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    La bombe à retardement des emprunts indexés sur l’inflation

    économie

    Lien publiée le 30 août 2022

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    La bombe à retardement des emprunts indexés sur l’inflation (qg.media)

    Alors que le pouvoir incite les Français à renoncer à une supposée « abondance », et qu’un automne bien sombre se profile, la gabegie d’argent public en coulisses ne laisse pas de révolter. Ainsi QG met-il aujourd’hui en lumière un scandale d’État au moins aussi grave que celui des contrats passés avec le cabinet McKinsey. Il s’agit des emprunts indexés sur l’inflation, qui coûteront aux Français la somme exorbitante de 15 milliards d’euros pour l’année 2022. Une vraie bombe financière à retardement

    C’est un véritable scandale d’État, et très peu en parlent encore à cette heure. Pourtant il sera encore bien plus lourd de conséquences pour les finances publiques que le scandale McKinsey, qui a déjà coûté 1 milliard d’euros au contribuable. Quinze fois plus lourd, puisqu’on évoque la somme de 15 milliards. Dans le contexte de spirale inflationniste qu’on observe depuis un an, la fuite en avant gouvernementale consistant à émettre des obligations d’État indexées sur l’inflation est même une forfaiture de la part d’un pouvoir qui prétend vouloir alléger la dette publique et qui, in fine, va lourdement impacter le portefeuille des Français.

    Voici les faits. À rebours d’une vision économique traditionnelle considérant que l’inflation réduit le poids réel de la dette, celle-ci peut fortement la renchérir si le taux d’emprunt n’est pas fixe, mais indexé sur l’inflation. C’est ce à quoi le gouvernement nous expose pour les années à venir avec les « Obligations assimilables au Trésor indexées sur l’inflation » (OATi), dont le montant a au demeurant régulièrement augmenté depuis l’élection de Macron à l’Élysée en 2017, passant de 207 milliards d’euros à 267 milliards d’euros en cinq ans ! Un outil qui est utilisé dans un silence assourdissant et dont seul le fondateur du mouvement souverainiste « Génération Frexit » [1], Charles-Henri Gallois, a jusqu’ici tout fait pour dénoncer publiquement la dangerosité pour les finances publiques.

    Mais les OATi, qu’est-ce que c’est au juste ? Ce sont des titres de dette publique à moyen et long terme (2 à 50 ans) émis par l’État sur les marchés financiers, et dont le taux d’intérêt est basé sur le taux d’inflation [2]. Lancées à partir de 1998 – merci Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn pour le cadeau empoisonné ! –, dans un contexte où l’inflation était bien plus faible qu’à l’heure actuelle, les OATi représentent aujourd’hui 10% de la dette publique. En outre, ce segment de la dette publique se décompose en deux parties. Il y a les OATi à proprement parler, qui sont indexées sur l’inflation en France, et les OAT€i, qui sont indexées sur l’inflation dans la zone euro. Selon un billet de blog de la direction du Trésor, 70% des titres de dette publique indexés sur l’inflation le sont sur l’inflation dans la zone euro. Les 30% restants le sont sur l’inflation en France [3]. Or d’après Eurostat, l’inflation en juillet 2022 étant aujourd’hui de 8,9% dans la zone euro et de 6,8% en France, on comprend vite combien la spirale inflationniste en cours, liée à la crise sanitaire, à la guerre en Ukraine et à la politique monétaire longtemps accommodante de la Banque centrale européenne, va peser de plus en plus lourdement sur les finances publiques.

    Le 26 juillet dernier, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a été interpellé à ce sujet dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2022, par les députés Philippe Brun (PS) et Jean-Philippe Tanguy (RN), membres de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Ceux-ci ont rappelé au locataire de Bercy que la part des titres de dette publique indexés sur l’inflation est une spécificité bien française – l’Allemagne ayant moins de 5% de sa dette publique indexée sur l’inflation – ; et que d’autre part, la spirale inflationniste actuelle augmente la charge de la dette publique de 15 milliards d’euros via les OATi, alors qu’avec les OAT classiques, le surplus de dette publique est de… 2 milliards d’euros. En guise de réponse, le ministre leur a rétorqué : « Je rappelle simplement que ces 10% de titres de dette de l’État, indexés sur l’inflation, répondent à une demande très précise des assureurs, de l’assurance-vie, du Livret A et du Livret d’épargne populaire. Pour que l’assurance-vie continue à rapporter, il faut bien qu’elle soit indexée sur l’inflation. C’est une demande très précise des investisseurs français ».

    Une réponse de Le Maire tout sauf convaincante. Ainsi le ministre légitime-t-il l’émission des OATi au nom de l’intérêt des épargnants ayant un Livret A ou un Livret d’épargne populaire (LEP). Mais si ces comptes épargnes fortement prisés, car défiscalisés, ont vu leur taux augmenter en cette année 2022 (de 0,5% à 1% le 1er février 2022 puis de 1% à 2% le 1er août 2022 pour le Livret A ; (1% à 2,2% le 1er février 2022 puis de 2,2% à 4,6% le 1er août 2022 pour le LEP), cela reste inférieur à l’évolution de l’inflation en France (de 3,3% en janvier à 6,8% en juillet 2022). Pis, l’écart entre les taux de ces livrets et le taux d’inflation s’est encore accru et les épargnants ayant un Livret A ou un LEP se retrouvent franchement lésés par la situation présente. Ainsi le ministre de l’Économie française semble-t-il avoir médité la fameuse phrase d’un célèbre trio de comiques : « Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons mais il ne faut pas oublier qu’ils le sont ».

    Parmi les nombreuses inquiétudes que soulèvent cette situation, il y a le fait qu’avec cette spirale inflationniste, le rendement des OATi devienne de plus en plus attractif sur le marché obligataire. Tellement attractif qu’il séduirait des investisseurs peu scrupuleux désirant spéculer sur la dette publique française, jusqu’ici un actif considéré comme l’un des plus sûrs au sein de l’Union européenne (UE), après la dette publique allemande. Ainsi pourrions-nous être entraînés vers une nouvelle crise des dettes souveraines dans l’UE, à l’instar de la crise grecque qui s’était gangrénée en crise des dettes souveraines durant la décennie 2010, ou autre scénario, des fonds vautours pourraient lorgner sur la dette publique française comme ils le firent, avec succès, concernant la dette publique argentine au milieu des années 2010.

    Que faire face à cette situation toxique pour les finances publiques ? À court terme, une commission d’enquête parlementaire serait indispensable, avec pour perspective la possibilité d’un moratoire au sujet de l’émission des OATi sur les marchés financiers, compte tenu de l’énormité du surcoût estimé à 15 milliards d’euros pour la dette publique cette année. Ultérieurement, il serait bon d’actualiser le rapport du « Collectif pour un Audit citoyen de la dette publique », datant de 2014, qui estimait à l’époque que 59% de la dette publique française était illégitime, car provenant de cadeaux fiscaux et de taux d’intérêts excessifs [5]. Charge à la commission des Finances de l’Assemblée nationale de veiller sur cette problématique des OATi, afin d’aboutir à un rapport de force moins favorable aux créanciers, donc au capital. Contrairement aux arguments avancés par Le Maire, ce n’est pas au contribuable français de payer pour assurer la rentabilité du système bancaire. Alors que l’inflation étrangle plus que jamais les ménages, que les coûts de l’énergie s’envolent, et que l’automne s’annonce très difficile, ce cadeau aux banques fait par l’État sur le dos des Français ne devrait pas passer inaperçu.

    Jonathan Baudoin

    [1] https://generationfrexit.fr/emprunts-detat-indexes-sur-linflation-un-scandale-a-15-milliards-deuros/

    [2] https://www.aft.gouv.fr/fr/oati-presentation

    [3] https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2022/07/05/finances-publiques-une-inflation-qui-rapporte

    [4] https://www.aft.gouv.fr/fr/principaux-chiffres-dette

    [5] https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/que-faire-de-la-dette-un-audit-de-la-dette-publique-de-la-france