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Des milliers de soignants suspendus
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Depuis ce mercredi la quasi-totalité du personnel soignant devra avoir reçu au moins une dose de vaccin sous peine d'interdiction d'exercer et de sanctions. En faisant peser sur les soignants et leurs patients la consécration de ses mesures autoritaires, Macron met le service public hospitalier, déjà fragilisé par des décennies de casses néo-libérales dans une situation préoccupante.
Ce 15 septembre marque, dans le silence assourdissant de la presse comme des directions syndicales, l’entrée en vigueur du pass sanitaire à l’hôpital, comme l’avait annoncé Emmanuel Macron lors de son allocution du 12 juillet dernier, et consacre un nouveau tournant dans l’autoritarisme sanitaire du gouvernement. Ainsi les récalcitrants au vaccin personnels hospitaliers, médecins, psychologues et infirmiers, mais aussi les pompiers et nombre de personnels annexes au secteur de la santé s’exposent dorénavant à une suspension du contrat de travail, sans rémunération. La liste des personnels concernés, en tout et pour tout 2,7 millions de personnes, est assez éclairante. Il s’agit ni plus ni moins de la première ligne, celle qui a lutté contre la Covid sans masques et gants, parfois avec des sacs poubelles en guise de blouses, et à qui Macron, au temps fort de la crise, promettait un « monde d’après ».
En guise de « monde d’après », s’ils avaient déjà été échaudés par la mascarade anti-sociale du Ségur, l’hôpital et ses soignants s’étaient sans doute imaginés autre chose. Assurément tout sauf cela. Valérie, 57 ans, aide-soignante des Hôpitaux de Paris (AP-HP) témoigne pour Médiapart :« Qu’on soit vaccinés ou pas on est opposés à l’obligation » rappelant que les soignants « sont déjà en sous-effectif » et que ceux à qui on tend désormais le bâton sont les mêmes qui parfois ont été « obligés de venir travailler même malades » pour faire face à la pandémie. Même son de cloche chez l’anesthésiste réanimateur à Hénin Beaumont Arnaud Chiche qui note que si « l’obligation vaccinale ne se discute pas quand on est soignant en 2021 », « toute décision qui fait qu’il y a moins de soignants à l’hôpital est une très mauvaise décision ».
C’est qu’en faisant peser sur les soignants et par extension sur leurs patients la charge de sa nouvelle offensive autoritaire, la macronie joue à un jeu dangereux en travestissant la lutte contre le covid et des impératifs sanitaires pour réaliser une nouvelle casse de l’hôpital public. La situation déjà critique de l’hôpital pourrait rapidement devenir alarmante, alors que le sous-effectif est la norme depuis que des décennies de politiques de casses néo-libérales sont passées par là. Nous ne pourrions oublier que l’hôpital n’a pu tenir au pic de la pandémie que par transfusion, sur le dévouement de ceux-là même qui dans des conditions de travail indécentes ont tenu et sont aujourd’hui pris pour cibles.
Les premiers effets en sont constatables. Ce mercredi, plusieurs soignants étaient interdits de travailler. Ils étaient 300 au CHU de Caen, 350 à Nantes et près de 300 000 seraient concernés dans toute la France. A Montélimardes opérations ont d’ores et déjà dû être déprogrammées. Dans les zones rurales où les personnels de santé ne sont pas légion, la situation est plus préoccupante encore puisque la suspension d’un médecin signifie bien souvent la fin de toute couverture médicinale à des kilomètres à la ronde. C’est le cas à Chamois-l’Orgueilleux où près de 200 personnes se sont mobilisés cette semaine armés de banderoles « sacrifier notre médecin, c’est condamner ses patients » pour exiger le maintien de leur médecin traitant.
Deux territoires dérogent à la règle : la Martinique et la Guadeloupe où la situation sanitaire est telle qu’elle rendait impossible l’autoritarisme sanitaire appliqué ailleurs. Lors d’une conférence de presse le 26 août dernier, le ministre de la Santé Olivier Véran annonçait que « considérant la situation épidémique et la mobilisation totale de tous les soignants, de tous les directeurs d’hôpitaux, pour sauver un maximum de vies dans des conditions difficiles, on n’allait pas leur rajouter la contrainte de l’obligation vaccinale. ». Une fois n’est pas coutume l’exception confirme ici la règle et dévoile l’irrationalité sanitaire de la mesure macronienne, quand pour réaliser à bien une politique de santé publique d’ampleur il s’agit de la suspendre.
En défense de la première ligne et pour un service public hospitalier à la hauteur : préparer un plan de bataille
Ce mercredi plusieurs rassemblement de soignants se sont tenus contre l’instauration du pass sanitaire à l’hôpital. A Montpellier, ils étaient plus de 300 « blouses blanches ». A Bordeaux, plusieurs dizaines de personnes se sont retrouvées devant l’hôpital Pellegrin pour revendiquer « Pas de mise à pied. Pas de sanctions. Pas de retenue de salaire ». Des rassemblements ont également eu lieu devant l’ARS de Mâcon, l’hôpital de Riom (Puy-de-Dôme ou encore devant l’hôpital Robert-Pax de Sarreguemines.
La veille des manifestations appelées notamment par la CGT-Santé avaient rassemblé plusieurs centaines de personnes. Si ces mobilisations ont le mérite d’exister face à l’autoritarisme sanitaire que Macron fait peser sur les soignants et leurs patients, il nous faut un plan de bataille conséquent à même de faire reculer le gouvernement. Dans ce contexte, nous ne pouvons occulter l’absence quasi-totale des directions syndicales du mouvement ouvrier comme force d’opposition au gouvernement depuis le début de la crise. Le silence jusqu’alors de la direction de la CGT et de son secrétaire général Philippe Martinez doivent nous interpeller. Il est le signe d’un abandon face à une attaque sans précédent contre les travailleurs et une insulte à la première ligne qui a farouchement combattu la Covid sans moyens ni effectifs pendant de long mois. En ce sens, l’appel porté par la CGT-Santé mardi dernier constituait une première ébauche de réponse, mais sans lendemain cela ne pourra être qu’une stratégie de la défaite. Enfin, si la dénonciation des sanctions qui pèsent contre la première ligne, et la mobilisation contre celles-ci, est urgente, elle doit s’accompagner d’un discours qui place au centre la volonté de convaincre de la vaccination, et des soignants en premier-chef.
En ce sens, la bataille contre le pass sanitaire et sa concrétisation à l’hôpital implique d’une part de se mobiliser autour d’un programme sanitaire ouvrier. De tels mots d’ordre devraient être portés dans la rue, en appelant à la grève, y compris au-delà de la santé, mais également en toute indépendance de l’extrême-droite qui gravite autour de la contestation légitime contre le pass sanitaire. En ce sens, nous ne pouvons faire sans un programme qui pose la vaccination de masse comme une nécessité absolue- sur le plan national comme international par la levée des brevets – et qui l’articule à des revendications de moyens pour l’hôpital public. Un programme dont la défense devrait aller de pair avec une campagne active dans les entreprises, hôpitaux et les quartiers populaires pour convaincre du bien-fondé de la vaccination pour protéger notre camp social et en finir avec l’épidémie. Et qu’on ne nous dise pas qu’il n’existe pas d’argent, pas plus tard que mardi Emmanuel Macron annonçait des investissements monstres pour renforcer la répression et ses forces de police. Une mesure symbolique quand on se rappelle que depuis les premiers jours de cette crise sanitaire la réponse du gouvernement à la pandémie se sera toujours jouée sur un terrain sécuritaire et autoritaire. Dans le même temps, l’hôpital public n’aura eu que des miettes et ses acteurs des sanctions.