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Le 2 décembre, les vieux montent à Paris.
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://aplutsoc.org/2021/11/23/le-2-decembre-les-vieux-montent-a-paris/
Sur les plateaux de Bolloré, la cause est entendue, les boomers sont des privilégiés qui ont bien vécu les Trente Glorieuses, qui ont acheté de l’immobilier, qui ont surfé sur le plein emploi, qui ont provoqué le réchauffement climatique et, finalement, font sombrer le pays dans le confinement pour réanimer quelques survivantes des Ehpad, quoiqu’il en coûte. Et la légende des boomers s’est répandue dans la campagne des régionales où une affiche de la tête de liste d’EELV, pour prévenir les jeunes progressistes soucieux «d’environnement » que « les boomers, eux, ont prévu d’aller voter », désignait explicitement les vieux comme l’ennemi. Les vieux que les campagnes de stigmatisation exaspèrent, ont fait en sorte que les clichés d’EELV ne fassent pas de vieux os.
Loin de ces affiches de sexagénaires bronzant, été comme hiver, sur les plages de la planète, les vieux, nés de l’après-guerre à la fin des sixties, ont surtout vécu la crise du logement où s’entassaient trois générations et l’effroyable hiver 54 des sans abri, les « chocs pétroliers », à partir de 73, quand ils cherchaient leur premier emploi, l’inflation à deux chiffres quand ils touchaient leurs premiers salaires et après 78, l’explosion des licenciements et des crises, les destructions de droits sociaux et les batailles sociales perdues, toutes choses qui seront au fond, la réalité de toute leur vie de travail.
Aujourd’hui, lesdits boomers sont des retraités, des assurés sociaux, des citoyens, bref des vieux. Alors oui, ils sont nombreux, mais que Julien Bayou se rassure, plus d’un million de ces boomers sont pauvres et il serait bien possible qu’ils n’aient pas prévu d’aller voter. Quant aux autres, les 16 millions de vieux au-dessus du seuil de pauvreté, leurs comptes se détériorent gravement. Et il serait bien possible qu’ils aillent manifester le 2 décembre à Paris. L’Insee évalue à 25% les ménages de retraités présentant des incidents de paiement sur des dépenses contraintes. Dans les 20 dernières années, selon l’Insee, les prix ont augmenté de plus de 25% quand les retraites en moyenne ont augmenté de moins de 9%.
En 2018, Macron a été le premier à baisser les retraites au moyen de la CSG faisant perdre aux retraités entre 600 et 1200 € par an. Un rapport commandé par Macron sur le financement de la perte d’autonomie, le rapport Vachey, préconise d’augmenter encore la CSG en l’alignant sur celle des actifs, de réduire l’abattement de 10% pour le calcul de l’impôt sur le revenu des retraités et de continuer à sous-revaloriser ou à geler les pensions de retraite.
Une intersyndicale de neuf organisations (CGT, FO, CFTC, SUD-Solidaires, CFE-CGC, FSU) et des associations de retraités, pilote les mobilisations des vieux salariés d’une manière peu différente des journées d’actions confédérales auxquelles les retraités sont aussi appelés « pour l’augmentation des pensions ».
Ainsi le 1er octobre dernier, dans la pure tradition des temps forts confédéraux, de maigres rassemblements de vieux militants étaient conviés à égrener le long inventaire de leurs besoins : offre publique de soins de santé, autonomie, loi « Grand-âge » , accès aux services publics sur tout le territoire, défense des libertés individuelles et collectives. Le pouvoir d’achat aussi était de la liste avec l’augmentation de base et des complémentaires, leur indexation sur les évolutions des salaires, l’amélioration de la pension de réversion. Mais alors que les Unions syndicales de retraités CGT faisaient campagne, pétition en main, depuis des mois, pour une revalorisation de 300 € mensuels dont 100 € immédiatement, toute référence à cette revendication avait disparu des appels au 1er octobre.
La CGT a convaincu l’intersyndicale d’écrire que « le premier octobre des dizaines de milliers de retraitées et de retraités se sont fait entendre dans 164 rassemblements », pour finir par annoncer ce bilan « le gouvernement continue de rester sourd à leurs revendications et à poursuivre sa politique antisociale ». Les manifestants savent que leurs faibles rassemblements du 1er octobre n’étaient pas en mesure de produire un autre résultat.
Depuis plusieurs choses ont changé.
Sur ce seul thème du pouvoir d’achat, la hausse généralisée des prix dont le gouvernement dit maintenant qu’elle pourrait durer, a créé encore plus de préoccupation chez les retraités ; avec les provocations de Macron octroyant 100€ de « chèque inflation » pour solde de tout compte et désignant la population des retraités comme les derniers des derniers dans le calendrier de la distribution des aumônes élyséennes, soit en février 2022, la préoccupation du pouvoir d’achat des pensions s’est transformée en indignation et en colère.
L’appel de la CGT au 2 décembre ne pouvait plus ignorer la revendication centrale de l’augmentation des retraites. A Paris, l’Union Syndicale des Retraités titre : « On n’y arrive plus ! » et affiche en lettres capitales l’exigence des « 100 € tout de suite, 300 € rapidement. » L’appel national de la CGT précise que les 300 € d’augmentation des pensions doivent être versés en 2022.
Dans cette période pré-électorale où l’inflation explose, en même temps que les grèves pour les salaires et où la cinquième vague de l’épidémie exaspère les affrontements pour les libertés individuelles, une montée nationale à Paris n’est pas une journée d’action comme les autres. La mise en accusation de Macron sur sa politique de rustines sociales s’ajoute aux autres motifs qui exigent, au plus tôt, son départ.
Préparer la montée nationale des retraités à Paris le 2 décembre (13h30, Denfert-Rochereau) comme une urgence revendicative, c’est aussi affirmer que les retraités, les vieux, ces boomers ne sont pas les dupes des présidentielles à Macron.
LM, le 23-11-2021.