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Notes sur l’Iran

Iran

Lien publiée le 26 novembre 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://dndf.org/?p=18168

Un camarade nous a fait parvenir ce texte que nous publions tel quel.

Je ne vais pas lister tout ce qui se passe actuellement en Iran. Vous êtes certainement déjà au courant des événements. Je signale juste quelques points qui me semblent dignes d’intérêt:

D’abord quelques points de repère:

Il faut savoir que le salaire minimum est depuis plusieurs années autour de 1.500.000 Tomans ce qui d’après le cours d’il y a 2 ans  correspondait à 405 dollars. Aujourd’hui ce même montant ne correspond plus qu’à 125 dollars.

Officiellement le taux d’inflation est plus de 42 %. Vu que la production intérieure est quasiment à l’arrêt, tous les produits, mêmes de consommation courante sont importés et donc ils ont un prix mondial. Cette augmentation de tarif semble même affecter le peu de denrées produites sur place.

Avec les sanctions économiques il est extrêmement dur de trouver du travail; les chiffres officiels de l’année dernière  parlent de 30 % de chômage des jeunes ce qui est tout à fait invérifiable et de toute façon le chômage a explosé depuis l’année dernière.

Quelques témoignages

*D’après les derniers témoignages directs, la pauvreté est palpable; l’écart entre les classes est devenu un gouffre, un fossé illégitime, inacceptable et intolérable.

J’ai entendu un récit à cet égard significatif: un étudiant de l’université de Téhéran  raconte que pendant les cours il est assis à côté de quelqu’un qui possède une villa et des voitures de luxe  tandis que lui, il n’a même pas 200.000 tomans (~15 Dollars)  pour payer le loyer de sa petite chambre à Téhéran.

On voit dans un des témoignages qu’une vieille dame, de condition modeste vêtue de son tchador et un fichu sur la tête  est en train de condamner les pillages de ces derniers jours dans un Super Market de quartier; En plein milieu de sa phrase, disant que le vol est contre les préceptes de l’Islam et de Mohamed, elle éclate en sanglots en priant Dieu de lui accorder sa clémence car  avoue-t-elle honteusement elle a dérobé un sac de riz;  “ça faisait plus de 2 ans qu’on n’avait pas pu acheter du riz”  confesse-elle.

On voit a contrario tous les jours fleurir sur internet des exemples de logements, de vêtements et même de produits alimentaires de luxe qu’on n’oserait même pas imaginer en Europe.

J’ai même vu sur YouTube un rôti de veau entouré de feuilles d’or qu’on coupe en tranches et qu’on sert de cette façon!!

Ça en est devenu indécent.

Pourquoi le gouvernement iranien a procédé à cette augmentation du prix de l’essence?

C’est une question qui semble tout à fait logique car on peut difficilement trouver un timing plus inapproprié pour une augmentation tarifaire qui toucherait  a priori une large partie de la population.

En fait la raison dernière de cette décision se trouve dans l’impasse à laquelle le gouvernement iranien doit faire face, autrement dit il n’a pas d’autre solution que d’augmenter les taxes et les impôts.

Rouhani avait fait une intervention au Conseil des ministres (11 novembre 2019) parlant de leur déficit budgétaire en proclamant qu’il leur manquait plus de 300.000 milliards de tomans. (21.5 Milliards d’Euros). Il précise dans le même discours que le budget de l’État est de 450.000 milliards de Tomans (34 milliards de dollars) et que les rentrées pétrolières fournissaient  avant cette période 300.000 Milliards, le restant était assuré par les impôts et les taxes (150.000 Milliards);

Ce calcul simple était basé sur une production de 2,5 millions de barils par jour qui normalement rapportait 600.000 milliards de Toman par an (43 milliards de dollars) ; Mais tout ça est tombé à l’eau car aujourd’hui la production est de moins de 300.000 barils par jour. Et d’après Rouhani “ça ne leur rapporte pas grand-chose”. D’un autre côté, le gouvernement comptait sur une rentrée fiscale de l’ordre de 150.000 milliards de Tomans. Mais apparemment, vu la baisse d’activité énorme du pays due aux  sanctions, les rentrées fiscales aussi poseraient des problèmes.

La production de pétrole qui avait connu son apogée dans les années 1990 et qui procurait aux dirigeants de la République islamique des revenus pétroliers de plus de  110 milliards de dollars par an (dixit Rouhani le Président, avant-hier) et qui correspondaient à peu près à 6 millions de barils par jour est tombée aujourd’hui à moins de 300.000 barils, c’est-à-dire dans le meilleur des cas 5 milliards de dollars. Je précise “dans le meilleur des cas” car manifestement ils ont beaucoup de mal à trouver preneur pour leur pétrole vu les détours sans fin des pétroliers Iraniens sur les mers du globe; En plus, les sanctions les obligent à concéder des rabais considérables.

Incidemment, en étudiant ces chiffres qui viennent de différents discours de Rouhani ces dernières semaines, on s’aperçoit qu’avant les dernières sanctions américaines les revenus pétroliers étaient de 43 milliards de dollars et que seulement  la moitié de cette somme était versée au budget du pays. Autrement dit, même sous sanction, chaque année on avait quelques 20 milliards de dollars qui s’évaporaient dans les circuits opaques du financement de la République islamique.

Depuis les dernières sanctions américaines la République islamique se trouve donc dans une situation de déficit budgétaire qui l’oblige à une création de liquidités sans contrepartie; durant les 4 premiers mois de l’année (iranien) d’après Rouhani ils ont créé plus de 100 trillions de  tomans de monnaie, ce qui correspond à 1000 milliards de tomans par jour c’est-à-dire l’équivalent de 65 millions de dollars par jour, ce qui a tué la monnaie nationale.

Pour répondre à cette situation de crise budgétaire,  ils ont commencé depuis quelques mois à lutter contre la corruption massive, elle-même  engendrée par les tactiques de contournement des sanctions qui les obligent à créer des circuits intermédiaires par définition  opaques et non-contrôlables; Le gouvernement a été aussi obligé depuis quelques semaines d’entreprendre la chasse à “l’évasion fiscale” qui d’après le responsable du budget s’élève à 30 à 40.000 milliards de Tomans par an et aussi de critiquer les exemptions fiscales dont bénéficient les organismes religieux, les fondations et autres entreprise liées au “Bureau Exécutif du Commandement de l’Imam”. (Ce “machin” Gouvernemental  créé par L’ayatollah Khomeiny en 1989 était au départ un organisme de charité qui se trouve  aujourd’hui tout en haut de tous les organigrammes des sociétés et entreprises iraniennes et contrôle quasiment toute l’économie nationale;  d’après les chiffres de  Reuters (2013) Il possédait des biens s’élevant à 93 milliards de dollars; ce qui n’est évidemment que la partie visible de l’iceberg).

Donc une des solutions qu’ils ont trouvé c’est d’attaquer directement les couches moyennes qui  possédaient des voitures.

Il est à noter que dans le projet de l’augmentation du prix  des carburants ils ont soigneusement évité de mettre en colère les camionneurs; Rien que l’année dernière, par trois fois, les camionneurs ont exprimé leur mécontentement et ont démontré qu’ils arrivent réellement à bloquer le pays.

Donc le gouvernement a exclu le gasoil pour cibler leurs attaques sur les particuliers et ne pas créer un blocage total du fait de l’entrée des camionneurs et des autobus … dans la danse.. En Iran toutes les voitures particulières sont quasi-exclusivement des voitures à essence.

Les caractéristiques du mouvement de protestation

Le gouvernement au moment de sa prise de décision a manifestement sous-estimé des catégories entières de population qui utilisent leur voiture particulière à des fins de transport journalier mais aussi de moyens de survie.

Il y a toute une couche de population ouvrière vivant aujourd’hui dans les banlieues des grandes villes. Les loyers à Téhéran et dans d’autres villes importantes et leur  proximités étant extrêmement élevés et surtout nécessitant des cautions très importantes, les ouvriers ont été obligés d’habiter de plus en plus loin par rapport à leur lieu de travail; ce qui les oblige à faire de grands trajets journaliers. Une partie non négligeable de la population ouvrière des petites villes qui ont vu leur usine ou atelier  fermer pour des questions de politique industrielle ou qui ont été carrément licenciés à cause de l’arrêt des usines ou  la baisse d’activité suite au manque de pièces détachées ou des instruments techniques (à cause des sanctions occidentales) se sont empressés de trouver du travail dans les grandes villes. On voit ainsi apparaître une sorte d’exode rural ouvrier d’un nouveau type; les banlieues des grandes villes se transforment avec l’arrivée massive de cette nouvelle couche de population qui essaie de s’intégrer dans les emplois précaires des villes modernes;

 J’ai entendu le témoignage d’un ouvrier se trouvant dans une telle situation: Le gars avait trouvé un travail qui lui assurait 1.600.000 tomans par mois; avant l’augmentation des prix du carburant il payait  70.000 Tomans  par semaine pour son véhicule; avec l’augmentation des tarifs il voit plus de la moitié de son salaire partir dans le transport.

Il y a aussi tous ceux pour qui leur voiture est une source de revenu: tous les gens qui une fois leur boulot  régulier terminé transportent les voyageurs dans leur voiture personnelle (les chakhsi-s). Nous avons aujourd’hui en Iran, comme dans beaucoup d’autres pays,  des couches entières de la population des villes qui se livrent à cette activité. L’Ubérisation du transport urbain l’a encore renforcé (les Snapp). Même les fonctionnaires pauvres n’hésitent pas à faire quelques courses de ce type. Il y a même des étudiants qui se sont cotisés pour acheter une voiture et qui participent à ce genre d’activité à tour de rôle.

L’augmentation du prix de l’essence touche donc directement  les classes moyennes pauvres et  la classe ouvrière des banlieues, mais aussi toutes les couches de la société car  immanquablement ces augmentations vont avoir des conséquences au niveau des autres marchandises de première nécessité et ça, la majorité de la population l’a bien compris.

Le point de départ du mouvement de protestation

Dès l’annonce du gouvernement, les gens sont sortis dans la rue, avec ou sans voiture; leurs premières cibles étaient les stations-service. Ils ont également commencé à bloquer les grands axes de la ville.

Il est très difficile de reconstituer le point de départ du mouvement mais d’après le peu d’informations dont on dispose il semblerait que le mouvement actuel a démarré dans les banlieues pauvres des grandes villes et petit à petit s’est propagé dans les centres urbains; Ceci à travers les grands axes routiers, les autoroutes et  les grandes artères qui pénètrent dans les grandes villes. C’est ainsi que la tactique de blocage de ces axes a été très efficace et a pu dans certaines régions créer une coupure de flux considérable.

D’après les données officielles et durant les 5 premiers jours, se sont essentiellement les banques: plus de 300 à Téhéran, 44 Khorramābād, 63 en Ispahan … ont été attaquées et incendiées … Ainsi que les centres “idéologiques” dépendant du régime notamment les bases de bassidjis, les bureaux et les offices des imams de vendredi CAD ceux qui font la prêche de vendredi et qui sont les représentants direct du Guide …

Quelques mosquées et Corans aussi ont été brûlés mais tout le monde pense qu’il s’agit de provocations des forces de l’ordre pour pouvoir déstabiliser le mouvement et faire de la propagande à la télévision officielle.

La réaction du gouvernement :

Mensonge

Face aux événements le gouvernement a précipitamment commencé depuis avant-hier à verser une aide (de l’ordre de 50.000 Tomans par personne) sur le compte de 2 millions de ces familles pauvres et a promis de continuer dans la foulée pour les gens qui sont le plus dans le besoin. Cette somme devrait être ajoutée  au montant d’aides que les gens recevaient depuis le gouvernement d’Ahmadinejad. Mais aujourd’hui avec l’augmentation du cours des devises étrangères cette somme touchée par les “pauvres” qui était de 45000 tomans par personne (au cours actuel c’est quelque chose comme 3 € par mois!!) a perdu deux tiers de sa valeur. Les deux aides se cumulant, on aurait quelque chose comme 100000 tourments (c’est-à-dire 6 à 7 € par mois)

Aussi le gouvernement a promis de contrôler les prix de façon à empêcher la contagion de l’augmentation des tarifs. Mais personne ne croit à cette promesse.

D’ailleurs le régime, dès qu’il a constaté l’impopularité de cette réforme, a promis ne rien verser de ces taxes au budget de l’État et de consacrer entièrement cette somme à verser une aide financière aux “18 millions de familles nécessiteuses du pays c’est-à-dire à plus de 60 millions de personnes”!!!

Répression

On a remarqué dans la répression une sorte de jusqu’au-boutisme:

Le pouvoir n’a pas voulu attendre une progression lente et une montée  des manifestations pour montrer les dents mais, une fois sa chape de plomb mise en place grâce à la coupure totale de l’Internet, il a utilisé des snipers et visé la tête et la poitrine des manifestants.

Un mode de répression largement utilisé par l’armée des Gardiens de la Révolution de la République islamique pour réprimer les forces  de protestation en Irak durant  les derniers mois. La branche d’intervention étrangère des Gardiens de la Révolution qu’on appelle la Force GHODS (Jérusalem) y est extrêmement active et mène la répression; Cette force composée de plus de 15000 soldats et mercenaires est également présente en Syrie, au Liban et au Yémen. Par ailleurs nous savons qu’ils ont constitué dans ces pays des forces parallèles inféodées de type Hashd’Ol’Shaabi en Irak. Nous constatons que les soulèvements dans ces pays prennent des allures nationalistes anti-République islamique flagrantes.

Avant-hier on a eu une première manifestation de ce type au Yémen.

Au bout de 5 jours de manifestations et de mouvement de contestation on compte plus de 300 morts, des milliers de blessés et plus de 3000 arrestations. Ceci en comparaison avec la flambée de protestations d’il y a 2 ans montre la détermination du régime à défendre ses positions jusqu’au bout.

Dans les premiers jours de soulèvement en Iran, on n’a pas constaté une présence massive des forces de l’ordre compte tenu de  l’importance et de la dissémination du mouvement… et au bout de 5 jours ils semblaient épuisés et dépassés. Cette pénurie relative, les oblige à être constamment mobiles; nous voyons des patrouilles et des  “brigades de voltigeurs” (du type Pasqua) arriver sur un point de coagulation, intervenir très rapidement, matraquant, tabassant tout le monde et  essayant de dénouer le blocage en procédant à des arrestations et puis se déplacer vers un autre point de fixation.

Ce mode de répression c’est-à-dire l’utilisation des snipers pour tuer et blesser les manifestants, associé à une présence très mobile des forces de l’ordre a déjà démontré son efficacité en Irak.

Parmi les forces de répression on a essentiellement remarqué les bassidjis, les policiers, les flics en civil (Équivalent des gens de la BAC – Sans brassard évidemment) très souvent portant des masques pour ne pas être reconnu. Du moins dans les premiers jours, la présence des Gardiens de la Révolution avec leur uniforme n’était pas visible. Ils intervenaient essentiellement en s’habillant comme les autres flics.

En fait, ils sont en train d’annoncer  haut et fort qu’ils ne toléreraient  aucune espèce d’opposition même légale et dans le cadre de leur légalité spécifique. D’ailleurs, le lendemain des événements le Parlement iranien a d’abord demandé que la question de l’augmentation du prix de l’essence soit examinée par le Parlement mais après la première intervention du Guide, ils ont retiré cette proposition; toutes les ailes du pouvoir se sont unifiées pour réprimer le mouvement et l’attribuer aux forces impérialistes soutenant le fils du dernier Shah ou carrément aux Moudjahidines du peuple. D’ailleurs ces deux forces s’entendent de mieux en mieux et essaient de présenter une alternative  acceptable à l’Occident. Elles sont très fortement engagées dans des relations diplomatiques avec ces pays et préparent  le retour de l’Iran dans le “Concert des nations”.

Depuis quelques mois, toutes ces forces à l’étranger ce sont unifiées au sein d’un organisme appelé “Conseil de Gestion de Transition Nationale” qui  prône une transition pacifique et un dépassement sans heurt de la République Islamique. Ils se réclament de Gandhi et de Mandela et sont “pour la création d’un Moyen Orient sûr et stable”. Dans leur Communiqué ils annoncent, une fois leur pouvoir établi, “la création d’un Marché Commun du Moyen-Orient composé de la Turquie, des Arabes, d’Israël et de l’Iran qui va établir les bases réelles de collaboration régionale et l’établissement d’une paix et d’une sécurité garantissant le commerce et l’industrie dont le Moyen-Orient a besoin”.

 *La coupure totale de l’Internet semble être un autre élément au service de la tactique jusqu’au-boutiste de la répression. Ils ont pour la première fois coupé la totalité des communications internet du pays en interne et externe au prix de lourdes pertes financières journalières. Depuis une dizaine d’années on avait entendu parler d’un projet spécifique de  surveillance et contrôle de l’internet sous le vocable de “ l’Internet national”. Apparemment ce projet a été réalisé; Aujourd’hui c’était l’occasion pour eux de le mettre le projet en pratique et le tester à l’échelle nationale.  C’est un coup de force technologique très important qui montre qu’ils ont renforcé la structure de réseau de communication interne. Apparemment ils ont réussi à créer ce système très sophistiqué permettant de contrôler l’internet comme s’il s’agissait d’un intranet avec possibilité de fermeture de réseau sur des sphères particuliers; Ce qui, après coup, leur a apparemment permis de rebrancher de façon sélective le réseau permettant ainsi de le faire fonctionner au service des forces de l’ordre mais également pour les transactions bancaires et commerciales;  d’ailleurs le régime à  clairement conditionné la reprise des connections internet des régions à leur stabilité et leur sécurité.

Les spécificités du mouvement actuel

Depuis la prise du pouvoir du régime islamique en 1979 nous avons été témoin de divers mouvements de protestation. Ces mouvements dans les années 80-90 ont été essentiellement des mouvements revendicatifs de la part des étudiants, des enseignants, des femmes, des retraités et autres catégories sociales notamment  un très grand nombre de fois des ouvriers: une organisation de soutien du mouvement ouvrier a comptabilisé plus de 1700 actions et mouvements durant ces années.

Toutes ses protestations respectaient en gros le cadre de la légalité de la République islamique même si celle-ci leur répondait par la plus grande des brutalités: nous ne comptons plus le nombre de personnes emprisonnées, torturées et  exécutées sous la République islamique.

Le dernier de ses mouvements est en 2009 au moment des élections de Mahmoud Ahmadinejad. Là aussi le slogan dominant  est resté sur le plan politique et pouvait être considéré comme un soutien à l’aile réformatrice du régime.

Et puis nous avons eu la flambée de violence des protestations de décembre 2017 / janvier 2018:

La spécificité de ce mouvement était ses aspects très populaires qui ont fait apparaître sur la carte iranienne des petits villages qu’on ne connaissait même pas de nom. Il s’agissait vraiment des régions oubliées et arriérées du pays qui ont protesté sous forme d’un embrasement incontrôlable qui dépassait toute forme de revendications et qui a démontré un potentiel de destructions insoupçonné; les centres des grandes villes n’ont pas suivi le mouvement. Ces régions arriérées, essentiellement agricoles vivotaient notamment grâce aux  petites subventions de l’État et suite à plusieurs années de sécheresse et de crise de l’eau en Iran se trouvaient dans une situation invivable. Aussi avec les nouveaux découpages des régions, ces  zones se sentaient lésées dans l’allocation des ressources de l’Etat.

Le mouvement actuel, à beaucoup d’égards, nous fait remémorer la protestation de l’hiver 2017:

– Le fait qu’il n’y a pas de revendications spécifiques, même si les protestations ont commencé par une question de tarif des carburants, très vite Les slogans ont ciblé la totalité du système (le Nezam).

– Le mouvement n’as pas peur et n’hésite pas à employer la violence malgré toutes les conseils, les exhortations et les directives de la bien-pensance libérale.

– Cette violence n’était plus uniquement défensive; à plusieurs reprises ils n’ont pas hésité à attaquer les forces de l’ordre; il y a eu des militaires abattus par balle et aussi un religieux tué par arme blanche.

-les gens ont  attaqué directement les banques mais aussi les institutions religieuses tout en faisant très attention de distinguer les centres religieux attachés au pouvoir et les symboles religieux populaires. D’ailleurs le régime à essayer de discréditer  le mouvement en incendiant lui-même des mosquées et en brûlant des Corans; ils ont fait des reportages entières sur ces ”mécréants” à la radio et la télé nationale.

*In Fine  le point le plus important: il semblerait que la classe ouvrière en tant que telle ne participe que de façon dispersée et diluée dans le peuple. La raison tout d’abord est très certainement la situation réelle de l’appareil productif du pays qui notamment du fait des sanctions et de manque d’accessoires ou composants entrant dans le produit final est  à l’arrêt; un grand nombre d’usines et d’établissement  se trouvent en  situation de fermeture;

Ce qui a obligé Rouhani de dire très clairement dans ses disputes contre l’aile conservatrice: “votre obstination dans le refus de négociations avec les Occidentaux impose au pays un arrêt total.”

Parmi les usines qui sont toujours plus ou moins en fonctionnement les ouvriers souffrent d’un retard de paiement des salaires de plusieurs mois en même temps que le pouvoir d’achat de ce salaire était divisé par trois;

Un grand nombre  de PME sont en grève ou dès les premières agitations au sein de l’établissement, le patron préfère fermer complètement l’usine et mettre les gens dehors; ce qui fait qu’on ne voit pas une grande participation de la « classe ouvrière » à proprement parler dans ce mouvement; il a même été entendu dans les analyses de prétendues forces de gauche qu’il faut “imposer la grève” (!)  par le blocage des flux de circulation notamment en direction des établissements de production de pétrole et de pétrochimie en général.

J’ai même lu des tracts qui “invitent” les ouvriers à rejoindre le mouvement de protestations!

Quand, au moment des inondations de l’année dernière, dans le Sud du pays (à Ahvaz) la population était en colère du fait qu’aucun organisme étatique n’était venu les secourir, le régime qui a pressenti le vent de révolte a fait entrer dans le pays ses milices irakiennes le Hashd’Ol’Shaabi soit disant pour aider les gens mais en fait pour les intimider et les effrayer.

Depuis plus de deux mois la population irakienne, majoritairement chiite s’est révoltée contre la présence des Pasdarans et les interventions incessantes du personnel iranien dans les affaires internes du pays.

Les iraniens qui dès la prise du pouvoir en Iran, sentaient de façon confuse et idéologique les bienfaits de leur présence dans la région ont inventé le concept de “l’exportation de la révolution islamique”; ce concept leur permettait de continuer la révolution en terre sainte sous bannière de la lutte anti impérialiste et des luttes de libération nationale. Leur incursion pendant la guerre Iran-Irak en territoire ennemis les a mis en appétit et le renversement de Saddam Hussein suivi de l’effondrement de l’Etat irakien a créé un vide géopolitique que l’armée des gardiens de la révolution et le guide suprême rêvent de combler.

Depuis 2003 donc Ils pénètrent sournoisement les structures politiques et économiques en dépensant des fortunes. La création et le financement de leur milice, la mise en place des candidats inféodés et des circuits spécifiques de transactions commerciales pour contourner les sanctions, des contacts juteux signés par leur intermédiaire … une population avec une majorité chiite, une R I comme modèle de l’Etat, tout le corps conceptuel de l’islam militant, un discours anti impérialiste et anti américain aguerri et prêt à emploi, des ressources financières illimitées et dans le viseur l’exploitation des puits irakiens et  5 millions de barils par jour ! Aujourd’hui, Le patron de l’armée de Ghods, Kâzem Soleymani donne des ordres au premier ministre et c’est lui qui a mené la répression de ces derniers mois. Le chef de la police irakienne a plusieurs fois déclaré que ses hommes ne sont pas autorisés à tirer sur la foule … les exactions sont commises par des milices portant des masques … exactement comme ceux qu’on a vu ces jours ci à Téhéran et les autres villes iraniennes. Les manifestants irakiens qui ont attaqué le consulat iranien, qui brûlent les drapeaux de la R I et les photos du guide connaissent bien leur ennemi.

Ce sont les mêmes fusils d’assaut qui visent les travailleurs irakiens et iraniens. Les événements du Liban, même s’ils mettent les mêmes acteurs en scène semblent avoir des ressorts plus “politiques” et en Syrie ce sont les Pasdarans sans déguisements qui interviennent.

L’Iran qui sous le Shah jouait le rôle de « Gendarme du Golfe » semble aujourd’hui mener la répression pour son propre compte : La répression est devenue régionale.

Le Capital est-il en train de nous indiquer la voie?

H. le 22 novembre 2019