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Le soulèvement populaire en Colombie fait vaciller le régime néolibéral et militariste de Duque
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Nous publions le point de vue du Movimiento Ecosocialista sur l’évolution de la situation en Colombie, théâtre d’un soulèvement massif depuis plusieurs semaines.
La protestation de masse en Colombie a déjà obtenu des résultats : le retrait de la réforme fiscale, le départ du ministre des Finances Alberto Carrasquilla et de son équipe économique, la démission de la ministre des Affaires étrangères Claudia Blum, l’enlisement au Congrès des réformes de la santé, des retraites et du travail qui font partie du « Paquetazo » [paquet de contre-réformes] du gouvernement d’Ivan Duque exigé par les agences de notation et le FMI. Ces résultats ont été obtenus malgré le déploiement policier et militaire sans précédent dans le pays, déploiement décidé par le gouvernement contre la mobilisation sociale. Les 50 assassinats, 400 disparitions, des centaines de blessés et des dizaines de femmes abusées sexuellement.
Le soulèvement prend de l’ampleur
Les gigantesques marches auxquelles nous avons assisté à Ibagué, Neiva et Bogota ces derniers jours et les organisations sociales qui s’y sont jointes, comme les camionneurs de tout le pays et les cultivateurs de coca du sud-ouest, confirment que ce soulèvement populaire est en train de prendre de l’ampleur. C’est pourquoi nous considérons que le facteur décisif est l’ouverture d’alternatives politiques « venant d’en bas » à la crise du capitalisme périphérique du pays. Ce soulèvement populaire montre que l’auto-organisation et la démocratie directe qui s’expriment dans de multiples formes de résistance vont dans le sens de la consolidation d’une « institutionnalité parallèle » qui dépasse les limites étroites de la démocratie représentative. Ce soulèvement a dépassé la représentativité traditionnelle des organisations syndicales et du Comité national de grève, confirmant que leurs revendications étroites les laissent en dehors de celles du large spectre populaire. Le 1er Mai l’a démontré de manière spectaculaire. Alors que dans les combats de rue, la brutalité policière a déjà provoqué des morts et des disparus, les centrales syndicales ont appelé à une célébration de la fête des travailleurEs avec un « défilé virtuel ». La méfiance des leaders des quartiers et des dirigeants populaires à l’égard des négociations que le Comité de grève tente de développer découle de cette réalité.
Le soulèvement populaire démontre également l’incapacité d’un Congrès et de partis politiques piégés par la corruption et les engagements envers les intérêts des grands capitalistes, ainsi que celle d’organes de contrôle et de hauts tribunaux qui ont joué le rôle de complices de la barbarie militariste à laquelle nous assistons actuellement. Pour cette raison, il a ouvert une crise institutionnelle qui pourrait aboutir à la démission du président Ivan Duque. Le développement des événements et les rapports de forces qui s’établiront dans un avenir immédiat détermineront s’il est possible de réaliser cette possibilité qui implique un certain coup porté au régime politique néolibéral et militariste.
Forcer la crise institutionnelle
Nous sommes d’accord sur le fait qu’il est nécessaire d’avancer désormais cette revendication, comme le proposent avec de plus en plus de force les organisations politiques et sociales. Ignorer cette possibilité en argumentant qu’elle produirait un « vide institutionnel » et que dans cette conjoncture nous ferions face à l’arrivée au Palais de Nariño du vice-président ou du président du Congrès – qui sont supposément pires que Duque – ou qu’une fois la démission de Duque concrétisée, la voie du coup d’État militaire serait ouverte, non seulement exempte ce gouvernement de responsabilités politiques, mais il l’exempte aussi de responsabilités face à l’assassinat collectif contre le peuple sans défense, en tant que chef des forces armées. Mais cette position part également du critère erroné que l’approfondissement de la crise institutionnelle qui ouvrirait le renversement populaire d’un gouvernement réactionnaire comme celui de Duque, chose sans précédent dans l’histoire du pays, ne pourrait être résolu que dans le cadre des mêmes institutions qui s’effondrent actuellement.
Au contraire, nous considérons qu’un triomphe populaire de cette ampleur ouvrirait de grandes possibilités pour l’action politique autonome de la population et serait la voie pour la convocation d’une Assemblée constituante et populaire. Ce serait le meilleur moyen d’isoler et de vaincre la réaction politique et les putschistes, à un moment où la solidarité populaire est immense à l’échelle internationale.
Publié par Correspondencia de Prensa, version intégrale (en français) sur alencontre.org.