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Crise économique et sociale: le mouvement ouvrier doit réagir !
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le 22 avril dernier, Jean Castex annonçait la réouverture des écoles le 26 avril, des collèges et lycées le 3 mai. Il confirmait aussi l’objectif de rouvrir certains commerces et lieux culturels à partir de la mi-mai. Pour justifier ce calendrier, le Premier ministre faisait valoir un « ralentissement réel » – mais modéré (-17 %) – de la circulation virale depuis la mi-avril.
Aucun autre élément sérieux ne vient justifier les annonces de Jean Castex. On sait déjà que, dans les établissements scolaires, le nombre de tests sera très insuffisant. A l’échelle de toute la population, la politique de dépistage et d’isolement reste inefficace, faute de moyens et de personnels pour la mener de façon massive, rationnelle et planifiée. Quant à la campagne vaccinale, le gouvernement a beau proclamer sans cesse l’accélération de son accélération, elle est d’une lenteur criminelle – faute de doses. Le 23 avril, 13,8 millions de personnes avaient reçu au moins une première dose de vaccins ; 5,4 millions avaient reçu deux doses, soit à peine 8 % de la population.
Le 6 avril, Macron prétendait que, début mai, nous serions en mesure de « prendre le virus en tenaille entre les mesures de freinage et la vaccination ». Fin avril, nous en sommes encore très loin. Dès lors, le risque est grand que, dans les semaines qui viennent, l’épidémie reparte à la hausse ou se maintienne sur un « haut plateau », alors que le système hospitalier est toujours saturé et que plusieurs centaines de personnes meurent du Covid chaque jour, auxquelles s’ajouteront les victimes des opérations déprogrammées. C’est ce que le gouvernement ose appeler « vivre avec le virus ».
Enfin, la circulation de variants résistant aux vaccins représente un risque majeur que les mesures de contrôle aux frontières ne permettront pas, à elles seules, de neutraliser.
Orgie et gueule de bois
Nous l’expliquons depuis le début de la pandémie : la soi-disant « politique sanitaire » du gouvernement est entièrement subordonnée à l’objectif de défendre les profits des grands groupes capitalistes, quitte à sacrifier des dizaines de milliers de vies. « Vivre avec le virus » cache un autre mot d’ordre, qui ne concerne qu’une minuscule fraction de la population : « S’enrichir malgré le virus ». Pour les patrons de l’industrie pharmaceutique (entre autres), c’est même : « S’enrichir grâce au virus ».
Plus généralement, les capitalistes s’enrichissent grâce aux énormes quantités d’argent déversées sur les marchés financiers par les Banques Centrales. Droguées aux liquidités gratuites, les bourses mondiales s’envolent. Les pertes massives de mars 2020 sont effacées et oubliées ; l’heure est aux nouveaux records. Aux Etats-Unis, le S&P500 est à son plus haut niveau historique. En France, le CAC 40 a retrouvé des niveaux inconnus depuis février 2000.
L’euphorie boursière des derniers mois fait redouter un krach financier, titrait le Figaro du 23 avril. De fait, un nouveau krach est inévitable et peut intervenir à tout moment. Mais ce qui nous menace, ce n’est pas seulement une « correction » sur les marchés boursiers ; c’est une crise plus générale, une nouvelle et profonde récession mondiale. Il est impossible de dire quand elle interviendra, mais tous les éléments en sont réunis, notamment sous la forme de bulles spéculatives et de dettes colossales. Par exemple, une poussée de l’inflation obligerait les Banques Centrales à relever soudainement leurs taux d’intérêts, ce qui provoquerait un resserrement brutal du crédit aux entreprises, une chute de l’investissement productif, des faillites en cascade – et une panique boursière. Tôt ou tard, l’orgie spéculative sera suivie, comme toujours, d’une puissante gueule de bois.
Cette perspective n’est pas le fruit d’une sombre imagination marxiste. L’économiste Marc Touati, qui n’a rien d’un bolchevik, avance le même scénario : « si l’inflation dépasse durablement les 2,5 % (comme nous l’anticipons), les taux d’intérêt des obligations d’Etat vont augmenter d’au moins 1,5 point. Ce qui s’apparentera à un krach obligataire. Dans ce cadre, les taux d’intérêt des crédits se tendront d’au moins 2 points. Ce qui affaiblira l’activité économique, dégonflera la bulle immobilière (en particulier en France), accroîtra le chômage, les déficits et la dette, et donc relancera encore à la hausse les taux d’intérêt des obligations d’Etat. Compte tenu de la survalorisation des marchés actions, un krach boursier devrait également se produire, affaiblissant encore l’activité économique ». [1]
Décalage
Le fardeau d’une nouvelle récession mondiale tomberait intégralement sur les épaules des travailleurs et des classes moyennes. Mais avant même qu’une nouvelle crise n’éclate, les conditions de vie et de travail de la masse de la population se dégradent de jour en jour. En France, les grandes entreprises multiplient les plans sociaux ou imposent l’austérité salariale. Le chômage et la précarité augmentent. Le « quoi qu’il en coûte » du gouvernement ne s’applique pas aux plus fragiles : l’assurance chômage est attaquée.
Tout ceci appelle une réponse massive de la jeunesse et du mouvement ouvrier. Malheureusement, les dirigeants de la gauche et du mouvement syndical ne sont pas à la hauteur de l’extrême gravité de la situation.
N’ayant strictement rien de sérieux à proposer, les dirigeants du PS et des Verts organisent des manœuvres pré-électorales pour tenter d’unifier leur double nullité. La direction du PCF n’a pas voulu s’opposer franchement, au Parlement, à la « loi séparatisme », qui pourtant s’attaque à nos libertés démocratiques et stigmatise les musulmans. Tous ignorent la proposition que leur fait La France insoumise d’organiser une grande mobilisation pour défendre les libertés démocratiques. Et au lieu de l’organiser quand même, la direction de la FI temporise.
Les choses ne vont pas beaucoup mieux du côté syndical. La direction de la CFDT reste confinée au siège du Medef. Quant à la direction de la CGT, on apprend de temps à autre que le gouvernement la « consulte ». Mais pour le reste, elle ne propose aux travailleurs aucun plan d’action digne de ce nom.
Un appel syndical
La passivité de la direction confédérale de la CGT suscite une insatisfaction et une opposition croissantes, en interne. Par exemple, 1200 responsables et militants de la CGT ont lancé un appel – intitulé Pour une CGT à la hauteur des enjeux de la période – dont le contenu est plus radical que la ligne officielle de la direction confédérale. Ce texte commence par un état des lieux de la catastrophe économique et sociale. Il prévient, à juste titre, que la situation va s’aggraver dans la période à venir. En conséquence, il exhorte la CGT à renouer avec « une ligne claire de rupture avec le système économique capitaliste ». Enfin, il avance des éléments programmatiques et propose d’organiser rapidement « une rencontre nationale des entreprises et secteurs en lutte pour organiser le Tous Ensemble ».
Cette initiative va dans la bonne direction. Nous ne pouvons pas, ici, l’analyser dans le détail. Formulons juste une critique. Dans la partie programmatique de l’appel, les camarades revendiquent « la réappropriation collective des secteurs stratégiques pour notre souveraineté bancaire, alimentaire, sanitaire, industrielle, numérique et énergétique ». Qu’est-ce que la « réappropriation collective » ? Cette formule est trop vague. Précisément parce qu’elle est vague, les dirigeants du PCF en ont usé et abusé, ces dernières décennies, pour masquer leur adaptation à l’économie de marché.
Ce n’est pas un détail terminologique sans importance. Les travailleurs ont besoin de clarté. Si, par « réappropriation collective », les camarades de la CGT entendent l’expropriation des grands capitalistes des secteurs en question, alors ils doivent l’écrire noir sur blanc. Il faut replacer cette revendication au cœur du combat politique et syndical. Il faut lutter contre les illusions réformistes sur la possibilité d’en finir avec la misère et la pauvreté sans toucher à la grande propriété capitaliste. Celle-ci est le principal obstacle au progrès social. Collectivement, nous pouvons lever cet obstacle et réorganiser la société dans l’intérêt du plus grand nombre.
[1] Attention, l’inflation est de retour et ça va faire mal…