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    Armée et extrême droite: des militaires en retraite rêvent d’insurrection

    Lien publiée le 27 avril 2021

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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    Le soutien de Marine Le Pen à l’appel d’un groupe d’anciens militaires suscite la polémique. A l’origine, un capitaine qui a quitté l’uniforme en 1987

    Le putsch des généraux français d’Alger en 1961. Le putsch des généraux français d’Alger en 1961.

     

    Publiée la semaine dernière dans Valeurs Actuelles, une lettre ouverte signée de plusieurs centaines d’anciens militaires, dont plus d’une vingtaine de généraux, a provoqué de nombreuses réactions. La ministre des Armées Florence Parly a dénoncé ce texte « signé par des militaires à la retraite, qui n’ont plus aucune fonction dans nos armées et ne représentent qu’eux-mêmes » et s’en prend, dans Libération, à Marine Le Pen pour son soutien à cette lettre. Jean-Luc Mélenchon a parlé d’une « stupéfiante déclaration de militaires s’arrogeant le droit d’appeler leur collègue d’active à une intervention contre les islamogauchistes ».

    Soixante ans, presque jour pour jour, après le putsch des généraux français à Alger, le 22 avril 1961 (1), le fantasme d’une prise de pouvoir par l’armée agite l’extrême droite et fait frémir la gauche. Tout commence mercredi 21 avril avec la publication sur le site de Valeurs actuelles sobrement intitulé « Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants : 20 généraux appellent Macron à défendre le patriotisme ».

    Sobre, le contenu de cette lettre ouverte l’est nettement moins : « Nous sommes disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation. Par contre, si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles ».

    « L’intervention de nos camarades d’active » : en clair, les armées s’engageraient contre le « délitement » de notre pays et pour « l’éradication des dangers » qui le menacent, comme « l’islamisme, les hordes de banlieue, un certain antiracisme ». La lettre défend également « les Français en gilets jaunes qui expriment leur désespoir ».

    Deuxième section. Inspiré de la littérature d’extrême droite, ce texte est signé par vingt-quatre généraux et plusieurs centaines d’officiers, sous-officiers et militaires du rang. Tous les généraux en question ont quitté le service actif, certains depuis très longtemps. Ils sont « en deuxième section » (2S), un statut militaire particulier qui n’est pas vraiment la retraite. S’ils n’exercent plus de responsabilités, les généraux 2S conservent néanmoins un lien organique avec les armées. Quant aux autres signataires, le ministère des armées vérifiait lundi si certains servent dans l’active, auquel cas ils s’exposeraient à des sanctions. Les généraux 2S pourraient eux aussi faire l’objet d’une mesure disciplinaire. Florence Parly a réagi dimanche soir sur Twitter, parlant d’une « tribune irresponsable » et de « militaires à la retraite qui ne représentent qu’eux-mêmes. » Pas tout à fait encore « un quarteron de généraux en retraite » selon les mots du général De Gaulle.

    Parmi ces généraux, on trouve Christian Piquemal, déjà sanctionné en 2019 pour être allé manifester à Calais contre « l’islamisation de l’Europe », François Gaubert, élu RN au conseil régional d’Occitanie en conflit avec son parti, Emmanuel de Richoufftz, auteur de nombreux livres et qui se présentait comme le « général des banlieues », Antoine Martinez, très actif à l’extrême droite et qui vient d’annoncer son intention de se présenter à la présidentielle ou encore Dominique Delawarde, pro-russe et critique du sionisme.

    Aucun général d’armée (cinq étoiles) n’est signataire de ce texte. Le général Bruno Dary, qui avait été actif dans la Manif pour tous, aurait été approché mais n’a pas signé l’appel. Le général Pierre de Villiers, ancien chef d’état-major, s’en tient évidemment à l’écart, même si d’aucuns lui prêtent des ambitions politiques confortées par les sondages. Son frère Philippe, faisait la semaine précédente, la Une de Valeurs Actuelles avec le titre : « J’appelle à l’insurrection ». Cela finit par créer un climat assez malsain. Leur père, Jacques de Villiers, avait été emprisonné pour sa participation à l’OAS, l’organisation terroriste pro-Algérie française, active après l’échec du putsch de 1961.

    Coup de tête. A l’origine de l’appel des militaires se trouve le capitaine Jean-Pierre Fabre Bernadac. Agé de 70 ans, il a quitté l’uniforme en 1987. Joint par l’Opinion, il explique n’avoir « jamais eu d’engagement politique », même s’il a été dans les « mouvements patriotiques » lors de ses études à Sciences Po Toulouse. Après quelques années dans l’armée de Terre, au 1er régiment d’infanterie, ce fils d’un militaire et d’une pied-noir passe dans la Gendarmerie comme capitaine. Il en part, « sur un coup de tête » après avoir transmis des informations à un élu FN du Rhône. Il se reconvertit dans la sécurité privée pour un groupe de luxe et écrit plusieurs ouvrages comme Les strings de l’armée rouge (sic) ou Ils ont tué le fils Daudet. Sa récente « Lettre ouverte à nos gouvernants» paraît en même temps qu’un livre Les Damnés de la France relayé par un site internet, place-armes.fr.

    Interrogé sur les signataires, Jean-Pierre Fabre Bernadac assure « ne pas faire le tri » entre les retraités, les réservistes et d’éventuels « gens d’active ». « J’espère qu’il n’y a en pas », avoue-t-il, par crainte de sanctions pour eux. Un millier de nouveaux signataires se seraient déjà ajoutés au 1 200 enregistrés au début du week-end.

    Vendredi, Marine Le Pen a apporté son soutien à cet appel : « Je partage vos analyses » et « je vous invite à vous joindre à nous » pour la campagne présidentielle, écrit la présidente du RN dans Valeurs actuelles. Jean-Pierre Fabre Bernadac y voit du « racolage » même s’il reconnaît que Marine Le Pen est une « patriote » comme « il y a chez LR ou Michel Onfray », le philosophe souverainiste.

    « Les mots de madame Le Pen reflètent une méconnaissance grave de l’institution militaire, inquiétant pour quelqu’un qui veut devenir chef des armées », a réagi la ministre Florence Parly. Nombre d’observateurs jugent que cette démarche de la présidente du RN est « un faux pas, une erreur politique » qui la poursuivra alors qu’en pleine « normalisation », elle n’en avait pas besoin. Selon les rares études de l’Ifop ou du Cevipof, les militaires votent déjà nettement plus pour le RN que la moyenne nationale.

    (1) Maurice Vaïsse, « Le putsch d’Alger », Odile Jacob, 2021.