faire simple, la gauche productiviste dans toutes ses variantes (du trotskisme à la sociale démocratie en passant par le PC) et la droite libérale, sont obsolètes. Qu’on me comprenne bien. Je ne dis pas qu’elles ont perdu toute puissance ou capacité de séduction. Elles sont solidement ancrées dans les imaginaires et conservent selon les pays des potentiels électoraux variables. Mais, au fond, la période me semble marquée par l’épuisement programmé des projets politiques qui étaient construits sur l’hypothèse extractiviste, à savoir sur l’idée que les énergies fossiles permettaient une croissance illimitée. De fait, cette promesse n’est pas tenable : une croissance infinie dans un monde fini est une impasse géophysique avant d’être un impossible politique.

Pour la droite comme la gauche ancienne, l’économie domine tout et le couple croissance/ productivisme est indépassable. Elles sont donc percutées de plein fouet par l’impensé écologique. Le monde dans lequel nous devons agir est désormais celui du retour de la question de la nature. Une série de questions philosophiques, morales et politiques en découlent. Les écologistes sont les mieux armés pour y répondre. 

LVSL – Être une alternative crédible implique quand même d’universaliser votre discours, d’être identifiable sur d’autres questions que l’écologie. Allez-vous faire un travail d’élaboration d’une doctrine sur la République, par exemple ? 

D.C – Ce travail est en cours depuis longtemps. On oublie par exemple qu’il y avait un socialisme pré-marxiste, qui a été qualifié de socialisme utopique ou de socialisme romantique par les marxistes. Ce courant était plus proche qu’on ne le pense de ce que nous nommons aujourd’hui écologie. Il combinait une critique de la révolution industrielle dans ses aspects sociaux, dans ses aspects d’inégalité notamment femmes-hommes et une critique environnementale. Certains avaient très tôt identifié que l’une des conséquences de la révolution industrielle était une prédation intense sur la nature.

Quand Marx arrive, il oppose à ce socialisme – qu’il qualifie donc de romantique ou d’utopique – le socialisme scientifique qui accepte la révolution industrielle. De mon point de vue c’est une concession décisive au capitalisme car il accepte le productivisme et la croissance. Et un siècle et demi après, mon sentiment c’est qu’en ayant fait cette concession, la pensée marxiste a été inopérante pour pouvoir battre le capitalisme.

Par ailleurs, je pense que l’écologie politique est une pensée globale. Elle n’a pas besoin de mettre genou à terre pour pouvoir répondre à la question de la République, à la question de l’identité, etc. Prenons la question de la République : comment penser que celle-ci est achevée si elle ne prend pas en compte la question qui fondamentalement relie les humains entre eux, à savoir leur destin terrestre ? Pour nous, la République sera écologique ou ne sera pas. Notre vision la rend réellement universelle, non pas dans l’approche dominante qui a pu nourrir le projet colonial mais au contraire dans une vision où la question des communs et de la justice environnementale oblige à penser la multiplicité des voix du monde. La République écologique, qui revivifie l’idée républicaine par l’idée des communs naturels, est ainsi porteuse d’un projet cosmopolitique plus achevé.  

LVSL – Il y a une critique écologiste chez Marx aussi, mais il dit que le capitalisme est un progrès et une phase nécessaire vers le socialisme. Ce que ne disent pas les socialistes utopiques, c’est que pour transformer le monde, il faut s’emparer de la machine d’État et ne pas simplement faire son petit phalanstère de son côté comme Fourier. Pour vous, le capitalisme est-il un dévoiement ou une étape vers un progrès de l’humanité ?

D.C. – Pour moi, le capitalisme est un dévoiement. En fait, ce que je pense c’est qu’il n’y a pas de survie de la civilisation humaine sur terre dans un modèle capitaliste. C’est intéressant, Jean-Pierre Chevènement disait pendant notre conférence de votre université d’été : « On est passé d’un capitalisme Fordiste à un capitalisme financier, c’est encore pire… » C’est vrai que c’est encore pire, mais ils ont un point commun ces deux capitalismes-là : c’est le productivisme, la prédation sur la nature. Le capitalisme financier a été une accélération de la destruction de l’environnement. Il n’y a pas de compromis possibles avec le capitalisme si on veut maintenir la vie humaine sur terre dans des conditions à-peu-près correctes pour tout le monde.

En fait, le problème au-delà du capitalisme, c’est le productivisme : c’est l’impasse de la gauche traditionnelle qui ne sait penser la justice sociale et la redistribution que dans un modèle productiviste. Il faut changer de logique, ce que parvient parfaitement à faire l’écologie. Le problème est qu’aujourd’hui l’écologie politique apparaît trop faible pour gagner, il faut être lucide aussi là-dessus.

D’un point de vue idéologique, Je suis assez convaincu que la pensée écologiste est complète et peut suffire pour apporter une alternance, une alternative victorieuse au statu quo libéral et au risque de l’extrême droite, mais elle ne peut pas le faire seule. Nous sommes un petit parti avec de très grandes idées. Pour pouvoir être à la hauteur de ces grandes idées, nous ne pouvons pas rester le petit outil politique que nous sommes aujourd’hui.

Nous devons construire une force capable de conquérir et exercer le pouvoir. Mais dans le même temps il nous faut réinterroger la notion même de pouvoir et nous débarrasser d’une vision trop centralisée de son exercice. Il faut réhabiliter la notion d’initiative citoyenne, et en finir avec l’idée que c’est seulement en prenant le palais d’hiver que nous serons en mesure de transformer la société. 

LVSL – Pour construire cette nouvelle force politique comme une alternative à Macron et à Le Pen, quel est le clivage que vous allez mettre en avant ? avec qui comptez-vous discuter ?

D.C. – C’est une question compliquée. Je ne suis pas certain que l’idée d’un clivage unique soit valide. Je ne veux pas retomber dans les ornières d’une logique qui a consisté à diviser les luttes entres luttes centrales et luttes périphériques. Les causes de nos maux sont multiples. Pour répondre cependant à votre question, je peux essayer d’expliquer comment la question environnementale redessine le paysage. L’écologie est une cosmo-politique. Elle refonde une communauté terrestre. Les ennemis de l’écologie sont celles et ceux qui divisent la communauté terrestre, mais aussi et peut être avant tout ceux qui détruisent la terre et les possibilités de la vie sur terre. Trump ou Bolsonaro, climatosceptiques et racistes refusent la perspective de notre destin terrestre. Pour raisonner comme Bruno Latour, on peut postuler que d’une certaine manière, ils ont quitté la terre comme réalité politique ou horizon de vie commune. Ils ne sont pas les seuls. Jeff Bezos, quand il dit qu’il va construire des usines dans l’espace, il a quitté la réalité terrestre. Les défenseurs de l’agriculture industrielle ont quitté la réalité terrestre, ceux qui pensent qu’on peut continuer à exploiter les énergies fossiles sans conséquence pour le maintien de la vie sur terre ont quitté la réalité terrestre. Le clivage passe donc entre ceux qui ont compris que rien ne peut s’articuler au-delà des réalités physiques du rapport à la terre et ceux qui font abstraction de cela. Là c’est l’opposition fondamentale.

Mais au-delà des ennemis, il faut surtout choisir des alliés pour construire une alternative positive, pour transformer la coalition de rejet en coalition de projet. L’écologie devrait pouvoir regrouper nombre d’alliés objectifs. Aujourd’hui par exemple, contrairement à l’impression qu’on peut avoir, quand on est paysan ou agriculteur, on a objectivement intérêt à ce que le projet qui soit mis en œuvre soit celui de l’écologie. Pourquoi ? Parce que c’est le seul qui considère qu’on a encore besoin de paysans. Le capitalisme libéral mondialisé et l’industrialisation de l’agriculture ont comme projet idéal une agriculture sans paysan. Il en va de même pour l’industrie. Aujourd’hui le projet économique du capitalisme financiarisé, ce sont les usines sans ouvrier. Il faut revenir sur terre avec un projet écolo de production, de consommation qui soit en phase avec le fait de pouvoir continuer à habiter la terre. Cette perspective peut permettre de créer un front de large rassemblement dans la société. À nous de savoir organiser ce front multipolaire, en déjouant les contradictions qui peuvent le fissurer.

Une partie de votre question concerne les alliances partidaires. Cet aspect-là est compliqué, parce qu’il y a à la fois les forces politiques issues du XXe siècle, à gauche celles d’inspiration marxiste qui existent, et je pense qu’il faut les considérer sans l’ambition d’avoir une hégémonie sur elles.

D’ailleurs, la gauche classique pose maintenant la question écologique. Ce n’était pas le cas de la sociale démocratie il y a encore dix ans. Je peux vous dire qu’en 2012, quand on rentre au gouvernement avec François Hollande, il ne disait pas que l’écologie était au cœur de ses préoccupations. On note heureusement une évolution positive. Regardez par exemple Benoit Hamon ou même la France Insoumise qui a une approche écologiste sincère. Même le PC conduit des évolutions.

Si l’on est d’accord pour que le cœur du projet soit autour de l’écologie, c’est un premier pas. On ne demande pas aux gens d’arrêter d’être sociaux-démocrates, d’arrêter d’être communistes, d’arrêter d’être insoumis… Mais je vais plus loin. L’écologie veut aussi convertir des personnes qui ne se réclament pas de la gauche et qui ont pris conscience de l’inanité d’un projet capitaliste sans limite. Il faut qu’on réfléchisse un moment à comment parler également aux gens issus de la droite. Pourquoi ces gens-là ne voteraient pas écolo si nous savons les convaincre de l’urgence écologique ?

Ce qu’on essaie de faire c’est à la fois construire un projet politique structuré et cohérent, mais aussi se positionner dans un champ de bataille politique qui ne sera plus le paysage qu’on a connu. Le périmètre des partis politiques tels qu’ils existaient jusqu’à il y a quelques années ne recouvre pas les clivages qu’il y a dans la société. Tout est à refaire, tout doit changer. Non seulement les offres politiques, mais aussi la représentation mentale que l’on a des clivages dans la société.

Dans ce grand chambardement, l’écologie politique comme pensée nouvelle a un rôle important à jouer à la fois pour réinventer ce qui s’appelait la gauche depuis un siècle et demi, mais aussi pour donner une perspective à des gens qui ne se sentent ni de gauche ni de droite mais qui se disent « je ne veux pas avoir à choisir entre Macron et Le Pen ».

LVSL – Vous dites que tout le monde a un intérêt objectif à l’écologie. Mais la politique est surtout une affaire de construction de récits. Comment pouvez-vous construire un nouveau récit qui puisse parler à la France des gilets jaunes ?

D.C – C’est tout le travail qui est devant nous et que nous avons commencé à faire pendant cette campagne des européennes. Le récit gagnant sera nécessairement celui d’une convergence. Nous devons refuser d’opposer enjeux sociaux et enjeux environnementaux. Les marches climat ont commencé avant les marches des gilets jaunes. Certains ont voulu les opposer. Ce n’est pas notre cas. Notre analyse a été de dire que ces deux mouvements sociaux, qui ont des bases sociologiques sans doute très différentes, sont les deux symptômes d’une même crise de notre modèle de développement. Ces deux mouvements expriment une crainte par rapport à notre capacité de subsistance dans les temps qui viennent. C’est une révolte contre l’ordre des priorités défini par le système actuel. 

Les lycéens en grève pour sauver le climat affirment : « à quoi ça sert que j’aille à l’école puisque quand je serai adulte je ne suis même pas sûr qu’on pourra continuer à vivre sur terre ? Vous sacrifiez notre futur pour votre présent. » Les gilets jaunes disent au fond un peu la même chose : « À quoi bon payer des taxes qui nous étouffent ? C’est bien beau de nous parler de votre futur mais c’est notre présent qui est déjà menacé. » La temporalité diffère. Mais pas le refus de voir son existence sacrifiée.

Le mouvement des gilets jaunes a des racines profondes. On leur a vendu un modèle où leur autonomie serait garantie par leur automobile. On les a poussés de plus en plus loin des centres-villes, on leur retire des services publics, on leur retire des commerces de proximité, on fragilise leur droit du travail, et tout d’un coup on leur dit « ça ne va plus être possible, le prix de l’essence augmente ». Comme par ailleurs ce sont des contribuables captifs qui n’ont aucune chance d’échapper à l’impôt grâce aux paradis fiscaux, la taxation du diesel les prend à la gorge.

Tout le monde a un intérêt objectif à l’écologie. Mais pour le gouvernement actuel, l’écologie est devenu un alibi pour fiscaliser plus ceux qui ne peuvent pas échapper à l’impôt sans changement de modèle en contrepartie. Or, l’urgence climatique l’impose, il va falloir changer de mode de vie. Pour nous, le rôle de la puissance publique est d’accomplir ce changement dans la justice. En ce sens, si l’idée de justice est portée par la gauche, une possibilité d’alliance s’ouvre ici.

LVSL – À quel point remettez-vous en cause le clivage gauche-droite ? On a tous en tête les déclarations de Yannick Jadot pendant la campagne lorsqu’il souhaitait s’en distancer. En même temps, vous parlez de concilier l’écologie avec la justice, valeur fondamentale de la gauche…

D.C : On ne remet pas en question le clivage gauche-droite comme signifiant historique, mais nous cherchons à le dépasser, parce que sur nombre de sujets il n’est pas opérant et sert au contraire à obscurcir les enjeux. Quand on regarde l’action des militants écologistes ou des élus EELV, je pense qu’il n’y a aucune ambiguïté sur les valeurs que nous portons. Mais demandons-nous s’il vaut mieux se réclamer de la gauche, comme l’on fait en France les gouvernements socialistes qui ont tant déçu et tant abandonné de leurs convictions, ou chercher à construire les coalitions victorieuses pour faire avancer nos idées dans le réel. Prenons un exemple électoral intéressant : en Bavière, le parti dominant était la CSU (partenaire de la CDU). Les Verts, entre les deux dernières élections du Land, sont passés de 10 à 20 %. D’où viennent les 10 points d’augmentation ? Il y a 2 points de gens qui s’abstenaient et qui là ont voté, il y a 4 points qui viennent du SPD et il y a 4 points qui viennent de la CSU. Pourquoi avons-nous récupéré ces 4 points de la CSU ? Parce que dans la même période, la CSU, sous la pression de l’AfD (parti d’extrême droite allemand) a durci son discours par rapport aux migrants et que beaucoup d’électeurs de la CSU se sont dit « on refuse de se reconnaître dans cette dérive de la CSU. » Pourtant ils n’ont pas voté pour le SPD, ils ont voté pour les Verts. Donc des gens qui viennent de la droite peuvent voter écolo. Ce n’est pas parce que les écolos sont plus à droite, c’est aussi pour les valeurs qu’on porte et qu’on pourrait ranger plutôt du côté de la gauche. En l’occurrence, l’accueil digne des migrants.

LVSL – Yannick Jadot a fixé la barre relativement haute pour les municipales en annonçant que vous pourriez décrocher quatre grandes villes, dont Paris. Comment allez-vous préparer cette élection qui nécessite un travail de terrain de longue haleine et une implantation locale ?

D.C : Précisément, notre force c’est que nous avons cette implantation locale. Historiquement l’implication des Verts dans les élections municipales ne se traduit pas par des listes 100 % vertes. Ce sont toujours des listes vertes-citoyennes. Ce n’est pas notre volonté de faire des listes 100 % vertes. Chez les Verts, ce n’est pas le national qui décide des stratégies municipales. Nous allons avoir un moment de respiration démocratique qui va pouvoir se faire à l’abri des interférences des appareils nationaux. Dans beaucoup de villes, il va y avoir des listes EELV-citoyennes avec Générations, sans doute dans d’autres villes on sera avec le PS, avec le PC, j’espère avec la France Insoumise et peut-être avec d’autres d’ailleurs.

Le périmètre politique clair, c’est que le projet écologiste n’est pas compatible avec l’offre politique de l’extrême droite, l’offre politique des Républicains et l’offre politique du gouvernement actuel. Donc nous avons mis cette balise-là, mais en dehors de ça, les choses sont ouvertes.

L’échelon municipal est une occasion parfaite pour construire des projets. On va beaucoup réfléchir autour du concept de municipalisme, de territoires en résilience, de comment on construit de nouvelles solidarités. Tous ces sujets-là, la question de la pollution, la question des filières courtes, la question de l’aménagement urbain… ce sont des choses très appropriables. De quelque chose d’un peu théorique, on arrive à quelque chose de concret, on a vraiment une tradition en la matière. On n’appelait pas ça le municipalisme, mais dès les municipales de 2001 et même de 1995, on parlait beaucoup de démocratie participative. En fait, le municipalisme c’est la version augmentée de ce qu’on appelait la démocratie participative, c’est le surgissement citoyen dans la décision. 

Notre récit des municipales va être celui-ci : nous mettons au pot commun notre expérience, des éléments de projets et c’est aux gens de s’en emparer et de construire leur offre politique locale comme ils l’entendent.

LVSL – Vous nous expliquez qu’EELV est un parti qui s’inscrit assez clairement dans une ligne qu’on pourrait qualifier de décroissante. Est-ce que c’est conciliable avec le libre-marché ? On a l’impression d’un certain flou artistique autour de cette question. Êtes-vous divisés en interne ou est-ce que vous ne tranchez pas ce débat pour accueillir différents degrés de l’écologie ?

D.C. – C’est une mauvaise polémique qui nous a été faîte. Le terme prononcé ce n’est pas le « libre marché », la seule expression qui a été prononcée par Yannick Jadot c’était « économie de marché ». Jean-Luc Mélenchon lui-même, dans une interview faite à Libération pendant la campagne des Européennes se fait un peu piéger par Laurent Joffrin sur ce sujet. C’est assez révélateur. Mélenchon dit « Jadot est pour l’économie de marché » Laurent Joffrin lui répond « Vous aussi ! » Mélenchon explique alors qu’il est favorable à une « économie mixte » et Laurent Joffrin ne manque pas de souligner qu’il s’agit donc d’économie de marché, ce que Jean-Luc Mélenchon finit alors par reconnaître. Sur le fond, les Verts depuis trente ans parlent d’économie plurielle. Nous posons très clairement des limites au marché : tout ne relève pas de la sphère marchande. Les écologistes qui défendent les droits de la nature le savent bien. À Notre-Dame-des-Landes ou à Sivens, avez-vous l’impression que nous avons défendu le règne du marché sans entraves ? 

Pour nous l’économie doit être régulée par deux critères simples : on ne peut pas avoir une activité économique si elle est socialement injuste et si elle détruit la planète. C’est le cadre que l’on met à l’économie de marché. Mais il y aura toujours des gens qui entreprendront. On ne va pas mettre sous une économie administrée les PME et même des entreprises plus importantes. Au fond les questions que nous posons sont les plus radicales : nous questionnons les finalités de l’économie quand d’autres ne s’attaquent qu’à ses modalités.

Entretien réalisé par Pierre Gilbert et Maximilien Dardel