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Assange et l’effondrement de l’État de droit – par Chris Hedges

Assange

Lien publiée le 13 juillet 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

» Assange et l’effondrement de l’État de droit – par Chris Hedges (les-crises.fr)

Chris Hedges a prononcé cette allocution lors d’un rassemblement jeudi soir à New York en faveur de Julian Assange. John et Gabriel Shipton, le père et le frère de Julian, ont également pris la parole lors de cet événement, qui s’est tenu au People’s Forum.

Source : ConsortiumNews
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Une société qui interdit la capacité de parler en vérité éteint la capacité de vivre dans la justice.

C’est pourquoi nous sommes ici ce soir. Oui, tous ceux d’entre nous qui connaissent et admirent Julian déplorent sa souffrance prolongée et celle de sa famille. Oui, nous exigeons qu’il soit mis fin aux nombreux torts et injustices qui lui ont été infligés. Oui, nous lui rendons hommage pour son courage et son intégrité. Mais la bataille pour la liberté de Julian a toujours été bien plus que la persécution d’un éditeur. C’est la bataille pour la liberté de la presse la plus importante de notre époque. Et si nous perdons cette bataille, ce sera dévastateur, non seulement pour Julian et sa famille, mais aussi pour nous.Les tyrannies inversent l’état de droit. Elles transforment la loi en un instrument d’injustice.

Elles dissimulent leurs crimes sous une fausse légalité. Elles utilisent le décorum des tribunaux et des procès pour masquer leur criminalité. Ceux qui, comme Julian, exposent cette criminalité au public sont dangereux, car sans le prétexte de la légitimité, la tyrannie perd sa crédibilité et n’a plus que la peur, la coercition et la violence dans son arsenal.La longue campagne contre Julian et WikiLeaks est une fenêtre sur l’effondrement de l’État de droit, la montée de ce que le philosophe politique Sheldon Wolin appelle notre système de totalitarisme inversé, une forme de totalitarisme qui maintient les fictions de l’ancienne démocratie capitaliste, y compris ses institutions, son iconographie, ses symboles patriotiques et sa rhétorique, mais qui, à l’intérieur, a abandonné le contrôle total aux diktats des entreprises mondiales.

J’étais dans la salle d’audience de Londres lorsque Julian a été jugé par la juge Vanessa Baraitser, une version actualisée de la Reine de Cœur d’Alice au pays des merveilles exigeant la sentence avant de prononcer le verdict. C’était une farce judiciaire. Il n’y avait aucune base légale pour garder Julian en prison. Il n’y avait aucune base légale pour le juger, lui, un citoyen australien, en vertu de la loi américaine sur l’espionnage. La CIA a espionné Julian à l’ambassade par l’entremise d’une compagnie espagnole, UC Global, engagée pour assurer la sécurité de l’ambassade.

Cet espionnage comprenait l’enregistrement des conversations privilégiées entre Julian et ses avocats lorsqu’ils discutaient de sa défense. Ce seul fait a invalidé le procès. Julian est détenu dans une prison de haute sécurité pour que l’État puisse, comme en a témoigné Nils Melzer, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, poursuivre les abus et les tortures dégradantes qu’il espère voir aboutir à sa désintégration psychologique, voire physique.

Le gouvernement américain a donné des directives, comme Craig Murray l’a si éloquemment documenté, au procureur de Londres James Lewis. Lewis a présenté ces directives à Baraitser. Baraitser les a adoptées comme sa décision légale. C’était une pantomime judiciaire. Lewis et le juge ont insisté sur le fait qu’ils n’essayaient pas de criminaliser les journalistes et de museler la presse alors qu’ils s’affairaient à mettre en place le cadre légal pour criminaliser les journalistes et museler la presse. Et c’est pourquoi le tribunal s’est efforcé de masquer les procédures au public, limitant l’accès à la salle d’audience à une poignée d’observateurs et rendant difficile, voire impossible, l’accès au procès en ligne. C’était un procès spectacle de mauvais goût, pas un exemple du meilleur de la jurisprudence anglaise mais de la Lubyanka.

L’histoire continue après la vidéo. Regardez le discours de Hedges :

Maintenant, je sais que beaucoup d’entre nous ici ce soir aimeraient se considérer comme des radicaux, peut-être même des révolutionnaires. Mais ce que nous demandons sur le spectre politique est en fait conservateur, c’est la restauration de l’Etat de droit. C’est simple et fondamental. Cela ne devrait pas, dans une démocratie qui fonctionne, être incendiaire. Mais vivre dans la vérité dans un système despotique est l’acte suprême de défiance. Cette vérité terrifie ceux qui sont au pouvoir.

Les architectes de l’impérialisme, les maîtres de la guerre, les branches législatives, judiciaires et exécutives du gouvernement contrôlées par les entreprises et leurs courtisans obséquieux dans les médias, sont illégitimes. Dites cette simple vérité et vous êtes banni, comme beaucoup d’entre nous l’ont été, en marge du paysage médiatique. Si vous prouvez cette vérité, comme Julian, Chelsea Manning, Jeremy Hammond et Edward Snowden l’ont fait en nous permettant de voir les rouages du pouvoir, vous êtes traqués et persécutés.

Peu après la publication par WikiLeaks, en octobre 2010, des carnets de bord de la guerre en Irak, qui documentaient de nombreux crimes de guerre commis par les États-Unis – notamment les images vidéo de l’assassinat de deux journalistes de Reuters et de dix autres civils non armés dans la vidéo Collateral Murder (Meurtre collatéral), la torture systématique de prisonniers irakiens, la dissimulation de milliers de morts civils et l’assassinat de près de 700 civils qui s’étaient approchés trop près de postes de contrôle américains – les grands dirigeants de l’armée américaine ont commencé à s’inquiéter de la situation. Les grands avocats des droits civils Len Weinglass et mon bon ami Michael Ratner, que j’accompagnerai plus tard pour rencontrer Julian à l’ambassade d’Équateur, ont rencontré Julian dans un studio du centre de Londres.

Les cartes bancaires personnelles de Julian avaient été bloquées. Trois ordinateurs portables cryptés contenant des documents détaillant les crimes de guerre commis par les États-Unis avaient disparu de ses bagages en route pour Londres. La police suédoise est en train de monter un dossier contre lui dans le but, selon Ratner, d’extrader Julian vers les États-Unis.« WikiLeaks et vous personnellement êtes confrontés à une bataille à la fois juridique et politique, a déclaré Weinglass à Assange. Comme nous l’avons appris dans l’affaire des Pentagon Papers, le gouvernement américain n’aime pas que la vérité sorte. Et il n’aime pas être humilié. Peu importe que ce soit Nixon, Bush ou Obama, républicain ou démocrate à la Maison Blanche.

Le gouvernement américain essaiera de vous empêcher de publier ses vilains secrets. Et s’ils doivent vous détruire et détruire le Premier amendement et les droits des éditeurs avec vous, ils sont prêts à le faire. Nous croyons qu’ils vont s’en prendre à WikiLeaks et à vous, Julian, en tant qu’éditeur. »« Me poursuivre pour quoi ? » a demandé Julian.« Espionnage, poursuit Weinglass. Ils vont accuser Bradley Manning de trahison en vertu de la Loi sur l’espionnage de 1917. Nous ne pensons pas que cela s’applique à lui parce qu’il est un dénonciateur, pas un espion. Et nous ne pensons pas que cela s’applique à vous non plus, car vous êtes un éditeur. Mais ils vont essayer de forcer Manning à vous impliquer comme son collaborateur. »« Me poursuivre pour quoi ? »Voilà la question.Ils s’en sont pris à Julian non pas pour ses vices, mais pour ses vertus.

Ils s’en sont pris à Julian :

– parce qu’il a dénoncé les plus de 15 000 décès non signalés de civils irakiens ;

– parce qu’il a révélé les tortures et les abus subis par quelque 800 hommes et garçons, âgés de 14 à 89 ans, à Guantanamo ;

– parce qu’il a révélé qu’en 2009, Hillary Clinton a ordonné à des diplomates américains d’espionner le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki Moon et d’autres représentants de la Chine, de la France, de la Russie et du Royaume-Uni, espionnage qui incluait l’obtention d’ADN, de scans de l’iris, d’empreintes digitales et de mots de passe personnels, dans le cadre d’un long schéma de surveillance illégale qui incluait l’écoute du secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan dans les semaines précédant l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 ;

– parce qu’il a révélé que Barack Obama, Hillary Clinton et la CIA ont orchestré le coup d’État militaire de juin 2009 au Honduras qui a renversé le président démocratiquement élu Manuel Zelaya et l’a remplacé par un régime militaire meurtrier et corrompu ;

– parce qu’il a révélé que George W. Bush, Barack Obama et le général David Petraeus ont poursuivi une guerre en Irak qui, selon les lois post-Nuremberg, est définie comme une guerre d’agression criminelle, un crime de guerre, qu’ils ont autorisé des centaines d’assassinats ciblés, y compris ceux de citoyens américains au Yémen, et qu’ils ont secrètement autorisé des assassinats de civils ;

– parce qu’il a révélé que Goldman Sachs a versé 657 000 dollars à Hillary Clinton pour qu’elle donne des conférences, une somme si importante qu’elle ne peut être considérée que comme un pot-de-vin, et qu’elle a assuré en privé aux dirigeants d’entreprise qu’elle ferait ce qu’ils lui demandaient tout en promettant au public une réglementation et une réforme financières ;

– parce qu’il a révélé la campagne interne visant à discréditer et à détruire le leader du parti travailliste britannique Jeremy Corbyn par des membres de son propre parti ;

– parce qu’il a révélé comment les outils de piratage utilisés par la CIA et la National Security Agency permettent au gouvernement de surveiller en gros nos télévisions, nos ordinateurs, nos smartphones et nos logiciels anti-virus, permettant au gouvernement d’enregistrer et de stocker nos conversations, nos images et nos messages texte privés, même à partir d’applications cryptées.

Julian a exposé la vérité. Il l’a exposée encore et encore, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun doute sur l’illégalité, la corruption et la mendicité endémiques qui définissent l’élite dirigeante mondiale.

Et pour ces vérités, ils se sont attaqués à Julian, comme ils se sont attaqués à tous ceux qui ont osé lever le voile sur le pouvoir. « Red Rosa a maintenant disparu aussi…» Bertolt Brecht a écrit après l’assassinat de la socialiste allemande Rosa Luxemburg. « Elle disait aux pauvres ce qu’était la vie, et les riches l’ont effacée. »Nous avons subi un coup d’État corporatif, où les pauvres et les travailleurs sont réduits au chômage et à la faim, où la guerre, la spéculation financière et la surveillance interne sont les seules véritables affaires de l’État, où même l’habeas corpus n’existe plus, où nous, en tant que citoyens, ne sommes rien de plus que des marchandises pour les systèmes corporatifs de pouvoir, des marchandises à utiliser, à escroquer et à jeter.

Refuser de se défendre, de tendre la main et d’aider les faibles, les opprimés et ceux qui souffrent, de sauver la planète de l’écocide, de dénoncer les crimes nationaux et internationaux de la classe dirigeante, d’exiger la justice, de vivre dans la vérité, c’est porter la marque de Caïn. Ceux qui sont au pouvoir doivent sentir notre colère, et cela signifie des actes constants de désobéissance civile de masse, des actes constants de perturbation sociale et politique, car ce pouvoir organisé d’en bas est le seul pouvoir qui nous sauvera et le seul pouvoir qui libérera Julian.

La politique est un jeu de la peur. C’est notre devoir moral et civique de faire en sorte que ceux qui sont au pouvoir aient très, très peur.La classe dirigeante criminelle nous tient tous prisonniers de son emprise mortelle. Elle ne peut être réformée. Elle a aboli l’État de droit. Elle obscurcit et falsifie la vérité. Elle cherche à consolider sa richesse et son pouvoir obscènes. Et donc, pour citer la Reine de Cœur, métaphoriquement bien sûr, je dis : « Qu’on leur coupe la tête. »

Chris Hedges est un journaliste lauréat du Prix Pulitzer qui a été correspondant à l’étranger pendant 15 ans pour le New York Times, où il a été chef du bureau du Moyen-Orient et chef du bureau des Balkans pour le journal. Il a auparavant travaillé à l’étranger pour le Dallas Morning News, le Christian Science Monitor et NPR. Il est l’hôte de l’émission On Contact de RT America, nominée aux Emmy Awards.

Source : ConsortiumNews – 11-06-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises