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Grève à l’hôtel Ibis Batignolles : interview de Claude Lévy (CGT-HPE)
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Depuis le 17 juillet, 24 femmes de chambre, gouvernantes et équipiers sont en grève à l’hôtel Ibis Batignolles, à Paris. Interview de Claude Lévy, délégué syndical CGT-HPE, impliqué dans cette grève.
Quelles sont les raisons de cette grève ?
D’abord, les très mauvaises conditions de travail et de rémunération. Les travailleurs sont embauchés par un sous-traitant (STN). Autrement dit, ce n’est pas l’hôtel qui emploie directement le personnel, alors qu’on est dans le cœur de métier de l’hôtellerie, puisque sans chambres nettoyées on voit mal comment un hôtelier va pouvoir louer des chambres à ses clients.
Or le sous-traitant impose aux salariés des cadences impossibles à tenir, de l’ordre de trois chambres et demie à nettoyer par heure. Et si les trois chambres et demie ne sont nettoyées qu’en 1 heure et demie, ou 2 heures, l’employeur ne paye qu’une heure. Le salaire est ainsi calculé sur le nombre de chambres, et non sur le temps de travail réellement effectué. C’est du travail dissimulé, qui génère des heures supplémentaires non payées. On demande donc le payement du travail à l’heure.
On dénonce également les contrats de travail à temps partiel. Il y a des contrats à 4, 5 ou 6 heures. Cela permet à l’employeur, par exemple, de demander aux travailleurs en contrat de 4 heures de faire beaucoup plus de chambres le jour où il y a beaucoup de boulot – mais sans payer les heures supplémentaires. A l’inverse, le jour où il y a moins de boulot, l’employeur payera strictement 4 heures, voire inventera des absences pour ne pas avoir à payer toutes les heures. Donc, on demande la requalification de tous les contrats de travail en contrats à temps complet.
Il y a beaucoup de précarité, beaucoup de contrats de travail à durée déterminée, dont on demande la requalification en CDI. Il y a aussi la question de la reconnaissance de la qualification des femmes de chambre. Elles sont classées au plus bas de l’échelle, alors qu’on leur demande un travail de grande qualité. On demande donc une revalorisation des qualifications, qui se traduirait par des augmentations de 50 à 150 euros par mois.
De manière générale, on demande la fin des inégalités de traitement qu’il peut y avoir entre les salariés employés par le sous-traitant STN et les salariés employés directement par l’hôtel, dont le statut est meilleur.
On demande que tout le monde soit embauché à temps complet : c’est possible dans cet hôtel qui comprend 700 chambres, et qui est le 2e plus grand hôtel Ibis en France, à proximité du nouveau Palais de Justice, avec des taux d’occupation qui sont montés en flèche. On exige enfin l’arrêt du harcèlement, car la direction est tout le temps derrière les femmes de chambre pour les faire trimer. Il y a aussi le problème de salariés inaptes qu’on voulait muter, qui a été un petit peu le déclenchement de ce conflit, avec par ailleurs des mutations non justifiées. On sait aussi parfaitement ce que signifie d’être muté dans le nettoyage : ça veut dire à terme le licenciement.
Quels rôles ont joués les grèves victorieuses de l’Holiday Inn à Clichy et du Park Hyatt Vendôme ?
Il est clair qu’elles ont donné du courage aux salariés de l’Ibis Batignolles, pour partir en grève. Les victoires obtenues dans d’autres hôtels, par des salariés de la sous-traitance, ont parfois abouti à l’embauche directe des salariés par l’hôtel. C’est notamment le cas à l’Holiday Inn, où on a eu une grève très dure et très longue : 111 jours. On considère que c’est tout à fait possible d’obtenir cette internalisation ici, sur le groupe ACCOR.
On a aussi une spécificité dans notre syndicat, c’est d’avoir une caisse de grève statutaire, qui permet aux salariés de tenir un petit peu dans la durée. On a aussi le pot commun en ligne où on peut faire des dons pour les grévistes, ou encore adresser directement des chèques à notre syndicat.
Où en sont les négociations avec la direction ?
Un premier petit acquis obtenu pendant la grève a été l’installation d’une pointeuse qui devrait permettre de décompter un peu plus correctement le temps de travail. Ceci dit, il y a là aussi beaucoup d’abus de la part des employeurs (par exemple, des gouvernantes qui pointent à la place des femmes de chambre). Il faudra qu’on puisse contrôler ce système, car pour l’instant on n’a accès ni aux étages ni à cette fameuse pointeuse.
Bien qu’il y ait eu quelques discussions, au début de conflit, nous déplorons que la direction refuse de négocier avec notre syndicat, alors qu’on est un syndicat d’hôtellerie. Mais elle nous considère comme « non représentatif » dans l’entreprise, alors que tous les salariés de la sous-traitance sont syndiqués chez nous. Elle veut négocier uniquement avec la CGT-Propreté, qui est un syndicat mafieux, corrompu, payé par les employeurs pour casser les grèves, ce qu’ils ont d’ailleurs essayé de faire dans ce conflit [1]. Ils sont venus en début de conflit à plusieurs : ils avaient carrément porte ouverte de la part du groupe ACCOR pour essayer de convaincre les salariés de reprendre le travail – et qu’ils allaient régler le conflit à leur place.
La direction ne veut pas négocier avec nous, mais uniquement avec ce syndicat « maison ». On a d’ailleurs rapidement appris que la direction avait signé un protocole d’accord avec la CGT-Propreté, ce qui est quand même un petit peu surréaliste, car les salariés sont toujours en grève ! Suite à ce protocole d’accord, une pointeuse aurait été installée et un panier de 2 euros par jour a été donné, ce qui ne répond absolument pas aux revendications de fond que posent aujourd’hui les grévistes.
Les négociations sont donc au point mort aujourd’hui, et les grévistes demandent à l’employeur de négocier avec nous, puisqu’on est leur syndicat.
[1] Sur la CGT-Propreté, voir cet article : Propreté : le syndicat Région Parisienne radié de l'UD de Paris !