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Espagne, Catalogne. Les mots du terrorisme contre les choses de la démocratie

Catalogne Espagne

Lien publiée le 15 novembre 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://blogs.mediapart.fr/antoine-montpellier/blog/151119/espagne-catalogne-les-mots-du-terrorisme-contre-les-choses-de-la-democratie

L'Espagne fait feu de tout bois dans la dénonciation du terrorisme chez qui conteste. Pourtant, suite à la récente législative, une coalition PSOE-Podemos s'essaye, sans majorité assurée, à retrouver du consensus de gauche pour gouverner alors que l'Etat "profond" poursuit sa traque féroce des dissidences. "Cuadratura del círculo" dit l'espagnol. Problème : c'est la démocratie qui est jeu !

L'accusation de terrorisme, cette arme de destruction politique massive à l'oeuvre !

Pendant ce temps Pedro Sánchez et Pablo Iglesias...


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Le jour de gloire de Pablo Iglesias : Pedro, mon camarade...

La Audiencia Nacional, ce tribunal qui vient en ligne directe (belle est la Transition...démocratique qui lui a dégagé la voie) du franquiste-terroriste Tribunal d'Ordre Public (TOP), déclare ouvrir une procédure contre Tsunami Democràtic pour avoir organisé, avec quelle efficacité, les barrages routiers à la frontière franco-espagnole. Vous bloquez des camions, c'est du terrorisme ! Voilà qui tombe à point pour attirer l'attention en Europe, une énième fois, sur la réalité terroriste de la justice espagnole ! Car, oui, il est salutaire que le boomerang revienne à son envoyeur pour que cesse ... le blocage sémantique et politique opéré sur ce qu'est le terrorisme.

Terroriste est celui évidemment qui procède comme il a été horriblement fait à Barcelone en août 2017. Le père du petit garçon tué dans cet attentat n'a pas pu contenir sa rage de voir galvaudé par l'autorité judiciaire espagnole le terme qui dit si exactement ce qui a provoqué son malheur  (lire ici en espagnol): "Chaque fois qu'ils disent le mot "terrorisme", comment imaginez-vous que nous nous sentons, nous qui avons tant perdu, nous qui avons perdu des vies ? Maudit soit le mot et maudits soient ceux qui les utilisent comme si de rien n'était", "Où est la décence humaine, où est l'empathie envers les personnes, où sont les sentiments qui font qu'une société est civilisée ? Je pleure d'impuissance et de rage et je demande aux anges qui accompagnent mon fils qu'ils me donnent la force mentale de supporter ce chemin si dur à prendre".

Ce père éploré a relayé, comme pour reprendre de l'air, le tweet d'un policier catalan, un Mosso de Escuadra, qui dit ceci : "En tant que Mosso, j'ai été amené à travailler entre le 17 et le 21 août 2017. J'ai été sur la Rambla de Barcelone, à Cambrils et à Subirats [lieux d'action des terroristes]. Ce qui s'est passé là-bas, c'est cela un attentat terroriste. En tant que citoyen, j'ai été présent [à l'appel au blocage émis par Tsunami Democràtic] au Perthus et à Gérone et cela ce n'est pas du terrorisme. Ras-le-bol !"

Ce père et ce Mosso touchent juste car ils retrouvent le vrai d'un mot, terrorisme, qui, détourné mystifiant, est devenu une arme de guerre dans l'Etat espagnol. Le plus grave n'est pourtant pas seulement dans le rôle politique qui est ainsi assigné à la justice mais dans la couverture politicienne la plus abjecte qui est donnée à la manipulation des mots dont celle-ci use et abuse. Car, ne nous méprenons pas sur la portée de ce qui nous est rapporté ici au sortir d'une élection législative et alors que se met en place un gouvernement de coalition de la gauche espagnole. C'est bien Pedro Sánchez, ce président du gouvernement sortant continuant à se réclamer du socialisme (sic) qui non seulement légitime l'illégitime de la Audiencia Nacional, mais la mobilise contre ses adversaires politiques, en l'occurrence ceux qui soutiennent majoritairement en Catalogne le droit démocratique essentiel de l'autodétermination.

Ce sinistre personnage travesti en socialiste avait cautionné la décision anticonstitutionnelle, prise au nom de la Constitution, du gouvernement d'une droite, elle aussi issue en ligne droite du franquisme (1), de destituer, en 2017, les instances représentatives de la Catalogne par le "coup du 155" ! Coup, comme on dit putsch ? Si vous en doutez lisez de près l'article 155 de la Constitution espagnole ! Cette trahison des mots avait été redoublée, en retournant l'infamie du putsch, contre ceux qui en étaient victimes, les indépendantistes : putschiste était un référendum défendu pacifiquement par des milliers de gens protégeant leurs urnes... Comme le dénonçait Orwell, vous voulez abattre vos opposants, changez le sens des mots, inversez-le : surtout ne changez pas les mots, "seulement" leur sens ! Ainsi de la rébellion qui était au coeur du maxiprocès des indépendantistes mais qu'il fallut délaisser, au rappel douloureux de la rebuffade reçue à ce sujet par les justices allemande et belge lors des demandes d'extradition des exilé.e.s mais aussi face au risque de voir retoquée les sentences prononcées sous ce chef d'accusation !

Voilà tout ce qui se révèle à nouveau, avec l'invocation du terrorisme contre Tsunami Democràtic, et ces mots "à nouveau" font terriblement mal, certes sans comparaison avec la douleur éprouvée par ce père, mais tout de même : que, depuis maintenant des années, avec désormais des personnalités politiques condamnées mais également avec d'autres, humbles combattants pacifiques de la liberté, en voie de l'être, la démocratie espagnole puisse continuer à essayer de terroriser, par des imputations judiciaires orwelliennes doublant des violences policières inouïes, sans que ni les démocrates espagnols, ni les démocrates européens ne se lèvent en masse pour dire "stop, on ne passe plus, on bloque", en dit long sur l'affaissement de l'idée de démocratie. Vox, le Rassemblement National et tant d'autres en Europe, ont, par là, compris que les "démocrates" d'Etat qui terrorisent les mots pour terroriser les gens leur ouvrent la voie. Pedro Sánchez, dont certains trouveront peut-être choquant que je le qualifie de sinistre, a commis une faute impardonnable qu'il faut évoquer : par un jeu politicien infâme, indigne en tout point d'un démocrate (sans guillemets), un jeu préparé de longue date par tout ce qu'il a déversé contre la Catalogne de l'autodétermination, par tout ce qu'il a contribué à faire se développer comme catalanophobie hors de la Catalogne et qui coïncide exactement avec la feuille de route de Vox, il a pris la décision irresponsable de décrédibiliser (plus qu'elle n'était) la démocratie des urnes dont il se réclame, en provoquant une énième élection à 7 mois de distance... L'élection qui vient de permettre à l'extrême droite fasciste de plus que doubler le nombre de ses députés et de devenir la troisième force parlementaire du pays...

Le saut

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Pedro Sánchez : Et soudain, l'unique parti qui pouvait me piquer des électeurs du centre [Ciudadanos qui est sorti laminé des dernières élections] a fait un virage à droite et il s'est autodétruit ! Ah, ha, ah! Passons un accord !

Pablo Iglesias : Dis donc, tu ne mets jamais de parachute ?

Pedro Sánchez : Pour quoi faire ? Ah, ah, ah ! Au bout du compte, je retombe toujours sur mes pieds, Pablo ! TOUJOURS !

A retrouver sur le site de eldiario.es 

Et, pour couronner le tout de cette misérable instrumentalisation des mots, à commencer par celui de démocratie, pour voiler la réalité de sa politique de répression, ne voilà-t-il pas que notre bon socialiste opère le saut de l'ange, d'emblée vrillé par ce qu'il révèle d'esprit à courte vue et de grossière palinodie, d'un rapprochement politique pour gouverner ensemble avec celui qu'il n'a eu de cesse d'agonir de marques de mépris, je veux parler du triste Pablo Iglesias. "Triste" prêt à tout pour s'acoquiner (gouverner) avec "Sinistre", en portant l'estocade à l'espoir, qu'a incarné, certes brièvement, Podemos, celui d'une population maltraitée, suite à la "crise" de 2008, par les mesures d'austérité... qu'initia, par sa réforme du Travail, le compère socialiste de Sinistre, José Luis Zapatero. Ce qui valut à celui-ci la révolte des Indigné.e.s de 2011 en prélude à sa cuisante défaite électorale. Or ledit Zapatero, preuve que le ver de la manipulation des mots était aussi, précocement, dans le fruit podémite, nous a été promu par Pablo Iglesias, contre ce que les Indigné.e.s auxquels il devait tant, avaient clamé haut et fort, comme le meilleur président de gouvernement de la démocratie espagnole (lire ici) ! Cette oblitération du sens des mots, et donc des choses comme aurait pu dire Foucault, préparait le chef de Podemos, en bon professeur spécialiste en com' (Orwell emploierait ce mot aujourd'hui !), à la jouer, comme il n'aura pas manqué de le faire, "embrassons-nous Folleville" avec son alter ego socialiste ! Pour ceux qui douteraient que ce méchant attelage autoproclamé « de gauche » (Dalida : « Encore des mots, toujours des mots. Les mêmes mots […] Rien que des mots […] Des mots magiques, des mots tactiques Qui sonnent faux ») participe du bluff électoraliste auquel se résout, à défaut que les urnes aient répondu au plus près de ses besoins, le système de la monarchie parlementaire autoritaire réellement existante dans l’Etat espagnol, la lecture de l’accord signé par ce duo apparemment improbable pourrait avoir quelque effet décillant (lire ici en espagnol). Plus question d’envoyer à la poubelle la loi travail de la droite, cette mesure phare et un temps posée « incontournable » de Podemos, adieu l’autre revendication (certes sous condition de plus qu'hypothétiques négociations) de l’autodétermination en Catalogne… Des mots, rien que des mots… Alors pour des choses qui remettent les mots à l'endroit, il faudra compter sur (l’auto)détermination en cours des Catalans à lutter, à lutter pour la démocratie mais également sur ceux et celles qui, dans le reste de l’Etat espagnol, pourraient avoir à se résoudre à reprendre, là où les Indigné-es l’avaient laissé à disposition de Podemos, le fil de la mobilisation massive et radicale pour une vie décente et digne, au travail comme ailleurs… On notera, à ce propos, comment, sur les barricades surgies en Catalogne à l’annonce des condamnations prononcées par le Tribunal Suprême, de curieuses associations de mots fleurirent, qui sait, prélude automnal à un nouveau printemps politique : « ok pour l’indépendance, mais moi, c’est cette vie de merde que je veux casser, cette vie passée à la perdre au lieu de la gagner » !

Si jamais cette esquisse de convergence du social (partout) et du territorial-national (ici et là) se concrétisait et se répandait comme une traînée de poudre hors de la Catalogne, quels mots prévaudraient chez Triste et Sinistre au Palais de la Moncloa, le Matignon espagnol ? Haro judiciaire et policier sur les « terroristes » ? Et si c’était le Jefe de Vox qui finirait par donnerait le la ? Comment ça, le Jefe de Vox ? Désolé, les mots me manquent ce soir pour vous en dire plus… A chacun de penser la chose. Et de trouver les mots la désignant…

Dans l'instant, il me faut lire ce que la vice-présidente en exercice, pressentie pour être reconduite aux côtés du second vice-président envisagé, Pablo Iglesias, vient d'adresser comme nouvel avertissement à la Belgique (lire ici en espagnol) : le premier, passant par-dessus les procédures judiciaires engagées pour l'extradition de Carles Puigdemont, exilé ... à Watterloo (avertissement subliminal au matamore espagnoliste !), menaçait de représailles si on ne livrait pas dare-dare l'ancien président de la Généralité à l'Espagne (lire ici). 

Questions en guise de conclusion ouverte.

Vous avez dit politisation judiciaire et judiciarisation politique, par terrorisation, in and out, de l'autre qui opte pour le dissensus ? Et Pablo Igl... dans tout ceci qui se produit sous le régime de l'accord de gouvernement conclu... dans l'attente, très quadrature du cercle, d'une investiture parlementaire juste impensable sans l'appui de votes indépendantistes catalans et/ou basques et/ou galicien... ? Avant nouveau et définitif retournement "socialiste" ayant fini de faire, par le possible, sinon probable, échec de la tentative du pacte de gouvernement, la démonstration commencée avant la dernière élection, par la proclamation de l'impossibilité d'avoir à même tenter une telle solution de gouvernement, de la non-viabilité d'une solution "à gauche" ? Moyen sanchesque (le Don Quichotte de pacotille advenant en authentique Sancho Panza) de se conformer enfin à l'historique tropisme de parti du régime que partage le PSOE avec, par-delà le simulacre du bruit et de la fureur électoralistes, le PP ? Avec, à la clé, les retrouvailles avec le modèle bipartiste, si efficient jusqu'à l'irruption des Indigné-es, mais nécessitant seulement d'intégrer l'inédit, faute d'acquérir une majorité absolue en solo, d'avoir à en passer par l'abstention du second pour que le premier gouverne ? Avec, en point d'orgue,  la dédicace moliéresque au triste (lamentable ?) podémite : "Que diable allait-il faire dans cette galère ?" ?

Possible final farcesque d'un Podemos sans plus guère du pouvoir que porte sa dénomination par volonté suicidaire de prétendre prendre à son jeu politicien l'un des partis piliers de l'existant. Mais dramatiques conséquences pour des millions de gens s'ils ne se décident pas à se doter, en fuyant comme la peste toute délégation de pouvoir institutionnaliste, de leurs organiques outils politico-sociaux pour la transformation radicale de l'ordre des choses. Et pour redonner, car cela relève de l'incontournable politique, du sens aux mots ! Utopie ? Oui, comme l'histoire en a réalisées par des accélérations surprenant et débordant les esprits paresseux et/ou myopes ... Sí, ¡quién sabe!

Antoine

(1) Une droite qui, en passant des accords locaux de gouvernement avec les néofranquistes déclarés de Vox, montre que, partisane, comme d'autres à gauche, de "l'oubli" des crimes du franquisme nécessaire pour que soit "sa" démocratie,  elle n'a pas oublié, en ces temps de crise systémique, d'où elle vient et d'où elle peut trouver ses réponses politiques.