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Libération des stocks, importations... : comment Total et Macron cherchent à briser la grève des raffineurs

Lien publiée le 9 octobre 2022

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Libération des stocks, importations... : comment Total et Macron cherchent à briser la grève des raffineurs (revolutionpermanente.fr)

Face à l'impact grandissant de la grève des raffineurs, Total et le gouvernement utilisent des moyens importants pour limiter les tendances à la pénurie de carburant : libération des stocks stratégiques, importations de carburants, travail le dimanche,... sont autant de moyens utilisés actuellement par les classes dominantes pour briser la grève des raffineurs. Il s'agit ainsi d'éviter que le mouvement de grève fasse tâche d'huile dans le reste du monde du travail.

Crédits photo : PASCAL GUYOT / AFP

Vers la pénurie de carburant dans le pays ?

Depuis quelques jours, les images des longues files d’attente devant les stations-essence commencent à faire les titres de plusieurs journaux. D’après Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, 15% des points de vente font face à une pénurie ou un risque de pénurie « sur au moins un type de carburant ». Des chiffres qui sont en réalité à prendre avec de la distance, puisqu’ils sembleraient largement sous-estimés comme l’affirment les magasins U qui déclarent par la voie de leur président : « ce chiffre de 15% lui paraît ’faible par rapport à la réalité des remontées du terrain’ ».

Samedi dernier, 17 stations de TotalEnergies sur 40 ne pouvaient plus vendre de gasoil ou d’essence aux alentours du périphérique parisien, selon France 3 Régions. Dans les Hauts-de-France, ce sont 30% des stations qui sont affectées tandis que 10% des lignes TER de la région carburent au gasoil et pourraient donc être à l’arrêt faute d’essence. Xavier Bertrand, président de la région, indiquait même que des cars scolaires n’avaient pas pu rouler pour les mêmes raisons.

Le gouvernement et patronat jouent « la force tranquille » mais la fébrilité commence à gagner du terrain

Dans ce contexte, le patronat et le gouvernement ne cessent de le répéter : il ne faut pas céder à la panique concernant l’état des stocks d’essence dans le pays. Mercredi, Olivier Véran rassurait ainsi la population en qualité de porte-parole de l’exécutif : « Nous ne sommes pas en situation de pénurie mais il y a des tensions, elles sont temporaires ». Dans le même sens, le président du lobby patronal UFIP Énergies et mobilités, Olivier Gantois, confirmait que « nous ne sommes pas en pénurie », mercredi 5 octobre sur RMC.

D’une part, l’enjeu est d’éviter toute « prophétie auto-réalisatrice » – selon les mots du porte-parole du gouvernement – générée par un afflux trop important et simultané d’automobilistes. Mais il s’agissait surtout de nier et masquer la grève inédite qui a lieu dans le secteur de la pétrochimie pour exiger une hausse de salaires, et dont l’impact économique commence à se faire sentir.

Dans un communiqué de TotalEnergies, la multinationale indiquait ainsi que « malgré les mouvements sociaux, le réapprovisionnement (des) stations se poursuit », pointant surtout l’attractivité de ses points de vente du fait de sa réduction du prix à la pompe. Dans le même sens, le président de l’UFIP assurait que les risques de pénurie relevaient d’une situation de « surconsommation » et non d’approvisionnement.

En réalité, avec deux raffineries ExxonMobil et trois sites Total (dont une raffinerie) à l’arrêt depuis plusieurs jours, ce sont en tout 52% des capacités de raffinage du pays qui sont au point mort. La capacité de blocage des profits capitalistes par les travailleurs de la pétrochimie est donc pour le moins importante, et se répercute directement sur d’autres secteurs stratégiques, à commencer par les transports. Comme le résume Alexis Antonioli, délégué syndical central sur le site de Normandie de Total : « La pénurie d’essence n’est qu’une conséquence de notre arrêt de travail ».

Ces derniers jours, cependant, le gouvernement a été obligé de changer de ton face à l’impact grandissant de la grève dans l’économie. En ce sens, le gouvernement a interpellé la direction de Total et d’ExxonMobil, ainsi que les syndicats, à reprendre la voie du "dialogue social", c’est à dire à négocier une sortie de crise. Un vœu pieu, alors que c’est l’impasse même des négociations dans ces deux entreprises qui a amené à des grèves reconductibles. En exhortant le patronat à considérer les demandes des salariés, le gouvernement cherche par ailleurs à redonner du blason aux primes Macron, sa principale « mesure » pour faire face à l’inflation. Des demandes de négociation qui montrent plus la fébrilité du gouvernement qu’une main tendue vers les salariés.

 Stocks stratégiques, importations, travail le dimanche... bientôt l’hypothèse de réquisitions ?

De surcroît, dans un contexte de crise énergétique et de tensions géopolitiques – au-delà de la guerre en Ukraine, l’OPEP a signé un accord pour baisser les exportations de pétrole et augmenter les prix – le blocage du raffinage par la grève et son impact grandissant sur l’économie commencent à mettre sur la défensive les classes dominantes. Celles-ci craignent que l’impact de cette dernière donne des idées au reste du monde du travail, où la colère face à l’inflation et la hausse du coût de la vie ne manquent pas. Dès lors, depuis le début de la grève elles ne cessent d’intensifier un ensemble de stratagèmes pour casser la grève.

D’une part, l’État a débloqué plusieurs réserves stratégiques de pétrole pour alimenter divers points de vente, qui correspondent à 18 millions de tonnes de carburant, soit 90 jours de consommation en tout. Mises en place au départ en 1925 pour parer des situations d’urgence comme les guerres, ces « RSP » ont été mobilisées en 2016 pour contrecarrer l’impact de la grève des raffineurs contre la Loi Travail. En parallèle, TotalEnergies cherche à accroître ses importations et a fait acheminer du kérosène depuis le Koweit la semaine dernière, selon une source syndicale interne.

De plus, le ministre chargé des transports, Clément Beaune, a annoncé sur LCI qu’une autorisation exceptionnelle de circuler serait mise en place dimanche pour les camions citernes. De quoi accélérer le remplissage des stations-service avec le pétrole frais venu de l’étranger.

D’autre part, dans le Nord Pas de Calais, il a été envisagé un temps de procéder à des réquisitions, avant que l’hypothèse ne soit dans un premier temps évacuée au profit du déblocage des stocks stratégiques. Pour autant, le fait que l’hypothèse ait été envisagée et qu’elle reste une hypothèse dans la région montre que le ministère de l’intérieur se garde, en ultime recours, la possibilité de réquisitionner les grévistes pour les forcer à reprendre le travail et mettre ainsi fin à la grève. Dans le Nord Pas de Calais, la préfecture a ainsi indiqué que des réquisitions « restaient possibles si le bon fonctionnement du terminal à l’arrêt n’était pas obtenu dans les prochains jours ».

Pour ce faire, le préfet s’appuie sur l’article 2215-1-4 du Code général des collectivités territoriales qui permet d’imposer la reprise du travail à des grévistes lorsqu’il y a « atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique ». De quoi briser la grève avec l’aval de la loi mais aussi du Conseil d’État, qui avait validé la réquisition des raffineurs pendant la grève contre la réforme des retraites en 2010. Si cette option reste beaucoup plus coûteuse politiquement et a été provisoirement rejetée par le gouvernement, certains secteurs de la classe politique - à l’instar de Xavier Bertrand jeudi sur FranceInfo - commencent à faire pression en ce sens, d’autant plus que la grève s’installe et que les importations ne peuvent satisfaire à elles seules les conséquences d’une grève dure dans les raffineries.

Face à l’Etat et au gouvernement, des raffineurs plus déterminés que jamais

Face à cette politique de division de l’opinion publique sur le conflit et d’intimidation des grévistes de la part de l’État, ces derniers ne sont pas dupes : « C’est surtout la direction de Total qui prend en otage les automobilistes. En tant que travailleurs, on a aussi besoin de carburant. La responsabilité de cette situation incombe à la direction, elle devrait ouvrir les négociations sur nos revendications de hausse de salaires. » souligne ainsi Alexis Antonioli.

En effet, en plus d’isoler les grévistes en masquant la réalité de la grève, le patronat de ces deux entreprises fait la sourde oreille : « on n’a aucune nouvelle de notre direction, qui n’écoute pas ce qu’on essaie de lui faire entendre », raconte Ludovic sur le piquet de grève de Total Normandie. A l’Assemblée générale des grévistes d’Exxon Gravenchon, les intervenants font le même constat : « La direction fait 409 millions de bénéfices, c’est indécent, mais elle ne met rien sur la table concernant nos revendications, donc la situation reste bloquée ».

De concert, l’exécutif et le patronat cherchent donc surtout à empêcher que la grève ne puisse obtenir le soutien de la population dans un contexte de colère généralisée sur le coût de la vie : « Ce qu’on voit c’est que le minimum pour les salariés c’est de conserver leur niveau de vie et donc de rattraper l’inflation. Cette question est même vitale pour tous », réaffirme Alexis Antonioli.

En effet, les directions de Total et d’ExxonMobil jouent le rôle de bouclier pour le reste du patronat français sur la question de l’augmentation des salaires dès lors qu’une victoire des raffineurs jouerait un rôle subjectif significatif pour l’ensemble du monde du travail. Les tentatives de répression du patronat étant surtout le reflet de sa fébrilité face à ce qui pourrait constituer une étincelle décisive dans le monde du travail, il faut donc souffler sur les braises dès maintenant en construisant un plan de bataille d’ensemble qui puisse arracher une hausse généralisée des salaires et leur indexation sur l’inflation.