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Brésil. Cinq leçons du Congrès du PSOL

Brésil

Lien publiée le 30 septembre 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://alencontre.org/ameriques/amelat/bresil/bresil-cinq-lecons-du-congres-du-psol.html

Par Valerio Arcary

1° – Vaincre Bolsonaro

Le PSOL est sorti de son Congrès [26-27 septembre] renforcé, un peu cabossé, mais entier. Il y a une majorité et une minorité, ce qui est normal. Les congrès devraient être les réunions les plus importantes pour un parti. Comme on pouvait s’y attendre, ils sont le lieu de forts débats. Au PSOL, les débats sont publics, et la démocratie interne presque chaotique. Malheureusement, la gauche doit encore apprendre à se protéger de l’environnement toxique d’attaques et d’insultes que l’on trouve parfois sur les réseaux sociaux.

Ce congrès était le premier après l’assassinat traumatisant de Marielle Franco et d’Anderson Gomes (le 14 mars 2018). Le sang des combattants a été versé, ce qui nous oblige à être meilleurs. Le cœur d’un Congrès est de déterminer l’orientation générale proposée [ou les orientations proposées] et élire la direction, c’est-à-dire l’équilibre [de sa composition] et les perspectives.

Le dernier congrès du PSOL a eu lieu à la fin de l’année 2017. Dans cet intervalle, la situation réactionnaire au Brésil ouverte par l’impeachment d’août 2016 [de la présidente Dilma Rousseff du PT] a été consolidée, la contre-réforme du droit du travail et la loi sur le plafond des dépenses ont été votées, Marielle Franco a été assassinée, Lula a été arrêté [en mars 2016], Jair Bolsonaro est arrivé à la présidence suite à une élection [le 28 octobre 2018 ; mandat commencé le 1er janvier 2018], une nouvelle contre-réforme des retraites approuvée, Eletrobrás a été privatisée, le Pantanal [écorégion qui s’étend dans l’Etat du Mato Grosso do Sul, mais aussi du Mato Grosso et de la Bolivie] et l’Amazonie ont brûlé comme jamais auparavant, les terres indigènes ont été envahies par les garimpos [chercheur d’or] clandestins, la vente d’armes a été libéralisée et encouragée, un cataclysme humanitaire s’est abattu sur le peuple qui a vu six cent mille vies sacrifiées dans la pandémie, et encore bien d’autres choses…

Le gouvernement d’extrême droite s’est érodé progressivement mais lentement et Bolsonaro a pu faire descendre des centaines de milliers de personnes dans la rue le 7 septembre dernier, ce qui confirme qu’il n’a pas encore été vaincu. La décision centrale du Congrès du PSOL de 2021 se résume en une idée: le PSOL veut être un instrument utile pour unir la gauche afin de renverser Bolsonaro, ici et maintenant, dans la rue et, si l’impeachment n’est pas approuvé, lors des élections. Rien n’est plus important. Le pari de la majorité de la gauche anticapitaliste qui s’organise au sein du PSOL est que cette insertion au sein du Front unique ne diminue pas le PSOL. Au contraire, elle renforce le PSOL face aux secteurs les plus avancés et politiquement actifs des masses laborieuses qui perçoivent le PSOL comme un outil révolutionnaire sérieux.

2° – Le PSOL plus fort parce qu’il a opéré un virage

Mais, bien sûr, ce processus n’a pas pu être sans douleur. Le PSOL était depuis sa fondation une opposition aux gouvernements du PT (Parti des travailleurs). La nouvelle situation politique, après le coup d’État institutionnel de 2016, a placé le PT dans l’opposition. La tâche centrale de l’étape présente, la lutte pour vaincre les néofascistes, a abouti à exiger déplacement du PSOL aux côtés du PT dans un Front unique de gauche. Un virage brusque était nécessaire. Les tournants produisent des divisions. A l’approche du Congrès, qui a réuni cinq mille militant·e·s lors de sessions plénières virtuelles et plus de cinquante mille affiliés lors de votes en «présentiel», les divisions étaient inévitables. Le PSOL est aujourd’hui, de manière surprenante, plus important qu’il ne l’était avant 2016. Après tant de défaites cumulées, qui ont répandu le découragement et l’insécurité même dans l’avant-garde la plus en difficulté, il aurait été prévisible qu’un parti à la dynamique révolutionnaire comme le PSOL réduise son influence. Les idées radicales sont moins convaincantes dans des conjonctures marquées par la défensive. Paradoxalement, même en considérant les énormes difficultés auxquelles font face les luttes, le PSOL est aujourd’hui incontestablement plus fort que jamais. Il a gagné le respect des travailleurs et travailleuses, une audience dans les mouvements féministes, noirs et LGBT, le soutien des jeunes et des mouvements indigènes et environnementaux, la sympathie des artistes et des intellectuels, et Guilherme Boulos est le dirigeant de gauche qui jouit de la plus grande autorité après Lula, ce qui est quelque chose d’immense. Le rapport de force politique entre le PSOL et le PT a changé, même si le parti de Lula est majoritaire. Le PSOL est un parti qui a une influence de masse, même s’il est minoritaire. Comment expliquer cette croissance, sinon comme la confirmation d’une ligne politique?

3° – Le Congrès n’était pas un «armageddon».

Le débat a été rude, car il existe des différences vraiment importantes dans l’évaluation de la situation brésilienne. Elles ne se réduisent pas à la question du lancement (ou non) de la propre candidature du PSOL, en 2022. Après tout, comme il existe un accord selon lequel le PSOL devrait voter pour Lula lors d’un éventuel second tour, la décision concernant le vote au premier tour devrait être considérée comme tactique, et non comme la dramatisation d’un «armageddon», la lutte finale du «bien contre le mal».

Les différences sont plus sérieuses. Mais contrairement à ce qui a été agité à la légère, elles ne concernent pas des négociations secrètes imaginaires avec la direction du PT en vue d’une éventuelle participation à un gouvernement Lula, une accusation qui est tout simplement fausse.

Les différences renvoient à une évaluation de la manière de combattre Bolsonaro, donc de savoir s’il est ou non un néofasciste. Trois tactiques ont divisé le PSOL ces dernières années: (a) celle du quiétisme, de l’immobilisme, sur le mode de «ne pas provoquer», d’attendre les élections de 2022 et de soutenir la formation d’un Front large «jusqu’à ce que ça fasse mal», en sacrifiant l’indépendance de classe; (b) celle de l’offensive permanente sur le mode d’actions «exemplaires», en privilégiant, curieusement, l’unité d’action avec l’opposition libérale à la place d’un Front unique de classe, et en transformant une propre candidature (du PSOL) en stratégie; (c) celle du Front unique de gauche dans les luttes et les élections. Malheureusement, il n’a pas été possible d’éviter la rupture de Marcelo Freixo [élu député fédéral pour l’Etat de Rio de Janeiro en février 2019; quitte en 2021 le PSOL pour le PSB-Parti socialiste brésilien], car il a décidé de miser sur la ligne de construction d’un Frente Amplio avec les partis d’opposition libéraux.

Mais il y a eu aussi des excès du principal courant d’opposition interne qui a dramatisé, de manière exaltée et emportée, que le destin du PSOL serait en danger de vie ou de mort, ce qui relève d’un épouvantail pour justifier le maintien de la pré-candidature [à la présidentielle] de Glauber Braga [membre du PSB de 2001 à 2015; du PSOL depuis lors ; élu député fédéral pour l’Etat de Rio de Janeiro en février 2011 ; précandidature faite en mai 2021], ce qui est un droit, mais aussi l’orientation d’une fraction politique publique.

4° – Une nouvelle majorité a été consolidée

Les deux principales décisions du Congrès PSOL du week-end dernier ont été les suivantes (a) la votation sur l’orientation des cinq dernières années et la défense de la tactique du Front unique de gauche; (b) la consolidation d’une nouvelle majorité dans la direction avec l’intégration du courant animé par le MTST (Mouvement des travailleurs sans toit), la Revolução Solidária et le pôle PSOL Semente, qui réunit Resistência, Insurgência et Subverta, ainsi que les collectifs régionaux. Mais un bilan était inéluctable.

(a) Le positionnement du PSOL dans la dénonciation du coup pour la destitution de Dilma Rousseff en 2016, dans la foulée de la dénonciation de Sergio Moro [alors juge fédéral] et de l’opération réactionnaire de criminalisation de la direction du PT, cela en opposition à une neutralité «technique» face à LavaJato.

(b) Le positionnement dans la campagne Lula Livre [pour libérer Lula], en préservant l’indépendance du PSOL et la défense de son évaluation critique des erreurs des gouvernements du PT ; cela en opposition à l’indifférence face à l’arrestation de Lula.

(c) L’initiative de l’alliance avec le MTST et l’Apib [Articulation des peuples indigènes du Brésil] et le lancement de la candidature [pour les présidentielles d’octobre 2018] du ticket Guilherme Boulos/Sonia Guajajara, qui a permis de doubler la fraction parlementaire fédérale, par opposition au lancement d’une candidature d’un intellectuel de gauche.

(d) La défense de la dénonciation de Bolsonaro comme ennemi politique central lors du premier tour de la campagne électorale de 2018; l’impulsion donnée à la mobilisation organisée par les mouvements féministes pour #elenão [Pas lui] et la campagne Viravoto [vote pour le candidat du PT Fernando Haddad] au second tour.

(e) La ligne de la campagne électorale municipale de 2020, centrée sur la lutte pour battre l’extrême droite du second tour, moment clé de la victoire électorale à Belém, et pour porter la campagne Boulos/Luiza Erundina au second tour à São Paulo, en plus de l’élection de femmes, de conseillers noirs et trans, et de combattants sociaux populaires.

(f) L’initiative de la campagne Fora Bolsonaro et la constitution d’un Front unique des mouvements syndicaux et populaires, des femmes et des noirs, des étudiants et des écologistes, avec des partis de gauche pour organiser la résistance. S’y ajoute l’initiative consistant à défendre le retour dans la rue, en pleine pandémie, d’abord avec les «supporters organisés», en 2020, puis en 2021, en appuyant la convocation de la Coalition noire pour les droits le 13 mai, ouvrant la voie aux mobilisations de masse, à partir du 29 mai. L’initiative parlementaire visant à organiser une pétition unifiée pour la destitution de Bolsonaro avec les partis de gauche de la chambre des députés.

5° – Celui qui ne sait pas contre qui il se bat ne peut pas gagner

Nous avons un ennemi. Bolsonaro est un néofasciste et sera prêt à tout pour rester au pouvoir, d’autant plus s’il se sent harcelé par le danger d’une enquête et d’un procès. Il y a une lutte d’influence à gauche entre le PSOL et le PT, et elle est légitime. Mais cela se passe à un niveau complètement différent.

En outre, le temps a la même importance en politique que dans la vie. Chaque jour a sa propre fin. Les temps s’accélèrent dans certaines circonstances. Une tactique politique doit toujours répondre à des conjonctures, et non à des situations futures hypothétiques, et encore moins à des projections issues de sondages électoraux… un an à l’avance. L’anticipation de la place du PSOL comme opposition de gauche à un éventuel futur gouvernement Lula ne peut être notre préoccupation «numéro un». Par contre, vaincre Bolsonaro, doit l’être. Lula n’était-il pas le favori contre FHC (Fernando Henrique Cardoso du Parti de la social-démocratie brésilienne) en 1994 jusqu’à six mois avant l’élection. Et Lulal n’a-t-il pas été impitoyablement battu au premier tour? Réfléchissons aux conséquences irréparables de cette défaite. Qui peut prédire aujourd’hui quelle sera la force de Bolsonaro en 2022? Qui pense que le PSOL peut allègrement présenter son propre candidat [référence à la pré-candidature de Glauber Braga], et faire campagne pendant un an, sur le thème «ni Bolsonaro ni Lula», puis, face au danger de l’abîme, faire volte-face à la veille des élections et retirer sa candidature, a-t-il sérieusement envisagé qu’une telle démarche n’est pas possible?

L’argument qui brandit le fait que Lula n’a pas besoin du PSOL pour battre Bolsonaro au premier tour, mais admet un soutien à Lula au second tour, ne fait-il pas fi d’innombrables impondérables?

En affirmant que le PSOL doit préconiser la constitution d’une «table de gauche» pour discuter d’un programme commun et définir un arc d’alliances pour le premier tour des élections présidentielles, le congrès du PSOL n’a pas décidé d’autoriser des négociations pour une éventuelle participation à un gouvernement du PT. Ce que sera un gouvernement du PT, si Lula gagne les élections, n’était pas un sujet au Congrès du PSOL.

De manière responsable, le Congrès a voté, de manière préventive, une résolution qui établit les critères qui préservent l’indépendance de la classe. Le danger qui nous menace n’est pas de succomber devant le PT. Le danger effectif a pour nom: Bolsonaro. (Article publié sur le site Esquerda Online, publié le 28 septembre 2021; traduction par la rédaction de A l’EncontreEsquerda Online traduit les positions du courant Resistencia du PSOL)

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https://alencontre.org/ameriques/amelat/bresil/bresil-7e-congres-du-psol-les-debats-et-un-pas-en-avant-dans-la-lutte-contre-bolsonaro.html

Brésil. 7e Congrès du PSOL: les débats et un pas en avant dans la lutte contre Bolsonaro

Par Deborah Cavalcante

Les 26 et 27 septembre 2021, le 7e congrès du PSOL (Parti Socialisme et Liberté) a réuni 402 délégués, en ligne. 51 000 membres ont voté, soit deux fois plus que lors du précédent congrès. Par conséquent, une partie des militant·e·s les plus engagés a voté pour choisir les thèses qui furent débattues dans les Congrès des Etat, puis à l’échelle nationale.

Il y a deux grands blocs au sein du parti. D’un côté, le bloc du «PSOL de Todas as Lutas», constitué par l’unité de deux blocs: le PSOL Semente (semence), formé par Resistência [1],Insurgência [2], Subverta [3] Maloka Socialista [4], Vamos PSOL [5] et Carmen Portinho [6], ainsi que des militants indépendants [7] ainsi que le PSOL Popular, formé par Primavera Socialista (le plus grand courant qui a nommé le nouveau président, Juliano Medeiros) et Revolução Solidária (le courant de Guilherme Boulos et MTST-Mouvement des travailleurs sans toit). Le PSOL de Todas as Lutas comptait 228 délégués, dont 61 du PSOL Semente et 167 du PSOL Popular.

De l’autre, l’auto-qualifié bloc de «l’opposition de gauche» qui rassemble le MES (Mouvement gauche socialiste, courant représentée par Luciana Genro), Commune (courant animé par João Machado), APS (Action populaire socialiste), Fortalecer, CST (Courant socialiste des travailleurs), LS (Luute socialiste) et des courants locaux. Ce bloc a réuni 173 délégués. La LSR (Liberté, Socialisme et Révolution), avait un délégué et n’a pas présenté de candidat à la direction nationale.

Les deux blocs se sont formés notamment à trois moments politiques:

(1) En 2016 face aux mobilisations massives de la droite en faveur du coup d’Etat institutionnel contre le PT [lors de la destitution de Dilma Rousseff], lorsque la majorité du PSOL s’est positionnée contre le coup d’Etat et en dénonçant le lava-jato [utilisé, entre autres, par Sergio Moro pour arrêter Lula. (à l’opposé de la position de l’actuelle minorité);

(2) En 2018, lorsque la majorité s’est investie dans la relation avec le MTST et l’APIB (Articulação dos Povos Indígenas do Brasil), deux mouvements sociaux d’importance, à l’occasion de la présentation d’une liste PSOL à la présidence et vers un processus de réorganisation de la gauche. Avec la campagne de Guilherme Boulos et Sônia Guajajara, le PSOL a accumulé des forces pour intervenir dans les manifestations Ele Não [«Pas lui», mouvement contre Jair Bolsonaro animé par des femmes], a doublé sa fraction parlementaire et soutenir le mouvement «Change de vote» lors du 2e tour des présidentielles, en appelant à voter pour le PT contre Bolsonaro;

(3) Après la victoire de Jair Bolsonaro et l’assassinat de Marielle Franco [le 14 mars 2018], avec des menaces de prison et de mort contre de leaders du mouvement social comme Pedro Stédile [dirigeant du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre-MST] et Guilherme Boulos, nous étions en faveur du Front unique. Il s’est exprimé dans deux grandes exigences unifiées d’impeachment (l’une issue des partis de gauche et l’une ayant les traits d’une unité d’action), dans les mobilisations d’un véritable tsunami du secteur de l’éducation (ce fut la première grande manifestation contre le gouvernement) et, après la pandémie, dans le soutien à la première manifestation appelée par la Coalition noire, pour, dans la foulée, former la Campagne nationale Fora Bolsonaro qui prit en charge l’appel à des grandes actions que la gauche a construites sur le thème Fora Bolsonaro. Pendant la pandémie, de grandes campagnes de solidarité contre la faim ont également été organisées, notamment les cuisines solidaires du MTST. Plus de 20 tonnes de nourriture ont été distribuées lors de cette campagne à laquelle Resistência a participé comme sa participation à la campagne «Tem Gente com Fome» («Il y a des gens qui ont faim»).

***

Une nouvelle majorité s’est formée lors de ce Congrès, cela avec le PSOL actif dans toutes les luttes. Cette majorité est plurielle et aura de grandes responsabilités. La thèse nationale du PSOL Semente [8] joue un rôle décisif. Avec 61 délégués (15% du total), nous présentons une vision internationaliste et cohérente avec la réalité brésilienne, influençant de manière décisive les victoires obtenues au Congrès du PSOL.

Le cadre politique prioritaire du Congrès est unitaire et a une implication unitaire: la réaffirmation que le PSOL n’attend pas les élections de 2022 pour débarrasser le Brésil de Bolsonaro. Au minimum, nous nous battons pour que Bolsonaro n’arrive pas politiquement vivant aux élections d’octobre 2022. Le vaincre par la force exprimée dans la rue [la prochaine échéance est fixée au 2 octobre] – initiative à laquelle nous consacrons nos énergies – ouvrirait la porte à un changement qualitatif dans le rapport des forces.

Mais pour cela le PSOL ne suffit pas. C’est un parti minoritaire (certes en progression) au sein de la classe ouvrière. Il ne disposerait pas des ressources pour gérer en tant que tel les luttes prolétariennes brésiliennes. L’entrée du MTST, sur ce terrain, traduit une énorme victoire, car il s’agit de l’un des mouvements sociaux les plus importants du Brésil par l’ampleur de sa base, par aa capacité d’organiser une masse laborieuse précarisée et par la radicalité de son action. Dans la semaine précédant le congrès du PSOL, le MTST a occupé la Bourse de São Paulo pour dénoncer la faim et l’inflation.

Je vais maintenant rendre compte des débats politiques lors du Congrès et de leurs résultats.

Premier débat: Bolsonaro ne s’est pas dissous

Il y a eu un débat au Congrès ayant trait la force de Bolsonaro, sa capacité d’action et de réaction. Le bloc d’opposition, bien que diversifié, a présenté une vision qui va d’un jugement selon lequel Bolsonaro serait hors jeu, comme un gouvernement qui est déjà dissous, jusqu’à celui selon lequel l’extrême droite et le bolsonarisme seront certainement vaincus lors d’un 2e tour des élections de 2022. Par conséquent, le PSOL aurait un rôle mineur face à la défaite «déjà annoncée» du gouvernement lors des élections et il devrait préférer son auto-construction.

Le PSOL Semente a défendu une autre vision qui – suite à la force de l’unité du bloc du «PSOL de Todas as Lutas» – a été victorieuse. Avec 57% des voix (contre 42% de la minorité), la centralité de la campagne Fora Bolsonaro et celle de la mobilisation dans la rue pour l’impeachment a été approuvée.

Nous ne considérons pas que Bolsonaro est déjà défait ou qu’il existe un chemin naturel prédéterminé vers sa défaite politique et électorale. Lors des initiatives gouvernementales et golpiste du 7 septembre 2021, Bolsonaro a fait descendre des centaines de milliers de personnes dans les rues. Même s’il se limitait à sa base la plus fidèle, la mobilisation fut plus importante que celle de l’opposition. Tout cela avait pour fonction d’affirmer sa survie et d’arriver dans des conditions lui permettant de faire face au défi des élections d’octobre 2022. Et s’il ne lui est pas possible de gagner les élections, il a l’intention d’accumuler des forces pour une aventure golpiste, en suivant l’exemple de l’invasion du Capitole aux Etats-Unis.

Bolsonaro a déjà prévenu qu’il n’acceptera pas une défaite électorale de manière pacifique, suivant le même scénario que Trump en utilisant le discours de la fraude électorale. A l’heure actuelle, les conditions d’un coup d’Etat classique ne sont pas réunies, car ni les forces armées ni la plupart des députés n’ont signalé qu’ils soutiendraient un coup d’Etat ou une provocation du type de l’occupation du Tribunal suprême fédérale (STF). Toutefois, nous n’excluons pas le scénario d’une tentative golpiste Bolsonaro – avant, pendant ou après les élections – s’il parvient à réunir les conditions pour le faire. Cette possibilité représente en soi un élément très grave de la situation actuelle.

Le deuxième débat: Front unique et unité d’action

Le courant Resistência et le PSOL Semente ont défendu fermement le Front unique comme première tactique pour affronter l’extrême droite, car sans unité il n’est pas possible de renverser le gouvernement. Nous avons développé notre approche portant sur la construction de la campagne nationale «Fora Bolsonaro» avec les centrales syndicales, les mouvements populaires et la jeunesse. Elle rassemble le PSOL, le PT, le PCdoB, le PSTU et le PCB. A partir de point d’appui, toutes les grandes mobilisations nationales de la gauche pour l’impeachment ont été appelées et rendues plus massives. Guilherme Boulos a été sans conteste l’un des principaux porte-parole à l’origine de ces mobilisations.

L’opposition de droite au gouvernement [Movimento Brasil Livre] a organisé [le 12 septembre] une mobilisation nationale qui était plus petite que toutes les autres. Elle souffre des conséquences de l’adoption d’une position golpiste dans la période précédente [référence au coup d’Etat parlementaire qui a abouti à la destituion de Dilma Roussef en août 2016], qui ouvert la voie à l’élection de Bolsonaro. Malgré cela, nous défendons les initiatives d’unité d’action, afin d’élargir la lutte pour l’impeachment.

Le bloc d’opposition du PSOL est contre cette approche de Front unique et a construit son propre front, «Povo na Rua», avec la minorité du PSOL, l’UP (Unidad Popular) et le soutien du PCB (Parti communiste brésilien), pour, depuis l’extérieur de la campagne «Fora Bolsonaro», influencer l’unité d’action avec la bourgeoisie pour la destitution.

Le Congrès du PSOL a approuvé sa priorité sur la campagne «Fora Bolsonaro» et, en son sein, le Front du Peuple Sans Peur (Frente Povo Sem Medo). Dans le cadre du Front unique, nous luttons contre l’immobilisme et la division. Nous nous battrons pour élargir les mobilisations avec un caractère d’unité d’action. C’est une réponse fondamentale dans une étape de revers, de reculs à tous les niveaux: économique, social et politique, étape aggravée par la pandémie du Covid-19

Le troisième débat: le Front des gauches en 2022

Resistência défend que le PSOL – si Bolsonaro reste un vecteur de polarisation politique (scénario le plus probable aujourd’hui) – établisse un Front des gauches, sans la bourgeoisie, où le PSOL puisse avoir son propre profil, exprimant son rôle d’aile de la gauche radicale. En effet, l’hypothèse selon laquelle le PSOL ne serait pas une composante active de la défaite (dans la rue ou même en termes électoraux) de Bolsonaro serait un désastre complet. L’élection étant une tactique (pas n’importe laquelle, mais une tactique), l’existence d’une extrême-droite ayant un poids de masse ne peut rester impunie par le PSOL.

En ce sens, le Congrès (avec 56% des voix) a autorisé sa direction à entamer des dialogues formels avec les gauches concernant un éventuel front électoral national en 2022. La décision finale sur la tactique électorale du PSOL sera prise en avril 2022 prochain, lors de la conférence électorale. Il y a encore beaucoup d’eau qui va couler sous les ponts.

Ce dialogue s’établit sur le programme et ne peut être à sens unique. Le Congrès a approuvé que les points de départ programmatiques soient: la révocation des mesures et des contre-réformes ayant suivi le coup d’Etat institutionnel de 2016, la défense d’un changement de modèle économique, la reconquête des droits du travail et des retraites, la protection des entreprises publiques [face à la vague de privatisations] et de la fonction publique, l’expansion des investissements dans les domaines sociaux, la reprise des politiques de protection de l’environnement, la fin de la déforestation et la démarcation des terres indigènes.

Par conséquent, le PSOL ne lancera pas de pré-candidature à la présidence. Si la minorité continue à avancer avec des activités de lancement d’une pré-candidature, elle ne le fera pas avec l’aval du Congrès.

La minorité affirme qu’il est possible de soutenir Lula et le PT lors d’un second tour. Une fois encore, la minorité néglige le rôle que peut jouer Bolsonaro. Bien que la désapprobation du gouvernement atteigne des majorités sociales, cette majorité n’a pas encore réussi à se traduire par des soulèvements populaires ayant la force nécessaire afin d’imposer l’acceptation de l’impeachment. Dès lors, tout indique que Bolsonaro se présentera pour les élections comme la candidature la plus forte de la droite, dans la perspective d’un gouvernement qui unifie encore des secteurs du capital, la classe moyenne propriétaire, les églises fondamentalistes, les appareils militaires et avec le soutien d’une base de masse précarisée.

Evidemment cela est possible, mais nous pensons qu’existe un espace politique pour présenter une campagne politique, comprise par les larges masses comme étant de gauche, qui prendra très probablement la forme d’une campagne-mouvement, avec une large mobilisation militante qui veut faire tomber Bolsonaro. Campagne qui mettrait le PSOL dans une véritable rencontre avec le meilleur de la société brésilienne. Nous aurons plusieurs candidatures dans tout le pays qui marqueront le profil du PSOL. Nous avons besoin d’un mouvement public de pression et d’exigences envers Lula, envers le PT et toute la gauche, qui se structure autour de la composition et du programme du Front.

L’unité d’un Front électoral ne signifie pas nécessairement une simple adhésion. L’unité que nous proposons est accompagnée d’un programme qui puisse dénoncer les plus de 600 mille morts, présenter des mesures anticapitalistes aux plus de 14 millions de chômeurs et 15 millions de personnes affamées. Un front de gauche avec des mesures anticapitalistes et avec un profil propre du PSOL au sein même du Front des gauches. Il ne s’agit pas non plus de composer des gouvernements. Si Lula est élu et s’il invite le PSOL à participer à son gouvernement, c’est le Directoire national qui décidera de la question. Dans ce cas, il n’y a aucun doute sur la position de Resistência ou du PSOL Semente: nous ne participons pas aux gouvernements avec la bourgeoisie.

Le quatrième débat: la défense de l’indépendance de classe

Avec l’appui du PSOL Semente, et le soutien du PSOL Popular, le congrès a approuvé deux mesures décisives pour préserver son caractère de classe. La première a trait à la non-participation aux gouvernements de conciliation de classe:

«Réaffirmer la position de ne pas participer et de ne pas envisager la participation à des gouvernements de partis de droite ou qui encouragent les attaques contre les travailleurs et reproduisent l’agenda libéral/conservateur et/ou les aspects autoritaires.» (Extrait de la résolution approuvée)

Cette résolution n’était pas unitaire, car la minorité a présenté une résolution qui traite exclusivement d’un «éventuel gouvernement Lula» qui, comme chacun sait, n’a pas été encore lancé. Il n’a ni annoncé son vice-président (sur un éventuel ticket présidentiel) ou son système d’alliance, et il a encore moins pris ses fonctions! En ce sens, la minorité a choisi de se démarquer d’un gouvernement qui n’est pas encore entré en fonction, au lieu d’approuver une résolution de critères politiques qui pourrait même être défendue lors de la discussion dans les municipalités où le PSOL est appelé à participer à des mairies, dans lesquelles il y a une présence de la droite ou même de l’extrême droite.

En outre, le PSOL a approuvé une résolution contre le financement privé des campagnes électorales par des banquiers, des entrepreneurs, des entreprises agroalimentaires, des sociétés minières ou des transnationales. Il s’agissait en effet d’une résolution consensuelle. Un grand pas pour le PSOL.

Il existe des méthodes inacceptables dans le débat

Nous ne tolérons pas le chantage, l’intimidation, la falsification des positions ou la raillerie des cadres et des militants. Nous répudions les pratiques en ce sens du MES – qui semble ne plus savoir faire la différence dans la lutte des idées entre les révolutionnaires et les ennemis de classe.

L’information selon laquelle il y aurait une négociation secrète de la majorité du PSOL, y compris Resistência, avec Lula et le PT pour obtenir des postes dans un éventuel gouvernement est une grave calomnie politique. Les épouvantails et les mensonges dans le débat politique sont nuisibles. Nous espérons qu’après le Congrès, ces camarades cesseront d’utiliser cette méthode.

Conclusions

Le PSOL reste un parti de la classe ouvrière. Partout où il y a des attaques contre notre classe, le drapeau du PSOL doit figurer en opposition. La fermeté face aux pressions sera décisive et c’est le rôle du camp PSOL Semente.

Le PSOL est un parti démocratique, même les fractions publiques coexistent. Cela ne diminue pas le PSOL, au contraire, dans la mesure où l’époque dans laquelle nous vivons indique que la gauche radicale a besoin de pluralité et de souplesse politique.

Resistência – une organisation comptant des centaines de militants actifs dans les mouvements syndicaux, de jeunesse, féministes, noirs et LGBTQIA+ – a remporté une victoire importante. Lors de cette première expérience de présence dans les congrès du PSOL, ce courant est devenu la 4e force politique la plus importante, élisant 31 délégués (7,5%), assumant la présidence du PSOL dans le Minas Gerais et dans plus de 10 villes.

Le PSOL reste l’un des principaux partis anticapitalistes au niveau mondial. Une nouvelle majorité plurielle vient d’être consolidée, où le PSOL Semente et les courants trotskistes ont un grand poids.

L’avenir de la gauche brésilienne et le rôle du PSOL vers une réorganisation impliquent d’être une organisation politique utile dans la défaite de Bolsonaro. Le 7e congrès du PSOL a fait un pas important dans cette direction. Nous avançons avec fermeté. (Article mis en ligne sur le site Esquerda online le 28 septembre 2021 ; traduction par la rédaction de A l’Encontre)

Deborah Cavalcante est avocate, titulaire d’une maîtrise en sciences politiques de l’UNICAMP et membre de la direction nationale de Resistência /PSOL.

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[1] Resistência est animée, entre autres, par Valério Arcary, Silvia Ferraro, Paula Nunes, Dafne Sena, Carolina Iara, Matheus Gomes, Talia Sobral e Iza Lourença et des centaines de militant·e·s du mouvement syndical, populiaire, étudiant… (Es. Online)

[2] Insurgência é un courant animé par Fernando Silva “Tostão”, Ana Cristina, Renato Roseno e Dani Monteiro, députés dans des Etats. Il est une section de la IVe Internationale. (Es. Online)

[3] Subverta est animée par Talíria Petrone, députée federale et Flávio Serafini, deputado estadual. Section de la IVe Internacional (Es.Online).

[4] Maloka Socialista courant présent à São Paulo et dans le Minas Gerais (Es.Online). [5] Grupo local de Pernambuco (Es.Online).

[6] Grupo local de Rio de Janeiro (Es.Online).

[7] Cette thèse fut présentée par Mônica Francisco et Érika Malunguinho, deputées étatiques et Tarcísio Motta, conseiller municipal (Es.Online).