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Violence de la répression contre le mouvement social : la justice première responsable
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Régis De Castelnau
Avocat à la cour et blogueur
"Des trois outils de répression dont dispose le pouvoir, à savoir les médias caporalisés, les forces de police, et l’autorité judiciaire, c’est bien celui-ci qui est le plus important".
La grande journée du 5 décembre dont personne à part quelques militants déguisés en journalistes, n’a pu nier qu’elle était un grand succès a pourtant encore été marquée par d’intolérables violences policières. Aux quatre coins de la France, des caméras nous ont montré des forces de l’ordre utiliser sans aucun complexe une violence parfois sans frein faisant rejaillir sur l’ensemble du corps de la police un déshonneur qui mettra très longtemps à se dissiper.
Depuis un an, des policiers dévoyés, s’en donnent à cœur joie et utilisent tranquillement des méthodes dignes de milices de nervis, contre des manifestants voulant user de leurs libertés constitutionnelles. Le tout sous le regard des caméras, des témoins, et de la presse étrangère effarée, sans que cela émeuve beaucoup la presse mainstream. À longueur de plateaux et de colonnes, les éditocrates se relaient pour stigmatiser les violences des manifestants et rester muets sur l’effarant bilan d’un an de violences policières. Et Emmanuel Macron aura beau dire «ne parlez pas de ‘répression’ ou de ‘violences policières’, ces mots sont inacceptables dans un Etat de droit.», le catastrophique Castaner « qu’il faut arrêter de parler de violences policières » et Laetitia Avia proférer sur Mediapart devant un Plenel complaisant cette vilenie : « Apportez-moi une violence constatée et je serais la première à la condamner », il n’est personne pour douter de l’existence de ces violences. Et pas grand monde ne peut se faire d’illusions sur leur caractère politiquement délibéré et organisé, probablement sur ordre comme l’a démontré l’opération de la place d’Italie le 16 novembre dernier avec le comportement du préfet de police de Paris dont Jean-Luc Mélenchon dit à juste titre « qu’il a des méthodes de psychopathe ».
Sous la pression des réseaux où circulent témoignages des exactions, et commentaires de la presse étrangère, une partie de la grande presse nationale s’est sentie contrainte changer un peu son fusil d’épaule et de rapporter de façon beaucoup plus exacte ce qui se passe. Mention spéciale au journal le Monde qui a commencé à se pencher sur ces dérives avec honnêteté.
L’impression désastreuse laissée par l’installation de cette répression violente se nourrit bien sûr, de son bilan épouvantable en termes de décès, d’amputations, de blessures souvent gravissimes, mais aussi et surtout de cette impression d’une violence complètement débridée, utilisée absolument sans complexe et nourrie par un sentiment d’impunité qui pousse à la surenchère.
Comment en est-on arrivé là ?
Pour une raison très simple : ceux dont c’est la mission de contrôler l’utilisation par les forces de police de la violence légitime de l’État, ce sont les magistrats du service public de la justice. Ce sont eux qui sont chargés de notre protection face à ces débordements. Toutes ces violences dont le remarquable travail réalisé par David Dufresne nous permet d’avoir idée de l’importance, sont autant d’infractions sévèrement réprimées par le code pénal.
Il y a les violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique prévues et réprimées par les articles 222-7 et suivants du code pénal. Une lecture rapide montre bien que les violences volontaires comme le fait d’éborgner en visant la tête avec un LBD ou un lance-grenade sont des crimes relevant de la cour d’assises ! Comment qualifier autrement que de « tentative de meurtre » l’attentat dont a été victime le malheureux Olivier Beziade, pompier volontaire bordelais le 12 janvier 2019. Et il y a bien sûr aussi des violences volontaires moins importantes pour lesquelles dans toutes les incriminations du code, le fait qu’elles soient commises par des forces de l’ordre sont des circonstances aggravantes ! Ce sont donc bien les violences policières que le législateur a entendues réprimer particulièrement.
Malheureusement la réponse judiciaire qui était du devoir des magistrats compétents est simplement un désastre, fruit d’une défaillance majeure dans le fonctionnement de la Justice française.
Il y a cependant une chose curieuse dans les débats autour des violences policières depuis un an, c’est que la plupart de ceux qui les condamnent pointent la responsabilité du ministre de l’intérieur et de son chef installé à l’Élysée et celle bien sûr les auteurs directs de ces violences. On parle aussi beaucoup du rôle de IGPN comme organisme disciplinaire interne préposé à l’étouffement et à l’impunité. Mais très peu des premiers responsables, ceux qui magistrats des parquets et juges du siège ont la responsabilité par la répression de ces violences illégales. Et dont la mission est de protéger notre intégrité physique et nos libertés à commencer par celles constitutionnelles de manifestation et d’expression. Or, c’est justement cette étonnante défaillance qui a permis au président de la république et à ses amis de lâcher les chiens, dans le but avéré de réprimer, de brutaliser, d’estropier, d’intimider et d’empêcher la contestation de la politique voulue par ce pouvoir minoritaire. On n’oubliera pas non plus les 5000 gardes à vue manifestement abusives, qui étaient autant de séquestrations arbitraires couvertes par les parquets quand elles n’étaient pas directement organisées par eux.
Une Justice instrument politique du pouvoir?
On a déjà dit à plusieurs reprises que l’autorité judiciaire avait en grande partie rallié le pouvoir macroniste et s’était mis à sa disposition. L’élection circonstancielle d’Emmanuel Macron en 2017 a amené au pouvoir un homme et un groupe décidés à imposer au pays une politique dont majoritairement il ne veut pas comme vient de le démontrer Romaric Godin avec clarté dans l’ouvrage qu’il vient de publier. Des trois outils de répression dont dispose le pouvoir, à savoir les médias caporalisés, les forces de police, et l’autorité judiciaire, c’est bien celui-ci qui est le plus important et aujourd’hui le plus utile.
Sa fonction est triple :
• protéger les amis du pouvoir et leur éviter autant que faire se peut les soucis judiciaires. L’expérience a bien montré le rôle que devait remplir le nouveau procureur de Paris choisi par Emmanuel Macron.
• Instrumentaliser la justice à des fins politiques contre les opposants institutionnels, Marine Le pen et Jean-Luc Mélenchon en savent quelque chose…
• mener une répression de masse contre le mouvement social des gilets jaunes. Le bilan inouï de 3000 condamnations distribuées en quelques mois dont 1000 assorties de peines de prison ferme, est là pour en établir la réalité. Il suffit aussi d’entendre les communiqués chiffrés de victoire d’Édouard Philippe et de Nicole Belloubet devant le Parlement. Mais ce que l’on a tendance à oublier c’est la deuxième facette de ce pouvoir de répression, caractérisé par le refus obstiné, d’abord des parquets, de poursuivre efficacement les violences policières.
On ne va pas ici , faute de temps et de place, faire la liste de tous les exemples qui documentent cette réalité, nous contentant de revenir sur deux d’entre eux, tellement emblématiques de cette dérive, qui se sont précisément déroulés le jour de la grande manifestation syndicale.
Il y a tout d’abord cette vidéo où l’on voit dans une rue de Paris, deux policiers en uniforme adopter un comportement de nervis pour s’acharner brutalement sur un homme à terre. Elle a fait le tour des réseaux provoquant enfin le scandale politique que mérite ce genre d’agissements. Alors on nous dit que le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire, mais compte tenu justement du scandale, il ne pouvait faire autrement ! On rappellera cependant que l’enquête préliminaire n’est pas contradictoire et qu’elle est secrète. Qu’elle est à priori confiée à l’IGPN dont on sait maintenant, et notamment depuis l’affaire Canico ce qu’il faut en penser. Jusqu’à présent lorsque les parquets ont été contraints et forcés de prendre de telles initiatives cela a débouché sur des classements sans suite aussi massifs qu’invraisemblables. Pas une suspension, pas une garde à vue, pas une mise en examen jusqu’à présent. Juste sur plusieurs centaines d’affaires, une seule audience de jugement assez ridicule pour donner le change. Ce n’est pas avec cette initiative d’ouverture d’enquête que le parquet de Paris dirigé par le magistrat choisi par Macron va redorer son blason.
Il y a ensuite un épisode qui s’est déroulé au Havre et filmé par deux jeunes garçonsassis dans leur voiture garée sur un parking. Deux policiers en furie se précipitent vers eux et malgré les objurgations des deux personnes qui n’opposent aucune résistance, ils dégradent violemment le véhicule et en extirpent brutalement les deux occupants. Malheureux, il y avait un gilet jaune sur le tableau de bord ! Vous ne saviez pas que dans la France de Macron c’est un crime justifiant cette intervention violente ? Eh bien, il s’est trouvé un membre du parquet local pour couvrir la garde à vue infligée à la suite, et histoire de faire bon poids pour habiller le tout, les deux gamins se sont vus délivrer une citation en correctionnelle !
Mais revenons pour conclure sur la petite séquence de l’interview complaisante de la députée LREM. Il y avait pire finalement que les déclarations Laetitia Avia. L’attitude de cette dirigeante du Syndicat de la Magistrature venant benoîtement dire qu’elle avait peur d’aller à la manifestation du 5 décembre à cause des violences policières.
Vous avez raison Madame, user de sa liberté constitutionnelle de manifestation est devenu désormais dangereux. Mais qu’avez-vous fait depuis un an, votre organisation syndicale et vous même pour réellement dénoncer et combattre ces violences ? Vous nous dites les avoir dénoncés depuis plusieurs mois, la consultation de votre site démontre pour le moins une prudente parcimonie. Mais surtout, qu’ont fait vos collègues pour poursuivre fermement et ainsi prévenir toutes ces violences illégales ? Quand avez-vous critiqué cette défaillance de la Justice, de votre Justice, dans le contrôle des violences policières, défaillance qui les a permises ?
Et comment pouvez-vous accepter que le principal outil de répression dont se sert Macron contre le mouvement social soit celui du corps auquel vous appartenez ?