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Au ministère comme sur TikTok, Djebbari promeut l’avion

Lien publiée le 4 décembre 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Au ministère comme sur TikTok, Djebbari promeut l’avion (reporterre.net)

Au ministère comme sur TikTok, Djebbari promeut l'avion

Le ministre des Transports est devenu très populaire sur les réseaux sociaux, surtout avec ses vidéos sur TikTok. Un engouement dont il se sert pour vanter l’action du gouvernement. Et promouvoir le très polluant secteur aérien.

C’est le ministre en vogue du moment. Jean-Baptiste Djebbari, chargé des Transports au sein du gouvernement depuis 2019 [1], a la cote sur les réseaux sociaux. « Il est absolument incroyable », peut-on lire sous ses vidéos, sur la plateforme TikTok où il cumule les 536 000 abonnés. « Monsieur, vous êtes un génie », ajoute un adolescent. « Présentez-vous à la présidentielle ! » poursuit même un autre jeune.

Depuis le mois de juin, Jean-Baptiste Djebbari publie régulièrement de courtes vidéos humoristiques sur ce réseau social particulièrement populaire chez les jeunes. On le découvre dans toutes les situations : enfourchant son vélo, au volant d’une voiture électrique Tesla, aux commandes d’un train...

La mise en scène va souvent plus loin. En septembre, il a posté une vidéo où, grâce à la magie du montage, ses vêtements passent d’un costard à une tenue de pilote de voiture de course. « La Formule E est le premier sport automobile neutre en carbone », précise-t-il dans la légende. En octobre, il s’est filmé dans un train de nuit, avec un filtre transformant son visage en tête de rat pour souligner sa radinerie. « Prendre un aller-retour en train de nuit pour payer deux nuits d’Airbnb en moins », plaisante-t-il.

Dès qu’une musique ou une référence sont à la mode sur TikTok, le ministre publie une vidéo reprenant ces codes. Sur Twitter, il reprend avec aisance des citations du rappeur Booba. Et cela fonctionne : les internautes en raffolent. « Jean-Baptiste Djebbari fait partie de ces ministres du quinquennat Macron qui maîtrisent parfaitement ces outils numériques, analyse Alexandre Eyries, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Bourgogne-Franche-Comté [2]. Il est relativement jeune [Jean-Baptiste Djebbari a 39 ans] et il n’a pas derrière lui une carrière politique longue de plus de trente ans. Tout cela fait qu’il communique de manière très décomplexée et assez maligne. »

De pilote de jet privé, à député de la Haute-Vienne

Le natif de Melun (Seine-et-Marne) est effectivement novice en politique. Contrôleur aérien de formation, il a été diplômé de l’École nationale de l’aviation civile (Enac), avant d’atteindre son rêve : obtenir sa licence de pilote de ligne. Sur le site internet du gouvernement, son CV nous apprend [3] qu’il a piloté au sein de la compagnie américaine NetJets à partir de 2008 — une entreprise spécialisée dans les jets privés. Il a ensuite été fonctionnaire à la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) de 2014 à 2015, avant de revenir dans le privé. De 2016 à 2017, il a été directeur des opérations de la compagnie aérienne luxembourgeoise Jetfly — là encore spécialisée dans les jets.

C’est en 2015, alors qu’il voulait créer une compagnie aérienne interrégionale, qu’il a rencontré Emmanuel Macron. Le président de la République était alors ministre de l’Économie. Le projet n’a pas abouti, mais le pilote a gardé le contact avec le futur chef de l’État. Séduit par son projet « En Marche ! », Jean-Baptiste Djebbari s’est ensuite impliqué dans sa campagne présidentielle. En juin 2017, il a été élu député sous l’étiquette de la majorité, dans la deuxième circonscription de la Haute-Vienne. Durant son mandat, il s’est fait remarquer au moment de la réforme ferroviaire, dont il était rapporteur du projet de loi. Il a ensuite été nommé secrétaire d’État chargé des Transports en septembre 2019, puis ministre en juillet 2020.

Jean-Baptiste Djebbari à la COP26 de Glasgow, en Écosse, le 10 novembre 2021. © Pierre Larrieu/Reporterre

« Ses vidéos TikTok ont pour but de révéler que derrière le politicien, il y a aussi quelqu’un qui ne sort pas du moule de l’ENA, estime l’enseignant-chercheur Alexandre Eyries. Il veut montrer qu’il n’est pas un technocrate par vocation, qu’il a une personnalité, un certain décalage. » Et par la même occasion, vanter l’action gouvernementale sur les différents volets de son portefeuille : le vélo, le bateau, le train... et bien sûr, l’avion.

« JB le Djeb » – la rumeur raconte que son cabinet le surnomme ainsi – ne semble pas favoriser un mode de transport à un autre. D’ailleurs, la plupart des acteurs du secteur du rail apprécient travailler avec lui, rapportait Libération dans un portrait l’an dernier. Mais là où il excelle, c’est bien sur les questions d’aviation. « Il a une connaissance profonde de l’écosystème aérien, du personnel qui travaille dans un hangar de l’aéroport jusqu’aux ingénieurs », affirme Xavier Tytelman, consultant en aéronautique. Il a pu interroger Jean-Baptiste Djebbari sur sa chaîne YouTube, en décembre 2020. « Contrairement à ses prédécesseurs, il connaît vraiment son sujet, poursuit le consultant. Il a même été expert judiciaire sur certains crashs d’avions ! C’est révélateur d’un niveau de connaissance technique. »

Jean-Baptiste Djebbari devant les journalistes à la COP26 de Glasgow, en Écosse, le 10 novembre 2021. © Pierre Larrieu/Reporterre

« À tous ceux qui disent que l’avion vert n’existera pas avant 2035 »

Sauf que sa perception de l’avenir du secteur aérien se résume en un mot : croissance. « Sa vision de la baisse des émissions de CO2 du secteur passe avant tout par l’innovation technologique », résume Xavier Tytelman. Jean-Baptiste Djebbari ne s’en cache pas. Sur TikTok, il met en avant des modèles d’avions censés polluer moins (l’Airbus A220 d’Air France) et des carburants alternatifs au kérosène (fabriqués à partir d’huile de cuisson usagée). Mais rien sur la réduction du trafic aérien. Pourtant, d’après une étude publiée par le cabinet BL Évolution en 2020, pour s’aligner avec l’Accord de Paris sur le climat, le nombre de passagers annuels devrait diminuer de moitié d’ici vingt ans maximum.

« En septembre, j’étais présent aux États de l’air organisés par l’Enac, raconte Romain Morizot, ingénieur télécom et membre du collectif Icare, composé de salariés de l’aéronautique voulant un avenir plus « durable » du secteur. Le ministre et les personnes présentes ont prôné une croissance du trafic aérien. On n’a pas du tout la même vision des choses, ce sont deux mondes qui se font face et ne se comprennent pas. »

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur, le ministre et les entreprises comptent sur trois leviers : « Le remplacement de la flotte par des avions plus sobres que les anciens, des carburants alternatifs de seconde génération et l’écopilotage [4] », dit Romain Morizot. Rien de plus. Jean-Baptiste Djebbari refuse d’admettre que le trafic doit être régulé, et cela même si une partie de la profession le demande.

Ses relations avec les associations environnementales sont donc assez tendues. Au mois d’août, le ministre a publié sur TikTok une vidéo où l’on pouvait lire « L’avion, ça polluera toujours », puis un grand « Non ». Il appuyait ensuite ses propos en montrant un petit avion électrique de deux places rechargé à l’énergie solaire, qu’il pilotait. Il était même allé jusqu’à écrire dans la légende « Rep a sa Greenpeace » (pour « Réponds à ça, Greenpeace »).

« Il nous attaque sur les réseaux sociaux, il nous clashe, mais souvent il ne répond pas sur le fond du problème », déplore Sarah Fayolle, chargée de campagne Transports pour Greenpeace. Avant cet épisode, « JB le Djeb » avait affirmé sur le plateau de BFMTV que l’ONG était « assez pauvre intellectuellement »« Il essaie de nous caricaturer comme des amish décroissants qui refuseraient tout progrès technique, poursuit Sarah Fayolle. Or on ne dit pas que l’avion vert n’a pas un rôle à jouer, on dit que ça ne suffira pas et qu’il faudra agir sur le niveau du trafic. »

De manière générale, Jean-Baptiste Djebbari ne semble pas disposé à écouter les voix dissonantes sur ce sujet. « On est beaucoup décrédibilisés, on est tout de suite mis dans une case anti-avions, regrette Eloïse Briodin, porte-parole de l’association Notre Choix, qui regroupe des citoyens souhaitant une réduction du trafic. On n’est pas du tout contre les solutions technologiques, au contraire, elles font partie de l’équation. On pense toutefois que ce n’est pas la seule solution pour réduire les émissions. »

Surtout que le fameux « avion vert », neutre en carbone, n’existe toujours pas. Sa mise sur le marché n’est pas prévue avant quinze ans. Mais n’allez surtout pas opposer cet argument à Jean-Baptiste Djebbari. Sur Twitter, début octobre, il a pris les devants en postant une vidéo destinée « à tous ceux qui disent que l’avion vert n’existera pas avant 2035 ». On y voyait Emmanuel Macron, lors de sa présentation du plan d’investissement France 2030 : « Les meilleurs experts m’ont dit “Jamais avant 2035”déclarait le chef de l’État. Mais comme les experts me disaient il y a huit ans “On ne verra jamais des petits lanceurs” [spatiaux] et il y a un an “Vous n’aurez pas de vaccin”, je me dis que je suis beaucoup trop pessimiste à dire 2030. » En résumé : circulez, il n’y a rien à voir.