[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

Que se passe-t-il en France ?

Lien publiée le 30 juillet 2021

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Que se passe-t-il en France ? – Arguments pour la lutte sociale (aplutsoc.org)

Vu de l’étranger, à travers la presse mais aussi, malheureusement, à travers certaines interprétations militantes, la France serait dans une bien étrange situation : elle connaitrait le plus grand mouvement « anti-vaccinal » du monde, après les Etats-Unis sous l’inspiration de Trump, et le Brésil sous l’inspiration de Bolsonaro. Un mouvement réactionnaire, donc, mais massif, montrant que la « fascisation de la société » fantasmée par certains et contredite par le vote des élections régionales de fin juin, serait hélas bien réelle.

Cette vision effrayante doit être démentie. La France n’est pas plus en proie à une vague trumpo-bolsonarienne anti-vaccinale, que les peuples arabes et nord-africains ne sont islamistes, ou que les Ukrainiens sont des « nazis » antisémites.

C’est Macron, tout d’abord, qui a beaucoup plus de points communs véritables, concernant la pandémie, avec les Trump et les Bolsonaro. Au printemps 2020 il appelait à ne pas mettre de masques. Le gouvernement français comme bien d’autres n’a d’abord pas voulu voir venir l’épidémie, puis il a précipité un confinement total de manière policière, en proscrivant les masques et en ne testant pas, interrompant une vague de grève en défense du droit à la retraite, contre un projet qui fut alors suspendu. Au printemps 2021 il a de fait freiné la vaccination, ne l’ouvrant qu’en juin à la masse de la population et refusant de l’organiser envers les personnels de l’enseignement, notamment. A ce moment-là, la 4° vague du variant « delta », qui a fait des millions de morts en Inde, était déjà prévisible.

D’autre part, le caractère unique des élections présidentielles de l’année prochaine dans l’histoire de la V° République, est une donnée indispensable à la compréhension de ce que se passe.

Du côté de la gauche, des écologistes et du mouvement ouvrier, aucune candidature n’est en mesure de franchir le premier tour, non pas parce qu’il n’y aurait pas de révolte sociale en France et parce qu’il n’y aurait pas d’aspirations à une société libérée du capital et de l’oppression, bien au contraire, mais parce qu’aucune confiance n’existe plus envers ce genre de candidats.

Mais en même temps Macron a échoué : il devait battre le monde du travail en détruisant les droits sociaux existant, et, bien qu’il ait fait du mal, il n’y est pas arrivé. Il devait restaurer le régime de la V° République avec une fonction présidentielle toute puissante, quasi impériale – on l’appelait « Jupiter » – et il n’y est pas arrivé non plus. Il devait restaurer la puissance impérialiste française dans l’Union Européenne et en Afrique : échec total.

Le fonctionnement « normal » des institutions françaises voudrait que le président soit réélu pour un second mandat, et ce fonctionnement normal devait aussi être rétabli par Macron. L’abstention majoritaire, la raclée électorale du parti présidentiel (qui, en fait, n’est même pas un parti), et l’échec du RN de Marine Le Pen, ont montré que les élections présidentielles sont menacées. Macron risque d’être, s’il est candidat, battu dès le premier tour, et la possibilité très réelle et très concrète d’une abstention majoritaire risque de faire de ces élections le contraire de ce qu’elles doivent être pour la V° République : un plébiscite qui la relance, investissant un président menant les attaques antisociales.

C’est une crise majeure du régime qui se profile, et c’est pour cela qu’Aplutsoc a mis en débat l’option politique de faire campagne pour un rejet des présidentielles, une abstention majoritaire, comme perspective pour le prolétariat, ouvrant la voie à l’affrontement.

Car cet affrontement, sous Macron, a déjà éclaté à une échelle prérévolutionnaire à deux reprises : avec le mouvement des Gilets jaunes fin 2018, et avec la poussée vers la grève générale en défense du droit à la retraite fin 2019. C’est pour cela que Macron a échoué.

Et c’est pour cela qu’il veut contre-attaquer avant la présidentielle, par une victoire antisociale qui permette que ce vote, plébiscitaire et nullement démocratique, joue son rôle. Il veut sauver le régime de la V° République. Accessoirement (même si c’est peut-être pour lui le plus important), il veut rendre crédible sa propre candidature à sa succession, car elle ne l’est pas.

Début juillet, les médias français bruissaient donc de rumeurs sur un projet de « grand discours » du président, préparé par le fait qu’il a fait venir les syndicats à un rendez-vous le 6 juillet (et leurs dirigeants sont venus …), grand discours qui devait sans doute annoncer le recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. En même temps, le « variant delta » arrivait à toute allure et le risque grandissait que Macron se tire une balle dans le pied en annonçant des attaques antisociales au moment où l’épidémie revenait.

Il a donc décidé dans son grand discours du 12 juillet d’annoncer une combinaison d’attaques antisociales et de mesures anti-épidémiques. Utilisant les propres retards de la vaccination de masse dues à sa politique, et utilisant comme repoussoir très utile les courants obscurantistes antivaccinaux, il a mis en route une sorte de plan d’attaque dont le calendrier est le suivant.

Premièrement, mise en place fin juillet début août du « pass sanitaire » interdisant l’accès, sans vaccination achevée ou test payant (à partir du 1° septembre), à un très grand nombre de moyens de transports et de services publics, même l’hôpital hors urgences, ainsi qu’aux cafés, restaurants, lieux culturels et sportifs, et déclenchement de polémiques « pour » ou « contre » la vaccination destinées à troubler l’opposition à ces mesures.

Deuxièmement, au 15 septembre les personnels de santé, des transports, les pompiers, les personnels des hôtels-cafés-restaurant et parcs de loisir, non encore vaccinés, seront sans salaires au moins jusqu’au 15 novembre, et risqueront le licenciement.

Troisièmement, au 1° octobre, application de la réforme visant l’assurance chômage, puis des autres réformes antisociales sur les retraites, etc.

Ce calendrier a été mis en place par Macron après que les dirigeants syndicaux avaient donné leur propre calendrier juste avant de partir en vacances : intersyndicale CGT/FO/FSU/Solidaires … le 30 août, pour lancer une grande journée nationale d’action … le 5 octobre !

Il faut en outre savoir quels sont les objectifs gouvernementaux réels en matière de vaccination. Le premier ministre J. Castex les a annoncés le 21 juillet. Début septembre, il devrait théoriquement y avoir 50 millions de personnes en France ayant reçu au moins une injection, dont 35 millions en ayant reçu deux, donc 15 millions une seule. Sur 57 millions d’habitants de plus de 12 ans, cela veut dire qu’au moins 22 millions de personnes (les 15 millions avec une seule dose et les 7 millions sans aucune), sont « programmées » par le gouvernement, comme ne devant pas, en fait, être vaccinées en septembre. Elles auront à subir les interdictions dues à la privation du « pass vaccinal ». Comme beaucoup sont des jeunes (presqu’aucun n’était vacciné fin juin), qui ont déjà subi les privations d’études à grande échelle et les réformes du lycée du gouvernement, en raison du risque d’explosion à la rentrée l’obligation du « pass » a été reportée au 1° octobre pour les moins de 18 ans.

Il y a une falsification scandaleuse à faire croire que les non vaccinés en France seraient en majorité des opposants à la vaccination. Comme le montrent les prévisions du gouvernement, qui ne cherche pas à vacciner toute la population mais se contente de stigmatiser les non vaccinés, ce sont en majorité les ouvriers et employés précaires, les habitant des quartiers les plus défavorisés, et la jeunesse, qui sont ciblés. Dans les « départements d’outre-mer » (anciennes colonies), c’est la situation de la grande majorité de la population.

Il est consternant que des militants ouvriers ne réalisent pas cette situation, et fassent la morale à ces gens en leur disant « vous n’avez qu’à vous faire vacciner ». Les délais pour se faire vacciner sont maintenant de plusieurs semaines.

Certes, l’opposition à la vaccination, scientifiquement non justifiée, est dans ces circonstances assez répandue dans la population. Elle a trois types de causes.

Les rumeurs complotistes, les bêtises à la QUanon, existent en France, et elles sont favorisées par le fait que Macron et les médias les désignent comme la seule opposition. Combattre ces courants est obligatoire, mais si vous ne commencez pas par dénoncer les mesures de Macron, les contraintes liées au pass sanitaire et les menaces contre les salaries non vaccinés, vous faites leur jeu.

Second type de cause : beaucoup de jeunes et de moins jeunes s’interrogent légitimement. Comment pourrait-il en être autrement, au vu des scandales sanitaires qui ont déjà eu lieu, au vu des conditions d’existence à l’âge du réchauffement climatique, de la précarité et du capitalisme mortifère ? Le gouvernement annonce un décret, qui n’est pas paru, sur la situation des malades auxquels la vaccination est interdite médicalement : pour l’instant, leur cas n’est pas prévu ! Les militants ouvriers rationalistes, s’ils sont réellement des rationalistes, et pas des pères-la-morale méprisants pour la jeunesse et les plus larges masses, doivent respecter ces réticences et en discuter sans menaces, ni accusations, et surtout sans soutenir peu ou prou la soi-disant politique sanitaire de Macron.

Troisième type de causes : le nombre de vaccinations augmente fortement et c’est une bonne chose, mais les mesures de Macron elles-mêmes révoltent des gens au point que certains qui voulaient se faire vacciner ne le veulent plus.

Ces trois types de causes se regroupent notamment dans les catégories les plus mal payées et les plus féminines des personnels soignants. Que cela plaise ou non, il y a là des dizaines de milliers, des femmes surtout, qui se dirigent vers l’affrontement, sous la forme de leur suspension ou de leur licenciement à compter du 15 septembre, avec une sorte de volonté sacrificielle impressionnante. Si vous leur dites qu’elles n’ont qu’à se faire vacciner, y compris pour déjouer Macron, vous ne les convaincrez pas. Car aux trois raisons, la mauvaise (propagande complotiste), et les « bonnes » (questionnements légitimes et sentiment de révolte), s’en ajoute ici une quatrième : la dignité bafouée.

Une aide-soignante qui a travaillé 70 heures par semaines en plein premier confinement, qui a parfois eu le Covid et que l’on a contrainte à travailler, qui a les mains gercées par le gel et qui porte son masque toute la journée depuis bientôt deux ans, qui n’avait pas eu le temps de se faire vacciner, ou qui se pose des questions auxquelles elle n’a trouvé d’autre « réponse » sur le net que des théories antiscientifiques sur l’ARN messager, est maintenant non en situation d’aller se faire vacciner (surtout quand sa collègue, solidaire d’elle à présent, qui s’est faite vacciner, a eu un retrait sur salaire parce que cela l’a rendue malade !), mais en état de révolte. De plus en plus de sections syndicales, heureusement, déposent des préavis de grève pour ne pas les laisser seules.

Certes, la vaccination automatique de toutes et de tous est souhaitable. Mais il faut comprendre que le capitalisme, les trusts pharmaceutiques et la politique des gouvernements Macron ont créé une situation où certaines couches du prolétariat ne peuvent être vaccinées que de force. En rendre ces prolétaires moralement responsables, c’est les rejeter vers l’obscurantisme, et c’est manifester des préjugés élitistes envers les couches les plus exploitées – une chose très frappante pendant les présentes semaines en France, dans certains milieux militants.

Ce n’est en aucun cas Macron qui regagnera la confiance pour que toutes et tous se fassent vacciner, telle n’est d’ailleurs pas son intention. Les suspensions au 15 septembre ne visent pas à la sécurité sanitaire des hôpitaux et maisons de retraites où ces personnels ont travaillé pendant toute l’épidémie, une large majorité des personnels et des pensionnaires étant vaccinée. Elles visent à porter atteinte au droit du travail et au statut des fonctionnaires. Tout soutien, toute passivité, sur cette menace, est un soutien à Macron et à la casse de nos droits, et n’aura pas d’effets sanitaires.

C’est donc en l’absence de tout appel de leurs organisations notamment syndicales, que des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes se sont mis à manifester tous les samedis en France, reprenant la méthode des Gilets jaunes, qui réapparaissent d’ailleurs dans ces manifestations.

Elles ne se produisent absolument pas à l’appel de l’extrême-droite (dont certains secteurs, comme le chroniqueur télé Éric Zemmour et le maire de Béziers Robert Ménard, soutiennent les mesures de Macron), mais celle-ci en profite et elle s’est rendue dans certains rassemblements, permettant au gouvernement et aux secteurs de la gauche et des syndicats qui ne veulent pas engager la bataille, de dénoncer ceux-ci.

De même, les références à l’étoile jaune et aux persécutions antisémites sont totalement déplacées, et sont parfois le fait de complotistes antisémites, mais leur utilisation médiatique et politique effrénée visant à faire passer toute la protestation contre le pass sanitaire pour ça, se livre à un amalgame du même type et du même niveau.

En fait, le mouvement monte, la présence de sections syndicales va croissant et pas celle de l’extrême-droite, la tonalité anti-Macron est fondamentale. C’est la troisième vague contre Macron et son régime, après celles de fin 2018 et de fin 2019, qui a commencé.

Le militant pur et sans taches qui ne veut pas se compromettre avec la confusion et qui veut mettre en avant l’urgence de la vaccination de masse, aura bien entendu quelques déboires dans les rassemblements actuels, d’autant que la place de la confusion et des confusionnistes y a été facilitée par la gauche officielle les rejetant en bloc. En effet, il est sans doute encore impossible en l’état actuel des choses de faire scander « vaccination pour toutes et pour tous ! » dans ces rassemblements, où circulent des idées « antivax ». A qui la faute ?

Mais il est tout à fait possible d’y discuter de la question, à condition de ne pas en faire un paravent contre la mobilisation tous ensemble contre le pass sanitaire et contre Macron. Car, sur ce plan, le mouvement réel trouve sa voie : « Macron, ton pass on en veut pas, et de toi non plus !»« Macron, ton pass passera pas l’hiver, et toi non plus ! »

De tels slogans ne viennent pas de l’extrême-droite, et sont mille fois plus à gauche au sens réel du mot que tous les militants voulant faire la leçon aux masses. Ils indiquent la direction qu’il faut prendre – y compris, et surtout, si on est réellement pour la vaccination généralisée !

Le gouvernement a fixé lui-même une échéance : le 15 septembre. Les fédérations CGT et SUD des cheminots menacent de grève générale si les sanctions, suspension de salaires et licenciement, tombent contre les salariés non vaccinés ce jour-là. D’ici là, c’est un affrontement politique, contre les directions, les appareils et les secteurs militants qui ont aidé Macron et l’aident en laissant le mouvement contre lui tout seul ou en le calomniant, qui doit aider les masses à mettre leurs syndicats dans le combat, réalisant l’unité contre Macron.

Le stopper, c’est le chasser, le chasser, surtout à quelques mois des présidentielles, c’est tourner le dos à celles-ci en ouvrant la crise du régime – une crise révolutionnaire en France recherchant une issue politique démocratique, un régime fondé sur la démocratie, d’où l’importance de la discussion sur une assemblée constituante véritable, imposée par la destruction de cet Etat : son président, et avec lui ses préfets, ses recteurs, ses directeurs d’ARS (Agences Régionales de Santé).

Camarades, n’ayez pas peur, ce n’est pas une vague réactionnaire qui monte en France. Elle est confuse ? Nous le savons bien. Tout grand mouvement est confus. Ce mouvement vient de loin et cherche à aller loin. C’est le devoir des révolutionnaires que de l’aider à affronter le pouvoir et finalement à le renverser. Et c’est comme ça qu’on surmonte la confusion.