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Railcoop : une nouvelle étape dans la privatisation du rail
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Depuis le début des années 2000, le processus de privatisation des chemins de fer français a été poursuivi par tous les gouvernements, réforme après réforme. C’est d’abord au fret qu’ils se sont attaqués. Puis, en 2018, ce fut au tour du transport de voyageurs. Après avoir été transféré aux régions, il a été ouvert à la concurrence. Cela crée la possibilité de lignes entièrement exploitées et gérées par des entreprises privées. L’annonce du projet Railcoop, qui doit relier Lyon à Bordeaux, est une nouvelle étape de cette privatisation.
Développer le rail ?
Les défenseurs de Railcoop soulignent que leur projet vient combler un vide. En effet, la ligne de passagers Bordeaux-Lyon – une des seules traversant d’est en ouest le centre de la France – a été fermée en 2014. Elle n’était pas assez rentable, selon la direction de la SNCF.
Les promoteurs de Railcoop avancent aussi des arguments écologiques. Ils expliquent, à juste titre, que le système ferroviaire français est largement insuffisant pour faire face aux enjeux écologiques, qui nécessitent de remplacer au maximum la voiture et le camion par le ferroviaire. D’après eux, la SNCF serait trop « lourde » pour assumer cette charge. Donc, place au secteur privé !
Cependant, tout cet argumentaire ne tient pas debout. Si la SNCF ferme des lignes, ce n’est pas parce qu’elle est trop « lourde » en termes de logistique ou d’organisation. Ces fermetures sont dictées par la course à la rentabilité – et rien d’autre. La ligne Lyon-Bordeaux n’a pas été fermée parce qu’elle nécessitait « trop » d’infrastructures, mais parce que la direction de la SNCF considérait que le « retour sur investissement » était insuffisant. Il faut d’ailleurs remarquer que d’autres lignes sont exploitées par des entreprises privées, mais en recourant toujours aux « services » de la SNCF, qui fournit toutes les infrastructures et l’entretien. La « nouveauté » de Railcoop, c’est que l’entreprise gérerait elle-même l’entretien de la ligne, en plus de son exploitation.
De l’argent public pour le privé
Le « risque » pris par l’entreprise privée Railcoop doit être relativisé. Leur projet bénéficie déjà d’un soutien et d’une aide financière massive des collectivités locales et territoriales. La Région Rhône-Alpes a prévu un énorme budget pour le transport ferroviaire (860 millions d’euros sur cinq ans) dont une partie ira à Railcoop. L’entreprise bénéficie en effet du soutien enthousiaste du président de la région, Laurent Wauquiez. D’autres collectivités locales, tout le long de la ligne, ont d’ores et déjà multiplié les promesses d’investissement d’argent public. Même l’achat de matériel est sponsorisé par le contribuable. Par exemple, Laurent Wauquiez a annoncé la cession à Railcoop de deux locomotives X-72500. Ces engins étaient exploités jusqu’en 2014, puis avaient été mis au rencart, car ils étaient « trop vétustes » d’après la direction de la SNCF. Apparemment, lorsqu’il s’agit de les faire rouler pour le compte du secteur privé, ces locomotives ne sont plus vétustes !
Lors de la réforme de la SNCF de 2018, le gouvernement insistait sur l’idée que cela ferait faire d’importantes économies à cette entreprise publique grevée de dettes. Pourtant, ce qu’on observe avec Railcoop et tout le processus de privatisation du rail, c’est un flux continu d’argent public vers le privé. Plutôt que d’être investi dans le développement du rail public, l’argent public sert à développer le rail privé, notamment sous la forme de locomotives vendues à prix cassés pour cause de « vétusté », comme on le voit avec Railcoop.
Renationaliser le rail !
Contrairement aux arguments avancés par les défenseurs du privé, la privatisation du rail entraînera la déliquescence du réseau et l’augmentation des prix. L’objectif des entreprises privées – et du capitalisme en général – n’est pas de servir l’intérêt public, mais de faire des profits. Si, demain, une ligne n’est pas rentable, elle sera fermée immédiatement par les exploitants privés, à moins que ceux-ci ne décident d’augmenter les tarifs ou de faire des économies sur les salaires ou la sécurité, quitte à risquer la vie des usagers. Cela sera d’autant plus vrai si des entreprises privées se font concurrence .
Les fondateurs de Railcoop ont raison sur un point : le chemin de fer est un des moyens les plus utiles pour faire face à la crise climatique. Mais c’est justement pour cela que sa gestion ne doit pas être laissée à des entreprises uniquement motivées par le profit. Plutôt que d’éparpiller les ressources en les bradant au privé, il faut mettre en place un véritable monopole public des chemins de fer, pour les utiliser de la façon la plus rationnelle et efficace possible. Cela suppose que le transport ferroviaire, fret compris, soit entièrement renationalisé, et placé sous le contrôle démocratique de ses salariés et usagers.
A ce sujet, lire notre article En Grande-Bretagne, une privatisation catastrophique.