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La grève générale va-t-elle s’inviter en pleine élection présidentielle ?

Lien publiée le 23 janvier 2022

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

La grève générale va-t-elle s’inviter en pleine élection présidentielle ? par Jacques Chastaing – Arguments pour la lutte sociale (aplutsoc.org)

Nous publions cet important article de J. Chastaing et appelons à le discuter, ce que nous allons faire pour notre part ! Aplutsoc.

Par J. Chastaing.

Tout indique que nous allons connaître une période totalement inédite et que le printemps à venir pourrait connaître une explosion sociale de grèves et luttes importantes, voire une grève générale, en pleine élection présidentielle. Ce qui serait sans précédent sinon 1936 et changerait beaucoup de choses.

Bien sûr, personne ne peut prédire avec précision le déroulement exact des mois qui viennent. Par contre, quand on mesure quelle est la dynamique des mouvements sociaux actuels, l’une des hypothèses parmi les plus vraisemblables des prolongements de cette dynamique est celle de l’explosion sociale au printemps, même si l’ampleur de cette explosion reste encore incertaine.

Le gouvernement le sait et il faut mesurer ce qu’il fait à cette aune.

On ne peut pas expliquer autrement qu’en pleine contradiction avec les campagnes catastrophistes de leurs médias sur Omicron, Castex ait assoupli le 20 janvier au soir un certain nombre de restrictions sanitaires et d’atteintes aux libertés (tout en maintenant le pass vaccinal sur une durée indéterminée). On ne le doit pas seulement à la tentative de grappiller quelques voix à proximité des élections, ni encore à l’approche de la fin ou de la forte atténuation de l’épidémie de covid. On le doit surtout, combiné avec ces deux premiers éléments, au climat de colère social grandissant dont le succès historique de la grève des enseignants du 13 janvier.

La grève des enseignants n’a pas été autant suivie le 20 janvier que le 13 et n’a donc pas avancé vers un effondrement des bases de ce qui reste d’autorité au gouvernement. Par contre cette grève a été un avertissement suffisamment sérieux, montrant que l’ensemble de la population – y compris les vaccinés – en a ras-le-bol de la politique sanitaire du gouvernement, pour que celui-ci l’entende et en tienne compte. En plus des manifestations des Gilets Jaunes, des anti-pass et des Antillais, la contestation de sa politique sanitaire déjà additionnée des mobilisations sociales des soignants, des travailleurs sociaux et médico-sociaux, des agents de bibliothèques, la grève des enseignants, parents d’élèves et lycéens du 13 janvier a fait passer un seuil qualitatif à l’ensemble de ces luttes. Jusque là, Macron avait réussi à diviser la population en faisant porter toute l’attention sur le vaccin, et la responsabilité de l’engorgement des hôpitaux sur les non-vaccinés. La grève des enseignants a inversé la tendance. Elle a déplacé l’attention sur la politique de destruction de l’école et de la santé publique par le gouvernement et mis au centre des questions de santé non plus le vaccin mais les fermetures de lits, de services, d’hôpitaux, le manque de budget, d’effectifs, de moyens et des salaires insuffisants, donnant ainsi le premier signal important de la coagulation possible de tous les mouvements sociaux aujourd’hui, y compris la vague de grève pour des augmentations de salaires, pour en faire un seul, dégager Macron.

Le gouvernement essaie donc par ses mesures d’assouplissement, – auxquelles il faut ajouter son report de l’application du pass vaccinal aux Antilles et en Guyane « pour ne pas mettre le feu aux Dom-Tom » – d’empêcher que sa gestion catastrophique de l’épidémie soit au centre de la campagne électorale. Jusque-là, la campagne électorale n’arrivait pas à accrocher. A partir du 13 janvier elle risquait de partir en vrille sans que le pouvoir ne puisse plus rien contrôler.

En essayant de suspendre certaines restrictions sanitaires à la mi-février, Macron voudrait d’abord et avant tout stopper cette évolution dangereuse pour lui et le système. Il voudrait qu’on ne parle plus de ça et qu’on revienne aux thèmes démagogiques centraux habituels des campagnes électorales qui assurent la victoire aux notables de l’ordre moral, l’insécurité, l’immigration, etc. … comme dans toute bonne campagne électorale bourgeoise depuis quarante ans, depuis les premiers succès électoraux du FN/RN en 1983.

Y arrivera-t-il ? Rien n’est moins sûr, car de fait le mouvement social continue et s’amplifie et pèsera de plus en plus sur la campagne électorale. Cela ne se fait pas encore de manière consciente. Pour le moment en effet, beaucoup de ceux qui sont en grève et lutte refoulent la question électorale qui les divise au plus profond de leur esprit. Mais cette conscience peut venir, et avec cette conscience, cette influence du mouvement social pourrait glisser vers une sorte de main mise sur la campagne électorale par les classes populaires. Ce serait catastrophique pour l’ordre des capitalistes pour qui les élections présidentielles sont au centre de leur reprise en main régulière des prolétaires en leur faisant espérer un autre monde tous les cinq ans.

LES INDICES D’UNE EXPLOSION SOCIALE GÉNÉRALISÉE

On assiste aujourd’hui et depuis décembre à une augmentation importante du nombre de luttes pour les salaires et de leur durée. On assiste également à une montée de leurs exigences et une radicalisation de leurs actions ainsi surtout qu’à une hausse importante du nombre de celles qui gagnent, avec souvent des résultats non négligeables, de 80 à 300 euros d’augmentation par mois.

Cette poussée inquiète le patronat qui est confronté par ailleurs à un manque de main d’œuvre dans certains secteurs. Les travailleurs refusent les travaux les plus pénibles, ce qui incite de nombreux patrons à concéder des améliorations de conditions de travail ou des augmentations de salaire. Ainsi le patronat de l’hôtellerie-restauration cède à l’avance 16% de hausse des salaires. Les routiers veulent 10% le patronat propose 6%, ce qui n’empêchera peut-être pas la grève.

Les succès des uns encouragent les autres à s’y mettre. Avec certaines radicalisations de ces grèves, on assiste parfois, encore de manière non significative, mais qui pourraient le devenir, à un rapprochement ou une jonction même de ces salariés en lutte et de Gilets Jaunes, ce qui est bien sûr plein de potentiel subversif.

Il existe aussi un certain nombre de mouvements généraux de grèves latents. Ils durent depuis un an ou plus, touchent souvent tout le pays ou pas loin, mais de manière émiettées, inefficaces, souvent invisibles. Cependant, ils durent, s’arrêtent, reprennent, s’arrêtent à nouveau reprennent encore… Ce sont les luttes des agents territoriaux, des chauffeurs de transports urbains, des soignants, des agents du travail social et médico-social, des intermittents du spectacle… Ils pourraient à l’occasion prendre une nouvelle vie, une nouvelle intensité et ne sont peut-être pas loin ne serait-ce que par leur addition au même moment dans les circonstances actuelles qui glissent vers la nécessité d’un mouvement d’ensemble, s’agglutiner rapidement pour prendre le caractère d’un mouvement général.

Dans le contexte actuel, la grève des enseignants a cassé la politique de division du gouvernement autour de la question vaccinale. Aux samedis des Gilets Jaunes et anti-pass, se sont ajoutées ce 22 janvier, des manifestations d’enseignants et de parents d’élèves, des manifestations de Gilets Jaunes pour l’hôpital prolongeant les vendredis des soignants, des manifestations contre la hausse des prix… une tendance qui pourrait se prolonger et s’amplifier les samedis suivants, provoquer des rapprochements et aller vers un seul mouvement unifié du samedi. Nous n’y sommes pas encore, mais on n’en est peut-être pas loin.

Le 25 janvier, dans la continuation des grèves de décembre, commence une grève reconductible dans l’énergie pour les salaires et la défense du service public. Le 27 janvier a lieu une journée de mobilisation interprofessionnelle nationale à l’appel de plusieurs syndicats. Elle n’a pas été conçue pour ça, mais si elle avait une ampleur certaine, ce serait un encouragement pour beaucoup qui hésitent à entrer en lutte et à continuer après le 27 janvier. Cette journée pourrait fonctionner comme le 13 mai 1968 qui a mis le feu aux poudres « à l’insu de sa volonté ». Déjà, la très modeste journée de mobilisation syndicale du 5 octobre 2021 avait été un encouragement pour un certain nombre d’équipes syndicales à reprendre le flambeau de la lutte. Le 26 janvier le pourrait d’autant plus que d’ores et déjà, en plus de l’énergie, des travailleurs du secteur social ou médico-social ou encore de Pôle Emploi ont été appelé à faire la jonction entre le 27 janvier et le 1er février, dates où ces secteurs ont prévu eux-mêmes une journée d’action.

Et puis, s’ajoute encore à cette situation, la grève générale aux Antilles qui dure depuis 70 jours en Guadeloupe et 63 en Martinique. Il n’y a pas vraiment un arrêt permanent de toutes les entreprises et secteurs, mais une mobilisation permanente générale des militants et travailleurs avancés autour de secteurs entièrement mobilisés, soignants, pompiers, tandis que chaque semaine ou plusieurs fois par semaine, toute la population est là avec des meetings, des manifestations, des grèves, des barrages et que par moment, les organisateurs appellent à une journée de blocage total comme celle par exemple du 20 janvier, où tout le monde est invité à faire grève, à monter des barrages….. C’est une « période de grève générale » au sens où l’entendait Rosa Luxembourg, une contestation permanente dans la durée qui prend toutes les formes possibles mais qui est habité de l’esprit et du but de « grève générale » au sens classique de la formule. C’est ce qui se passe clairement aux Antilles, mais c’est aussi ce vers quoi nous avançons dans l’Hexagone.

Tout cela illustre une marche progressive vers un changement du rapport de force général entre patrons et ouvriers, ce qui n’était pas arrivé depuis la fin des années 1970, depuis 40 ans. C’est considérable et annonce des tsunamis sociaux et politiques dans tous les domaines.

A cela, il faut ajouter que la sortie de crise sanitaire, le retour d’une certaine croissance et l’annonce de bénéfices colossaux comme cela se fait traditionnellement fin janvier ou en février…donnera de la poudre pour l’explosion.

LES PRÉSIDENTIELLES SOUS LA PRESSION DU MOUVEMENT SOCIAL : FIN D’UNE PÉRIODE DE 40 ANS.

L’enjeu pour le mouvement social aujourd’hui n’est pas les élections présidentielles. Il est de changer le rapport de force général entre patronat et ouvriers avant le scrutin. L’important est donc de gagner maintenant, en tous cas marquer des points, aller le plus loin possible et pour cela construire les organes d’auto-organisation pour la lutte, centraliser les luttes dispersées actuelles et à partir de là donner la perspective de construire la grève générale. Une défaite de Macron aujourd’hui, battu ou affaibli par les grèves et la colère sociale serait ce qui pourrait arriver de mieux pour entrer dans les élections.

Cependant les montées sociales sont d’autant plus lentes qu’elles sont profondes. Et celle que nous connaissons depuis 2016 est profonde. Au delà de l’obtention de la satisfaction à « des » revendications, le mouvement en cours a bien compris qu’il s’agit d’une lutte à mort entre le système capitaliste et les classes populaires parce que les puissants sont en contre-révolution sociale et politique, détruisant tous les acquis sociaux engrangés depuis la seconde guerre mondiale. Du coup, l’état d’esprit de beaucoup de ceux qui sont engagés dans la lutte va bien au delà de leurs propres revendications immédiates. C’est la révolution qui se profile à l’horizon. Mais pour que de larges couches de la population arrivent à cette conclusion et la pensent en pratique, il faut bien des expériences et donc du temps.

C’est pourquoi si la montée sociale actuelle est certaine et prolonge et approfondit toutes celles que nous avons connues auparavant depuis 2016, elle n’est encore qu’une étape dans la construction de la nécessité de la grève générale et par là de la révolution.

Que le mouvement actuel gagne ou pas avant les élections sur les revendications qu’il avance aujourd’hui, il continuera de toute façon ensuite pour aller plus loin encore en intégrant dés lors les élections présidentielles dans sa marche en avant.

Toute la question pour le jour jour est de savoir comment. Bien sûr, ce scrutin sera très différent selon que le mouvement social sera fortement avancé ou pas, conscient de lui-même ou pas, s’il perd ou s’il gagne.

Or, pour le moment, le mouvement social actuel ne sait pas encore comment aborder la question des présidentielles. Tous les sondages – aujourd’hui – prédisent un second tour entre Macron et l’extrême droite ou la droite, un résultat qui serait un coup contre le mouvement. Alors si aujourd’hui, beaucoup refoulent la question des présidentielles parce qu’elle divise ceux qui sont engagés dans les grèves et la lutte, le problème va bientôt s’imposer de fait à eux, si le mouvement continue et s’amplifie afin de ne pas prendre ce coup. C’est dans cet esprit, pour tenter de répondre à ce problème, que des Gilets Jaunes appellent à des rencontres nationales ouvertes à tous les 5 et 6 février pour discuter ensemble d’une politique commune pour la période électorale, qu’on soit abstentionnistes, ou électeurs de LFI, PCF, NPA ou LO. Et ils avancent l’idée d’une manifestation commune au soir du second tour pour maintenir l’unité et la primauté du mouvement sur les élections. Quel que soit le résultat, il faudra se battre.

Tout le problème des semaines à venir est donc de savoir comment le mouvement social va se donner une expression politique, et comment l’aider à le faire, car il va chercher à le faire.

Pour penser ce moment, il faut sortir des schémas des dernières années.

La délégitimation des élections représentatives a dominé toutes ces dernières décennies. Depuis 1983 et le tournant de la rigueur mené par Mitterrand avec en conséquence les premiers succès électoraux du FN/RN, tout le jeu électoral des possédants a consisté à faire prospérer les idées de l’extrême droite pour que la gauche ou la droite bourgeoise, aujourd’hui Macron à cheval sur les deux, puissent jouer de l’épouvantail de cette extrême droite, et faire élire des représentants institutionnels de la gauche ou de la droite traditionnelle du système … qui eux-mêmes appliquaient cette politique d’extrême droite. Au final, les différences entre la droite, la gauche et l’extrême droite, entre Macron, Pécresse, Le Pen ou Zemmour, s’estompaient et en résultat de toute cette période, on a connu une montée progressive de l’abstention dans les couches populaires. Mais pas seulement. En tous cas pour ces dernières années. Il faut être attentif à ces évolutions pour comprendre ce qui va se passer, car cette période qui a duré 40 ans est en train de finir..

Auparavant, parce que beaucoup croyaient au changement par les élections, la période électorale éteignait les mouvements sociaux.

Or ces dernières années, c’est plutôt le contraire. Dans la foulée de la délégitimation, on est passé, en même temps que l’abstention continuait, à une délégitimation plus active où, pour se faire entendre ou faire pression, le nombre de conflits sociaux s’est mis à augmenter plus on approchait des élections, en particulier des présidentielles. Cette tendance a été poussée à l’extrême aux présidentielles de 2017 où le Front Social appelait à se mobiliser dans la rue la veille du premier tour et le lendemain du second tour pour faire entendre le « tour » social des ouvriers en lutte, au grand scandale de tout ce qui vénérait le jeu électoral dit représentatif, c’est-à-dire le jeu qui donne toujours le succès à un candidat du système quelle que soit son étiquette. Cette tendance s’est encore exprimée chez les Gilets Jaunes avec leur recherche d’une démocratie plus directe.

La tendance pourrait bien s’amplifier encore cette année. Les élections qui s’opposaient aux mouvements sociaux pourraient bien au contraire les amplifier et les politiser et être utilisées par les mouvements.

On assiste en effet aujourd’hui d’une part à une montée en puissance de la poussée sociale dans la rue et dans les grèves plus qu’en 2017 et d’autre part Macron est le candidat qui – aux sondages de ce jour – a le plus de chance d’être élu, alors qu’on a pu mesurer combien sa politique était réactionnaire et qu’il est bien plus massivement détesté qu’en 2017. En même temps, cette année, la montée de Le Pen paraît pour le moment moins menaçante avec la division des candidats d’extrême droite en même temps que les reculs du RN aux dernières élections municipales, départementales et régionales, témoignent que si le vote en sa faveur est toujours important, il ne bénéficie toutefois plus de la même poussée. Et l’apparition de la candidature Zemmour, qui prend des voix aussi bien à LREM, LR et RN, est le témoignage de cette usure du RN. Ses électeurs n’y croient plus autant, n’ont plus la même intensité de mobilisation.

Dans ces circonstances, c’est donc le mouvement social lui-même par les grèves et les manifestations qui pourrait être l’alternative politique au piège électoral. Une alternative « politique », cela veut dire que le mouvement va chercher une expression politique pour lui-même. Cela pourrait se traduire par deux tendances. D’une part une volonté de boycott (ce qui n’a rien à voir avec l’abstention). D’autre part, au contraire, par une montée de la participation au scrutin – ou les deux à la fois – et donc au final des résultats de toutes façons inédits, très éloignés en tous cas de ce que disent les sondages aujourd’hui.

En effet, si les électeurs populaires et les jeunes donc majoritairement électeurs de gauche et ceux qui sont aussi majoritairement dans la rue et les grèves, s’abstenaient en grand nombre jusque-là, c’est parce qu’ils n’étaient pas convaincus par les candidats de gauche mais aussi parce qu’ils n’étaient pas dans la rue. En même temps que les attaques économiques, les licenciements, la dégradation des conditions de travail, le blocage des salaires, la destruction des services publics et des protections sociales les privaient de la démocratie économique, les « bonnets blancs et blancs bonnets » des candidats de droite ou de gauche, les privaient de la démocratie politique. Ne réagissant guère ou pas au niveau des attaques économiques, ils se sentaient impuissants et dégoûtés sur le terrain politique et se trouvant dans des impasses électorales, ils s’abstenaient. Cependant cette abstention n’était pas vraiment un rejet du scrutin représentatif comme y appellent les Gilets Jaunes, mais un rejet de ces scrutins là, dans ces conditions-là. C’est-à-dire que les abstentionnistes avaient encore des illusions dans le système électoral tel qu’il est.

Par contre, tout change quand par la lutte et la grève, les classes populaires tentent de reprendre la démocratie économique et leur destin en main. Elles cherchent alors à le reprendre dans tous les domaines, y compris politique et électoral. Plutôt que d’exprimer son dégoût, elles cherchent à utiliser tous les moyens possibles pour avancer.

Le boycott signifierait non pas attendre l’abstention, mais contrarier activement le vote avec des comités divers de boycott aux actions multiples, manifestations devant les bureaux de vote, appel à la grève dans l’impression, l’acheminement des bulletins ou circulaires électorales, etc., c’est-à-dire une situation pré-insurrectionnelle. Ce qui pourrait être le cas des Antilles si le vote avait lieu aujourd’hui. Où en sera la situation aux Antilles dans deux mois ? On ne le sait pas. Mais la question se pose.

Pour l’Hexagone, nous n’en sommes pas encore là.

Les vieilles tendances continueront, dégoût et abstention comme espoirs et illusions électorales mais à elles s’additionneront de nouvelles, boycott et aussi plus grande participation, tout cela dans des rapports réciproques qui varient en fonction de l’ampleur des luttes dans la période électorale.

La reprise en main de son sort qu’exprime le mouvement social, ou dit autrement la montée des classes populaires sur la scène politique dont elles sont exclues en temps normal, pourrait passer par une participation plus élevée des couches populaires au scrutin. C’est ce qui se passe le plus souvent dans un premier temps quand il y a une montée sociale. On fait grève, on va aux manifestations, mais on va aussi aux Assemblées Générales, aux rassemblements, aux meetings, aux débats, on lit plus la presse politique, on échange plus sur le sujet, on donne plus son avis… et on vote plus. Ça ne se voit pas encore dans les sondages, le basculement n’a pas encore eu lieu, le mouvement social ne se posant pas encore la question des présidentielles, sinon par ce premier appel des Gilets Jaunes signalé plus haut, mais ça pourrait venir plus on s’en approchera.

Cette montée de la participation ne signifie pas que les plus engagés se fassent plus d’illusions sur les dirigeants politiques et syndicaux qui eux n’ont pas changé, mais cela signifie que les nouvelles couches sociales qui commencent à peine à entrer en lutte, passent-elles par toutes les étapes de la conscience et par les premières organisations qui semblent répondre à leur besoin de radicalisme social. On n’a pas de statistiques globales mais on a pu constater qu’à la RATP qui a connu en 2019/2020 un de ses plus grands conflits, la participation aux élections professionnelles en 2021 n’a pas baissé bien que le conflit ait été perdu mais a au contraire augmenté. Par ailleurs, le vote s’est porté vers les organisations les plus combatives, les plus à gauche. Cela signifie que les électeurs se sont servis du scrutin pour donner une expression électorale au mouvement, pour dire qu’ils n’étaient pas démoralisés, qu’ils votaient pour la lutte, indiquant ainsi qu’ils étaient prêts à reprendre le combat par-delà le scrutin et ses représentants. Ils s’en sont servi pour envoyer un message.

Les deux mois qui viennent pourraient bien être la période d’élaboration de ce message politique commun par les militants et travailleurs les plus engagés dans la lutte. Il faut en être et y prendre toute sa part.

Jacques Chastaing, 23.01.2022