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Agression d'un chauffeur RATP par des flics : la police des polices enquête

Lien publiée le 5 janvier 2013

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Médiapart) Une enquête a été ouverte fin 2012 par le parquet de Paris et confiée à l'inspection générale des services (IGS), la police des polices parisienne, après l'agression d'un chauffeur de bus parisien par deux motards en civil, l'un d'eux ayant brandi sa carte de police. En douze ans de service à la RATP, Hichame, 35 ans, assure n’avoir jamais eu d’accident grave, ni subi d’agression. Jusqu’à ce vendredi 30 novembre 2012, vers 13 heures, alors qu’il travaillait sur la ligne 47 en plein Paris.

À un feu rouge, Hichame voit surgir deux motards en civil dans le couloir de bus, cherchant à le doubler par la droite. Il met alors son clignotant à droite et accélère, une manœuvre réglementaire dite « fermer la porte », afin de pouvoir sécuriser son arrêt à hauteur du centre Pompidou, une trentaine de mètres plus loin. « Je fais descendre les voyageurs, un motard tape à mon carreau, à gauche du bus, j’ouvre bêtement et il déclenche un coup de poing », raconte Hichame.

Le machiniste, sonné par le coup et ses lunettes cassées, dit alors être descendu, avoir attrapé le premier motard et l’avoir fait descendre du scooter. « Le deuxième scooter est arrivé et son conducteur, le plus jeune, m’a sauté dessus, nous sommes tombés, explique-t-il. Le plus jeune m’a étranglé pour que je libère son collègue. À ce moment, les passants, des jeunes blacks, ont vu que je portais un uniforme de chauffeur RATP, que j’étais agressé par des motards sans signe distinctif, et ils sont venus nous séparer. Quand le deuxième motard les a vu arriver, il a crié “C’est la police” et a sorti sa carte de police. Je l’ai lâché et nous nous sommes relevés tous les trois. »

Hichame assure que les deux motards ne portaient pas de brassards et que jusqu’à cet instant, il n’avait aucune raison de penser qu’il s’agissait de policiers. « Quatre policiers de la BAC sont aussitôt arrivés à pied, par pure coïncidence », poursuit Hichame. Les quatre hommes sont, eux aussi, en civil et sans brassard, mais le machiniste est sûr de lui. « Je suis issu d’un quartier sensible, je les reconnais à leur façon de quadriller l’espace, ils ont des formations pour ça », explique-t-il.

Il reprend son récit : « Ils m’ont demandé mon permis et de me calmer, ils m’ont dit que j’étais trop excité. Je leur ai expliqué que je venais de me faire agresser. Celui qui semblait être leur chef parlait avec mon agresseur, j’ai tout de suite vu qu’ils se connaissaient. Le deuxième motard, le plus jeune qui m’avait étranglé, me menaçait devant les policiers de la BAC. Il m’a dit “La RATP, c’est fini pour toi”. »

Hichame s’avance alors vers le premier motard « qui sentait l’alcool » et demande que son taux d’alcoolémie soit testé. En fait de test, « mon agresseur a sorti son carnet et a noté mon adresse que lui ont donnée les policiers de la BAC, s’indigne Hichame. Et le plus jeune m’a pris en photo avec son portable et m’a dit “Tu es mort”. Je leur ai dit que c’était inadmissible de donner mon nom et mon adresse à mon agresseur. Les passants sur le trottoir étaient médusés. »

Les deux motards seraient ensuite repartis sur leurs scooters. « Les quatre autres policiers ont été très courtois, mais ils ont protégé leurs collègues et ils sont partis sans rien faire pour moi en tant que victime, déplore Hichame. Ils m’ont dit que si je n’étais pas content, je pouvais déposer plainte dans le XIIe arrondissement. » C’est-à-dire à l’Inspection générale des services (IGS), la police des polices parisienne qui siège rue Hénard dans le XIIe arrondissement, ce qu’ignorait Hichame. Deux policiers du commissariat voisin du IVe arrondissement finissent par venir faire les constations et prendre la plainte d’Hichame.

« T'es mort »

L’enquête a été confiée à l’IGS. Auditionné le 5 décembre 2012, le machiniste a pu visionner la scène enregistrée par une des caméras de vidéosurveillance de la préfecture de police. « Le film confirme tout ce que j’ai dit, on se rend bien compte que les policiers de la BAC me la font à l'envers, que je suis calme et les deux motards énervés », assure-t-il. Mais, curieusement, le film ne commence, selon lui, qu’à l’arrivée des quatre policiers de la BAC. « J’ai demandé pourquoi, précise Hichame. Ils (les policiers de l’IGS) m’ont dit que l’opérateur ne commençait à filmer que quand il se passait quelque chose. »

Contactée, la préfecture de police de Paris a refusé de confirmer la qualité de policiers des deux agresseurs, ainsi que de communiquer sur l’enquête en cours. Mais elle assure que, contrairement à ce qui a été dit au chauffeur de bus lors de son audition, les caméras de « vidéoprotection » parisiennes filment bien en continu. « Les opérateurs n’ont pas tout le temps en vue les images, mais elles filment en continu et leurs images sont conservées trente jours », nous a indiqué la préfecture de police.

Les bus de la RATP disposent également de caméras embarquées, dont une fixée dans l’angle de la cabine. « La caméra filme la cabine, c’est obligé qu’elle ait filmé le coup de poing », assure Hichame. Lors de son audition, les policiers de l'IGS lui ont affirmé que les images étaient toujours en cours d’extraction. « La bande vidéo a été mise à disposition sur réquisition judiciaire à l'officier en charge de l'enquête », affirme de son côté la RATP.

En arrêt maladie depuis le 30 novembre 2012, Hichame s’étonne de la durée de l’enquête. « D’habitude, les agresseurs de chauffeurs de bus sont rapidement arrêtés, remarque-t-il. Là en plus c’était filmé, les deux motards sont facilement identifiables. » « Ces faits sont pourtant très graves puisqu'il est non seulement question de violences, menaces et actes d'intimidation commis par deux policiers, mais aussi de l'abstention de quatre autres policiers de la BAC qui s'affranchissent de leurs obligations et ne les interpellent pas », estime son avocat Me Yazid Benmeriem.

Le chauffeur souffre d’un traumatisme à l’œil ainsi qu'aux genoux, mais il est surtout atteint sur le plan psychologique. « Je ne suis pas bien, j'ai vu un psychiatre, explique-t-il. Le policier le plus jeune m’a répété au moins cinq fois “T’es mort”. Ils ont mon nom et mon adresse à Créteil. Moi, j’ai une femme enceinte et un enfant... »