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Tirs de police à Paris : les policiers "voulaient se déchaîner", raconte un passager du véhicule
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Ibrahima, qui se trouvait à l'arrière du véhicule visé samedi 4 juin par des policiers à vélo, livre sa version des faits.
Samedi 4 juin, des policiers à vélo ont tiré à plusieurs reprises sur un véhicule lors d'un contrôle, blessant grièvement le conducteur et la passagère avant, qui a finalement succombé à ses blessures le lendemain. Pour la première fois depuis les faits, un passager de la voiture visée par ces tirs témoigne au micro de RTL. Selon lui, contrairement à la version avancée par une source policière, la voiture n'a pas foncé sur les agents.
Pour Ibrahima, qui se trouvait sur la banquette arrière, cette soirée avait même commencé comme de nombreuses autres. "J'étais avec un ami et des copines (...) en boîte de nuit. Elles nous ont demandé de les déposer chez elles. On est alors parti pour les ramener, puis tout s'est passé rapidement", raconte-t-il.
"On était à un feu rouge et un policier à vélo est venu taper à la vitre du conducteur pour lui demander de se mettre sur le côté pour un contrôle", se remémore le passager. "Mon ami a bougé la tête comme s'il disait 'oui, je vais me mettre sur le côté', a avancé un peu et ne s'est pas arrêté", poursuit-il, précisant que l'homme au volant n'avait pas le permis.
Alors que le véhicule se retrouve coincé "dans une sorte d'embouteillage", les policiers le rattrapent. "Ils sont revenus à côté de nous et nous ont braqués directement", assure le passager arrière. "Sortez", "coupez le contact", "éteignez le moteur", leur auraient alors lancé les policiers. Néanmoins, "mon ami n'a pas osé regardé du côté gauche, il a regardé du côté droit et a fait comme s'il ne les voyait pas".
"Il a tiré directement, au moins dix coups de feu"
Toujours selon Ibrahima, les agents "étaient en train de trembler, ils tenaient les pistolets". Une scène qui d'après lui a effrayé les passagers. "On disait au conducteur 'gare-toi, sors', mais il ne voulait pas regarder le policier. Je crois que c'est à ce moment-là que le flic a dû voir qu'il ne voulait pas le calculer ni sortir de la voiture, il a tiré directement, au moins dix coups de feu", ajoute-t-il.
À la suite des coups de feu, le conducteur redémarre. "Pendant peut-être 200 ou 300 mètres, on lui criait tous 'arrête-toi, arrête-toi'. Il s'est finalement arrêté et s'est mis à courir", se souvient encore Ibrahima. "Après ça, on est sorti de la voiture et on a vu que la fille devant était pleine de sang, inconsciente", poursuit le passager du véhicule. Les policiers leur passent alors les menottes et prodiguent un massage cardiaque à la jeune femme blessée, en vain.
L'homme finit par se retourner vers l'autre côté de la rue "peut-être cinq minutes plus tard, et j'ai vu qu'ils étaient en train de faire la même chose à mon ami". Près de lui, la quatrième personne présente dans le véhicule "criait et pleurait". "Je n'étais pas bien non plus", avoue-t-il, "on était sous le choc".
"Il ne voulait vraiment pas se faire attraper"
Face à la version livrée par les policiers, notamment à travers la voix de leur avocat, qui affirme dans un document RTL que ces derniers "n'avaient pas d'autre choix pour se soustraire à une agression", Ibrahima résume une nouvelle fois l'affaire en quelques phrases.
"Il n'a percuté aucun policier. Le policier est venu sur le côté et a frappé à la vitre. Comment pouvez-vous frapper sur une vitre conducteur et que quelqu'un vous percute en même temps ? C'est impossible ! Après, on a avancé et quand ils sont venus la deuxième fois, ils se sont mis des deux côtés et nous ont braqués direct. Je regardais plus la personne vers la gauche, je voyais qu'il tremblait, qu'il n'était pas serein, ça se voyait qu'il allait tirer", soutient-il.
D'après Ibrahima, le seul tort du conducteur a été de refuser d'obtempérer. "Il ne voulait vraiment pas se faire attraper, il n'a pas de permis et est en semi liberté", concède-t-il. En se mettant à la place de son ami, "il a dû se dire qu'il s'agissait de vélos, qu'ils n'allaient pas l'attraper parce qu'on était en voiture et qu'il aurait été facile de les semer".
Quant aux policiers "ils ont vu une histoire, ils voulaient se déchaîner, se montrer, je ne sais pas". Alors que l'on "entend toujours parler de courses-poursuites où les policiers tirent dans les pneus ou sur l'habitacle", Ibrahima s'interroge : "Pourquoi ils ont tiré dans la tête de la fille ? S'ils voulaient maîtriser quelqu'un, ils auraient dû maîtriser la voiture ou le conducteur, elle n'avait rien à voir avec ça". "Je suis en colère, c'est abusé. Même dans les films on ne voit pas ça. Franchement, je n'arrive pas à comprendre", dit-il.
Une plainte déposée à l'IGPN
Au-delà de la colère, Ibrahima se dit "choqué" par les événements. "Je n'arrive pas à dormir, il y a pleins de flashs qui me reviennent en tête, je ne pense qu'à ça", confie celui qui affirme "regretter beaucoup de choses". "Je vais tout faire pour aller voir un psychologue", ajoute-t-il.
Le passager arrière du véhicule indique par ailleurs avoir porté plainte à l'issue de son audition à l'IGPN. "Il ne faut pas que l'histoire se finisse comme ça, ce n'est pas correct, insiste l'homme, on ne va pas lâcher l'affaire, il faut qu'ils soient mis en examen et qu'ils reconnaissent leurs torts". Selon lui, la vérité se trouve dans les caméras de la capitale et les policiers "ne pourront pas étouffer l'affaire comme ça".
"Le passager de la voiture pérore", rétorque Me Laurent-Franck Liénard, qui lui aussi compte sur les images de vidéosurveillance pour faire toute la lumière sur cette affaire.
Les policiers en garde à vue, celle du conducteur levée
Les trois policiers impliqués dans cette affaire, qui assurent que le véhicule leur a foncé dessus, ont quant à eux été placés en garde à vue dimanche à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), pour "violence avec arme par personne dépositaire de l'autorité publique". Ils sont auditionnés en raison de la gravité des conséquences des tirs réalisés et afin de vérifier les conditions d'usages de leurs armes.
"La garde à vue se poursuit pour analyser l'ensemble des éléments et comprendre l'enchaînement de ces faits dramatiques", a déclaré auprès de l'AFP l'avocat des policiers, Me Laurent-Franck Liénard. "Pour mes clients, cette mesure de garde à vue est particulièrement éprouvante mais ils en acceptent le principe et collaborent pleinement aux investigations".
Le conducteur de 38 ans, blessé au niveau du thorax, a lui brièvement été placé en garde à vue pour "tentative d'homicide sur personne dépositaire de l'autorité publique" lundi. Celle-ci a cependant été levée peu de temps après, son état ne lui permettant finalement pas d'être entendu à ce stade.