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Coup de tonnerre en Égypte

Egypte

Lien publiée le 22 septembre 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://aplutsoc.org/2019/09/21/coup-de-tonnerre-en-egypte/

Hier soir et dans la nuit du vendredi 20 au samedi 21 septembre, des manifestations ont déferlé sur l’Égypte. Des centaines sont revenus sur la place Tahir au Caire, mais des milliers ont parcouru des rues parallèles. A Damiette, à Suez, l’armée a tiré sur les manifestants, qui, dispersés, se sont reconstitués en cortège à plusieurs reprises. A Alexandrie, massive manifestation de jeunes, de femmes, d’hommes, attaquées par les nervis du régime enlevant des victimes ciblées. Officiellement 5 arrestations, en réalité des centaines. Officiellement 5 morts, des manifestants assassinés par le régime. Sans doute plus. Ils ont tiré, et des fluctuations dans les forces dites de « sécurité » ont été filmées à Damiette. Tout le pays est concerné. Le Caire, Alexandrie, Suez, Damiette, al-Mansourah, Mahalla al-Cobra – le grand centre industriel textile, foyer des grèves historiques de 2008 et de la révolution de 2011 -, des petites villes du Sud.

Les slogans : c’est bien alshaeb yurdi-suqut alnizamle peuple veut la chute du régime, qui a massivement ressurgi : le cri des révolutions arabes, le cri d’Alger, le cri de Khartoum, le cri d’Idlib en Syrie assiégé et bombardé où à présent encore des manifestants affrontent les islamistes entre deux bombardements russes. Dehors al-SissiVie-Liberté-Justice sociale.

C’est dans ces cas-là que nous disons souvent : « Bien creusé, vieille taupe ! », mais à condition de préciser qu’on l’a vu creuser au grand jour. Car ce qui s’est passé, c’est ce que craignait Al-Sissi et tous les dictateurs, militaires, tortionnaires, rois du pétrole et émirs, c’est le souffle conjugué de Khartoum et d’Alger qui revient sur le foyer central qu’est l’Égypte.

Voilà la cause profonde. Et ce qui a ressurgi, c’est la révolution, celle qui, en 2011, a fait tomber Moubarak, et celle qui, en 2013, dans les plus immenses manifestations de l’histoire, a fait tomber Morsi mais a été confisquée, liquidée, par la bande militaire d’Al-Sissi massacrant les Frères musulmans pour contraindre la masse sortie dans les places publiques et les rues de se terrer à nouveau. L’été 2013 fut aussi l’amorce du tournant contre-révolutionnaire dans la guerre civile en Syrie, aggravé par l’intervention impérialiste russe massive en 2015, en même temps que le régime saoudien ouvrait la guerre du Yémen. Par Khartoum et Alger, la résistance des insurgés syriens durant tout ce temps-là, la révolution est revenue et elle vient de frapper en son centre, l’Égypte.

La cause immédiate réside dans la mise à jour de l’immense corruption d’al-Sissi et de sa bande qui, beaucoup plus vite que ses prédécesseurs les Moubarak et compagnie, a reconstitué d’immenses fortunes par la prédation. Un entrepreneur du bâtiment et acteur, Mohamed Ali, obligé de s’exiler car il rechignait à payer les pots-de-vin, a contribué à lancer une rumeur sur les réseaux sociaux sur le thème Sissi, tu t’en vas ou on est à nouveau dans la rue, en publiant des vidéos révélant de hauts faits de corruption. Cet imbécile de Trump a contribué à alimenter le processus car, à Biarritz, il a cherché al-Sissi en disant Où il est, mon dictateur préféré ! Ces éléments divers ont été captés par une jeunesse en recherche de l’occasion de briser le mur de la peur et du silence. Vendredi soir, elle l’a brisé : rien ne sera plus comme avant.

Rien ne sera plus comme avant. Il est difficile d’évaluer le nombre des manifestants – certainement pas « quelques dizaines » ou « quelques centaines », comme le chante la presse française ce matin, se livrant à un véritable exorcisme. On ne risque guère de se tromper en parlant de dizaines voire de centaines de milliers : ce qui compte, c’est que le mur de la peur est cassé et que le cri populaire est immédiatement que Sissi dégage. La révolution revient non pas comme en 2011, mais forte de la terrible expérience des années vécues depuis, mais elle revient. Ce coup de tonnerre sera-t-il immédiatement suivi de la poursuite du mouvement ou non, nous ne pouvons pas non plus le dire ce matin. S’il n’a pas de suites nationales massives immédiates, ne doutons pas que la presse bien intentionnée nous chantera que tout ceci n’était rien : n’en croyons pas un mot.

La presse française tout particulièrement, du Figaro (qui nous explique qu’il a eu « quelques dizaines » de manifestants !!) au Monde (qui ce matin ne dit … rien !! *), semble attachée au déni concernant l’Egypte. Ils ont peur : peur pour les ventes d’armes, peur pour le pétrole au moment où la jeunesse dans le monde entier se mobilise « pour le climat » et contre les gouvernants brûleurs de pétrole, peur pour leur ordre mondial.

* après écriture de cet article Le Monde a publié un article … reprenant la formule sur les « quelques dizaines » de manifestants pourtant démentie par les propres vidéos en ligne avec le même article !

Les manifestants d’Égypte leur font plus peur que le bombardement de raffineries et de champs gaziers en Arabie saoudite et les menaces de guerre dans le golfe persique. Les grands de ce monde préfèrent la guerre à la révolution, le réchauffement inhumain du climat à la démocratie. Alors qu’en réalité, l’irruption des masses en Égypte représente le plus grand contre-poids à la montée de la guerre dans la région.

Le coup de tonnerre égyptien est en résonance avec Alger et ceci est certainement une cause supplémentaire de circonspection pour les commentateurs français. Hier, Alger devait être interdite aux manifestants du vendredi, les militaires au pouvoir ayant décidé de tenter le tout pour le tout en fixant des présidentielles en décembre. Mais des millions ont franchi les barrages et imposé le droit de manifester pour la chute du pouvoir. Ils ne veulent pas de présidentielles. Plus que jamais est posée la question, non seulement d’une constituante algérienne, mais de l’organisation de l’élection à la constituante par le peuple organisé : c’est cela le chainon manquant dans les perspectives politiques avancées par les uns et les autres. Cette perspective participe d’un combat commun plus vaste, celui pour des pouvoirs civils à Alger, Khartoum, le Caire (ce qui liquiderait au passage le général Haftar en Libye). Des pouvoirs civils : ce serait une belle erreur que de ne voir là rien de révolutionnaire. Cela veut dire le renversement des pouvoirs en place.

Dehors les généraux ! Élections libres partout ! Constituantes !